Maladies parasitaires et grossesse

Par Patrice Bourée Unité des Maladies Parasitaires et Tropicales, Institut Fournier, Paris

Publié le

Outre le paludisme (traité dans un autre article), principale parasitose retentissant sur la grossesse, d’autres parasitoses, intestinales ou générales, fréquentes en zone tropicales, peuvent interférer avec la grossesse, avec habituellement une aggravation des troubles.

I. Amoébose

L’amoébose (nouvelle appellation de l’amibiase) est extrêmement répandue dans les pays tropicaux, atteignant environ 10 % de la population mondiale. L’homme s’infeste par ingestion de kystes d'Entamoeba histolytica avec les crudités, les fruits ou l’eau de boisson. Chez les sujets en bonne santé, les kystes se transforment en formes minuta, non pathogènes, puis ces formes se multiplient et s’enkystent. Ces kystes sont éliminés dans les selles et disséminés dans la nature. En cas de résistance amoindrie du sujet, les amibes grossissent, prennent la forme hématophage et attaquent la muqueuse intestinale (abcès en « bouton de chemise ») puis diffusent vers le foie ou le poumon.

1. Clinique

La grossesse ou les suites d’accouchement ou d’avortement, sont des circonstances favorables pour l’amibiase et provoquent l’apparition de symptômes graves, en raison, probablement, de l’imprégnation hormonale due à la grossesse (élévation des 17-hydroxycorticostéroides et du cholestérol) qui favorise le développement d'Entamoeba histolytica. L’amibiase serait la principale cause de décès maternel en Tanzanie. Aussi, en zone tropicale, ne faut-il jamais négliger les « petites diarrhées » chez les femmes enceintes. Apparaissent vite des selles liquides avec des glaires et du sang, s’accompagnant d’intenses douleurs abdominales.

En cas d’amibiase aiguë, l’état général s’effondre rapidement, l’abdomen est tendu, ballonné et douloureux. L’anus béant et le sphincter atonique laissent sourdre des pertes sanguinolentes. Le bilan biologique montre une hémoconcentration, une acidose, des pertes ioniques, et confirme la présence d’amibes dans les selles. En cas d’amibiase viscérale, l’échographie abdominale ou la radiographie pulmonaire et le sérodiagnostic permettent d’affirmer le diagnostic. Le recours à la ponction hépatique (pus « chocolat ») est devenu rarissime.

Chez les femmes des zones tropicales, les grossesses successives et rapprochées surviennent sur des terrains déjà malnutris et anémiés (ankylostomose, carences vitaminiques, hémoglobinopathies, grossesses rapprochées). Aussi l’hypovolémie peut-elle entraîner une vasoconstriction artériolaire avec nécrose de la muqueuse, puis choc septique par décharges bactériennes. Il en découle une anoxie tissulaire responsable d’avortements, d’accouchements prématurés, voire de morts fœtales in utero.

2. Traitement

Le traitement actuel est basé sur la prescription de dérivés imidazolés : métronidazole, tinidazole à la dose de 2 g/j pendant 3 jours. La destruction des kystes intestinaux résiduels justifie la prise de tiliquinol/tilbroquinol : 4 gélules par jour pendant 10 jours. En cas de colite aiguë ou d’abcès amibien important du foie ou du poumon, avec un effondrement de l’état général et une intolérance alimentaire, on utilise le métronidazole par voie intraveineuse.

L’amoebose n’est pas transmissible au fœtus in utero, les amibes étant trop grosses pour traverser le placenta. Mais le traitement de la mère et un lavage soigneux et répété des mains sont nécessaires avant de s’occuper de son enfant pour éviter une contamination néonatale. Aussi, est-il important de faire respecter une hygiène alimentaire stricte chez la femme enceinte. En cas de doute sur le transit, un examen bactériologique et parasitologique des selles est indispensable pour déceler l’étiologie de la diarrhée. Les traitements par les imidazolés ne sont ni tératogènes, ni abortifs. Cependant, si l’état clinique le permet, on préfère par excès de prudence, attendre le 2ème trimestre pour prescrire ces produits. Si les troubles sont prononcés et deviennent très gênants sur le plan fonctionnel, il ne faut pas hésiter à traiter dès le premier trimestre.

