Vaincre le paludisme, est-ce possible ?

Par Philippe Reinert Pédiatre, Créteil, France.

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Après la lecture des articles de ce numéro, et 10 ans après le lancement de la campagne "Roll Back Malaria", on peut avoir des doutes sur les objectifs de 2010 : dimi­nuer de moitié la mortalité et la morbidité du paludisme, en particulier en Afrique. Selon les experts de l'ONU, un enfant meurt toujours toutes les 30 secondes du paludisme. Et pourtant, nous avons les moyens, en 2008, d'obtenir ces résultats, avec de la volonté et de l'organisation !

Ainsi les moustiquaires imprégnées à longue durée d'action (5 ans) ont permis en Zambie de réduire de 80 % le paludisme de l'enfant dans certains villages. On estime qu'en 7 ans, ces moustiquaires ont évité 350 000 morts dans 25 pays. La production de telles mousti­quaires, entre 2004 et 2007 a doublé, passant de 30 à 60 millions d'unités : le problème est qu'il en faudrait 250 millions pour couvrir 80% de la population à risque ! Il faut bien sûr parler de leur coût : souvent distribuées, elles doivent malheureusement encore être ache­tées au prix de 7,50 euros l'unité (régions ou l'on vit avec 0,60 euros/jour !!).

Pour ce qui est des traitements, les dérivés de l'artémisine (ACT) sont remarquablement efficaces, mais ne doivent jamais être employés seuls, par crainte de l'apparition de résistances : leur coût est, suivant les pays, environ 10 fois supérieurs à celui des antimalariques classiques, ceci explique qu'en 2006, seulement 20 % des malades avaient accès à de tels médicaments. Il est certain que la culture intensive de "la plante miracle" va faire chuter les prix de ACT. D'autres médicaments, aussi efficaces, sont en cours d'étude et devraient être dispo­nibles dans les années à venir.

Depuis 3 ans, de nombreux bailleurs (RBM, FMSTP, UNITAID) permettent un approvi­sionnement gratuit en médicaments et pour les populations vulnérables en MII. Le problè­me est leur stockage, leur distribution, leur dispensa­tion et leur bonne utilisation.

Et les vaccins : l'immunité contre le paludisme n'entraîne qu'une protection partielle, mais protège partiellement, contre les formes mor­telles, les nourrissons de moins de 3 mois (rôle protecteur des anticorps maternels trans-pla­centaires) et les enfants de plus de 5 ans ainsi que les adultes "hyperstimulés" par de nom­breuses piqûres et ayant donc un taux élevé d'anticorps. Ces constatations ont encouragé la recherche vers un vaccin.

De nombreux essais on été décevants. Cepen­dant, depuis 2007, deux vaccins sont promet­teurs : l'un pré-érythrocytaire, nommé RTSS a été testé dans deux essais à grande échelle. Un essai plus récent, fondé sur la protéine de la phase érythrocytaire MSP3 détermine chez les volontaires des taux élevés d'anticorps et une immunité cellulaire importante. Mais il ne faut pas attendre un vaccin avant plusieurs années.

Soyons enfin plus réalistes : de nombreuses crises palustres ont une évolution fatale, car elles sont diagnostiquées et traitées trop tardivement ; l'arrivée de tests rapides, de plus en plus per­formants, devrait permettre un traitement précoce, meilleur gage de guérison !

Des soignants bien formés, bien informés doi­vent permettre une prise en charge correcte des cas de paludisme non compliqués, une dis­ponibilité correcte des moyens de lutte et une utilisation adéquate de ces moyens. Si ces objectifs sont atteints, la majeure partie des cas compliqués graves de paludisme sera évitée et c'est ce but auquel ce guide souhaite contri­buer.

Développement et Santé, n°189, 2008