Mutilations sexuelles féminines : changements sociaux - introduction

Par Louis Guinamard Coordinateur de la mobilisation Excision, parlons-en !

Publié le

Changements des normes et dynamiques sociales

L’excision est une norme sociale profondément enracinée dans les sociétés qui la pratiquent.

Refuser de s’y conformer peut affecter les possibilités pour une fille de se marier, entraîner son exclusion sociale et avoir un impact sur le statut social de sa famille. Les programmes doivent donc tenir compte des dynamiques sociales qui sous-tendent la perpétuation de la pratique et contribuer à remettre en question les idées et les stéréotypes invoqués par les communautés concernées.

Approche communautaire

Les modalités d’intervention promouvant l’abandon de l’excision doivent s’adapter aux contextes locaux tout en respectant plusieurs exigences : correspondre aux réalités et sensibilités culturelles pour mieux pénétrer les pratiques locales ; éviter la stigmatisation des femmes ; envisager la reproductibilité ; agir avec un nombre suffisant de communautés pour que le changement soit collectif et assure aux femmes non excisées un avenir social.

Les interventions dans les zones où les taux de prévalence sont élevés impliquent un travail au niveau collectif. Elles doivent inclure l’adhésion d’un ensemble d’acteurs : leaders communautaires, personnels médical, chefs religieux, femmes et hommes. Le consensus se construit aussi entre les générations (grands-parents, parents, adolescents, enfants) qui ont toutes un rôle à jouer dans l’abandon de l’excision.

Approche holistique

L’abandon de l’excision passe par une approche pluridisciplinaire qui comprend plusieurs dimensions.
L’éducation et la prévention permettent de dispenser de nouvelles connaissances (droits humains, santé) mais aussi d’offrir aux participant-e-s un espace pour échanger sur leurs expériences, d’examiner leurs « croyances » et valeurs relatives à l’excision et imaginer des solutions pour abandonner la pratique.

La diffusion organisée, en partant du cas localisé d’un groupe ayant fait connaître son intention d’abandonner la pratique, jusqu’à ce qu’une part importante de la communauté où se nouent les mariages soit prête à abandonner les MSF. Après l’atteinte d’une masse critique, les attentes sociales changent et l’abandon peut se pérenniser.

L’engagement public de groupes pratiquant jusqu’alors l’excision et choisissant de manière collective et explicite d’abandonner la pratique permet l’instauration d’un climat de confiance, le basculement de la norme sociale et représente une étape essentielle dans le processus d’évolution durable au sein des communautés.

Des liens au-delà des frontières nationales doivent être noués. En effet, les efforts et stratégies locales doivent considérer le fait que les groupes ethniques ne s’arrêtent pas aux frontières nationales.
Ces mesures doivent s’accompagner de campagnes d’information pour garantir l’adhésion de l’opinion publique.

Cercle vertueux

Cette diffusion permet au changement social positif de se propager à tous les membres du groupe, puis d’enclencher un cercle vertueux. L’expérience a montré que l’abandon de pratiques millénaires, à l’image du bandage des pieds des femmes en Chine, est possible. Au-delà, l’abandon de l’excision doit amener des changements profonds en faveur de l’égalité femmes-hommes. Les pratiques sociales discriminantes à l’égard des femmes doivent être remises en question. Un véritable processus d’empowerment doit permettre aux femmes de s’approprier leurs droits et d’exprimer leurs opinions, et de trouver une place différente au sein de leur communauté.