II. Ankylostomose

Les ankylostomes sont des petits vers ronds intestinaux dont la contamination se fait par voie transcutanée. Ils sont répandus dans toutes les zones tropicales et subtropicales, atteignant environ 800 millions de personnes. Situés au niveau du duodénum, ils sont hématophages et consomment 0,2 ml de sang par jour pour l’espèce Ankylostoma duodenale et 0,02 ml par jour pour l’espèce Necator americanus.

1. Clinique

Les troubles sont essentiellement digestifs. Mais au stade de l’infestation chronique, apparaît une anémie ferriprive parfois importante, l’hémoglobine descendant au-dessous de 5g/100 ml. Une telle conséquence provoque une asthénie extrême, une insuffisance cardiaque et un risque important d’avortement et d’accouchement prématuré. L’anémie augmente le danger vital de toute hémorragie liée à la grossesse, en particulier pendant le travail. Le passage des larves d’ankylostomes chez un fœtus a été exceptionnellement signalé, ayant entraîné une hémorragie fatale à l’âge de 4 mois.
Le diagnostic repose sur l’examen de selles mettant les œufs caractéristiques en évidence.

2. Traitement

Il repose sur :

  • le pamoate de pyrantel : 6 comprimés par jour (3 le matin, 3 le soir) pendant 3 jours.
  • ou le flubendazole : 2 comprimés par jour (1 matin et soir) pendant 3 jours.

Si l’anémie est modérée, le traitement antihelminthique suffit, l’hémoglobine se normalisant rapidement dès la disparition des parasites. Mais en cas d’anémie importante, grevant le pronostic vital de la mère ou de l’enfant, outre l’antihelminthique, une transfusion est indiquée, suivie d’un traitement de quelques semaines par de l’acide folique et du fer (Ferograd® 1 cp/j).

III. Bilharzioses

Atteignant près de 600 millions de personnes, les bilharzioses (ou schistosomoses, dont il existe cinq espèces), très répandues en pays tropical, sont dues à la pénétration transcutanée des cercaires situées dans l’eau douce (marigots). Toute la pathogénicité des bilharzioses réside dans la réaction inflammatoire qui se forme autour des œufs, réalisant le "granulome bilharzien". La présence de très nombreux granulomes entraîne une modification importante du tissu, en particulier dans le foie, où apparaît une fibrose portale, mais aussi dans toute la sphère génitale.

1. Clinique

Le problème majeur de la bilharziose, essentiellement urinaire, est l’atteinte génitale constatée surtout chez les femmes jeunes. En effet, l’hématurie, signe majeur de la bilharziose urinaire, ne provoque que rarement une anémie très marquée.

L’atteinte ovarienne entraîne une douleur du petit bassin, une dyspareunie, des méno-métrorragies, mais surtout une dysménorrhée puis une aménorrhée. En découle une stérilité primitive ou secondaire. En cas de grossesse, peut survenir un avortement ou un accouchement prématuré avec hypotrophie fœtale. Des vers adultes et des œufs de schistosomes ont été retrouvés dans le placenta et dans le liquide amniotique. Les infestations fœtales ne sont qu’exceptionnelles, et constatées avec S. japonicum, mais les antigènes solubles passent chez le fœtus, expliquant une certaine réaction immunologique de défense. Le poids de naissance est habituellement normal.

L’atteinte tubaire, fréquemment associée, peut entraîner une salpingite, une grossesse extra-utérine, ou une stérilité (Tableau ci-dessous). La stérilité est surtout d’origine cervicale par sclérose, absence de glaire ou même augmentation des anticorps antispermatozoïdes. L’atteinte du corps utérin provoque essentiellement des ménométrorragies. Des études anatomopathogiques des organes génitaux féminins en Afrique ont montré une atteinte bilharzienne non négligeable des trompes et des ovaires (Tableau X).

Atteintes génitales bilharziennes dues à Schistosoma haematobium (étude sur 1203 prélèvements : œufs retrouvés dans 21 trompes et 10 ovaires)
Motif de consultation Types
A B C D
Stérilité secondaire 5 1 1 1
Grossesse extra-utérine 1 - 2 1
Salpingite chronique 1 1 2 -
Pyosalpinx 1 - 1 -
Absence de pathologie tubaire
Kyste de l'ovaire 4 - 2 4
A : infiltrat tissulaire inflammatoire diffus, ou granulomes inflammatoires avec œufs en voie de dégénérescence. B : réaction cellulaire à corps étranger avec fragments d'oœufs et inflammation tissulaire minime. C : nodule fibreux centré par un œuf. D : présence d'œufs sans réaction tissulaire.

