La cicatrisation dirigée

Par Philippe Roure

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La cicatrisation dirigée par Philippe Roure Chirurgien-orthopédiste, Hôpital Boucicault, Paris. La cicatrisation dirigée est la méthode la plus simple pour traiter une perte de substance superficielle. Il s'agit d'une technique simple et peu coûteuse faisant appel uniquement à des pansements répétés, avec ou sans anesthésie, mais qui nécessite le respect de quelques règles élémentaires. Le but est d'obtenir un sous-sol bien vivant au niveau de cette perte de substance, appelé bourgeon de granulation, qui sera le support d'une repousse cutanée à partir des berges. On distingue 2 phases successives : une phase de détersion, puis une phase de bourgeonnement. I. Phase de détersion Son but est d'encadrer l'infection naturelle qui siège au niveau de la plaie, et qui va éliminer les résidus de tissus non viables. Ces tissus morts doivent cependant être préalablement excisés chirurgicalement et par l'action mécanique du brossage et du nettoyage, afin que l'infection ne déborde pas le cadre de la plaie. Les bactéries ne doivent se charger d'éliminer que les tissus nécrotiques résiduels. 1. Pansement initial La perte de substance est d'abord nettoyée avec du sérum physiologique et un antiseptique, ou au pire simplement avec de l'eau et du savon. Elle est frottée à la compresse ou à la brosse afin d'éliminer tout corps étranger visible. Il ne faut pas hésiter à effectuer un brossage énergique de la plaie. Toutes les anfractuosités et décollements doivent être explorés et nettoyés. La perte de substance est ensuite rincée au sérum physiologique ou à l'eau. Le parage chirurgical, c'est-à-dire l'exérèse au bistouri ou aux ciseaux des fragments à l'évidence dévascularisés ou très contus doit être pratiqué dès le premier pansement. Il s'agit d'un temps très important car il va conditionner la réussite et la qualité du traitement. Idéalement, la perte de substance doit ensuite être recouverte d'une épaisseur de Tulle Gras", ou d'une compresse enduite de vaseline, elle-même recouverte d'un pansement humide imbibé si possible d'antiseptique. 2. Déroulement des pansements Le pansement doit être refait tous les jours si les écoulements sont importants, si non tous les 2 jours. Après avoir enlevé le pansement précédent et s'être installé dans des conditions aussi stériles que possible, on effectue une toilette sous l'eau du robinet, ou au mieux au sérum physiologique. La plaie est rincée en s'aidant de compresses, en tamponnant et en frottant doucement. Les débris de tissus nécrosés sont enlevés. Un parage complémentaire est réalisé si nécessaire. La plaie est ensuite de nouveau recouverte d'une compresse vaselinée, qui favorise le bourgeonnement et le décollement du pansement suivant. Si la plaie est propre, l'utilisation d'antiseptique locaux n'est plus indispensable. Un pansement humide recouvre ensuite la compresse vaselinée. 3. Conduite à tenir en cas d'infection Une plaie est toujours septique, et l'infection est un processus normal qui fait partie de la cicatrisation en assurant une détersion naturelle par la suppuration. Elle ne nécessite donc ni traitement antibiotique, ni antiseptique, à partir du moment où elle reste limitée à la plaie. En cas d'apparition de signes régionaux (lymphangite), ou généraux (fièvre, septicémie) un traitement par antibiotiques adapté per os ou par voie intraveineuse doit être mis en place. Il faudra alors vérifier la qualité du parage chirurgical. Il. Phase de bourgeonnement 1. Pansement pro-inflammatoire Après la phase de détersion suppurée, le pansement à pour but de passer à la phase de bourgeonnement pour obtenir un bourgeon de granulation. Il s'agit d'un pansement pro-inflammatoire, c'est-à-dire favorisant une inflammation locale qui va aider à l'apparition du bourgeon, dont le principe actif est la vaseline. On utilise donc un pansement gras, type Tulle Gras , ou une compresse vaselinée, en simple épaisseur sur la plaie, puis recouverte de compresses sèches. La plaie ne doit pas être frottée vigoureusement à la brosse comme lors du pansement initial pour ne pas empêcher la formation du bourgeon de granulation. Lorsque le bourgeon est de bonne qualité et affleure les berges de la perte de substance, il se recouvre de peau à sa surface à partir des berges cutanées. 2. Bourgeon hypertrophique Lorsque le bourgeon devient trop important, dépassant la hauteur des berges périphériques de la perte de substance, il gène alors la repousse cutanée. Un pansement anti-inflammatoire est alors si possible utilisé, à l'aide d'une compresse humide imbibée d'hydrocortisone à 2,5 % ou de Corticotulle®. Une fois le bourgeon hypertrophique affaissé, en principe au bout de quelques jours, il est entretenu en utilisant un pansement anti-inflammatoire tous les 5 à 6 pansements pro-inflammatoires. III. Indications Il s'agit d'une méthode simple et peu coûteuse, mais nécessitant un suivi régulier du patient, et donc sa coopération. Elle est particulièrement indiquée dans les pertes de substances de petite et moyenne importance, et dans les cas de lésions infectées étendues nécessitant une exérèse chirurgicale (kyste pilonidal, abcès ... ). Les résultats sont en principe très satisfaisants, aussi bien du point de vue mécanique, fonctionnel qu'esthétique. Une greffe cutanée doit cependant être préférée dans la mesure du possible dans le cas de perte de substance de grande taille afin de raccourcir le délai de cicatrisation, et lorsque la perte de substance est proche d'une articulation, la rétraction cicatricielle pouvant entraîner la formation d'une bride Développement et Santé, n° 144, décembre 1999