L’atteinte cervico-vaginale, présente dans 80 % des cas, se manifeste par des troubles des règles. L’examen local retrouve un col et une muqueuse vaginale granuleux. Le test au Lugol révèle de nombreuses plaques de leucoplasie. Lors de l’accouchement, la fréquence des dystocies peut rendre nécessaire une césarienne.

Le diagnostic différentiel des bilharzioses génito-urinaires se pose avec des affections aussi diverses que fibrome utérin, torsion d’un kyste de l’ovaire, tuberculose génitale, cancer du col, ou cancer vulvaire. La bilharziose étant une maladie à évolution longue, sans complication particulière due à la grossesse, il est préférable, si l’état clinique est encore satisfaisant, d’attendre l’accouchement pour traiter.

2. Traitement

Le traitement actuel par praziquantel 40mg/kg en cure unique, n’est justifié pendant la grossesse, par prudence, que si les troubles cliniques sont importants. Cependant ce produit n’est ni abortif, ni tératogène. La prophylaxie consiste à éviter le contact avec l’eau douce. Mais le développement des terres cultivées, nécessitant une irrigation, étend les zones de répartition des bilharzioses.

IV. Leishmanioses

Il existe deux variétés de leishmaniose, transmises par un petit diptère, le phlébotome : les leishmanioses cutanées ou Bouton d’Orient et la leishmaniose viscérale ou kala-azar.

1. Clinique

La forme cutanée n’est pas influencée par la grossesse. La forme viscérale survient plus fréquemment dans le courant du post-partum, mais aucun auteur ne signale de retentissement sur la grossesse. Le kala-azar se manifeste par une fièvre anarchique, une pâleur « vieille cire », une hépatosplénomégalie, des adénopathies, une pancytopénie, une hyperprotidémie et une V.S. supérieure à 100 à la première heure.

Le diagnostic repose sur la découverte des leishmanies dans le prélèvement cutané ou dans la moelle osseuse (pour le kala-azar).

2. Traitement

Le traitement est basé sur les dérivés de l’antimoine - l'antimoniate de méglumine (60 mg/kg/j) - qui peuvent provoquer de nombreuses réactions secondaires générales. Toutefois, il n’a pas été décrit d’effets tératogènes ni abortifs. Il en est de même de l’amphotéricine B liposomal. La leishmaniose cutanée étant bénigne et guérissant souvent spontanément, on préfère s’abstenir de la traiter chez la femme enceinte. Mais en cas de kala-azar, le traitement s’impose, car l’évolution spontanée est mortelle. Les femmes enceintes traitées, ont presque toujours donné naissance à des enfants sains : quelques cas seulement de kala-azar congénital ont été rapportés à ce jour, les enfants présentant les mêmes troubles que la mère et justifiant du même traitement. La transmission congénitale a déjà été constatée alors que la mère était asymptomatique.

V. Trypanosomoses

1. Trypanosomose africaine

La trypanosomose humaine africaine est une affection due à un flagellé, Trypanosoma gambiense en Afrique de l’Ouest et Trypanosoma rhodesiense en Afrique de l’Est, transmis par la glossine, ou « mouche tsé-tsé ».

a. Clinique

Les troubles cliniques concernent principalement le système nerveux : hyperesthésie profonde, irritabilité, anxiété, puis apathie extrême, d’où le nom de "maladie du sommeil ".

Une perturbation endocrinienne est fréquente avec troubles de la régulation thermique, perte de la libido, aménorrhée et stérilité. Chez la femme enceinte non traitée en raison d’une atteinte subclinique, peuvent survenir des avortements (10 à 30 % des cas) ou des accouchements prématurés. La trypanosomiase congénitale est possible, par passage du parasite à travers le placenta. L’enfant est fébrile et somnolent avec des convulsions répétées et une hépatosplénomégalie. Il n’est pas rare de diagnostiquer des trypanosomoses congénitales chez des enfants dont la mère est asymptomatique.

Le diagnostic repose sur l’accélération de la vitesse de sédimentation, la présence d’IgM dans le LCR et la mise en évidence du parasite dans la moelle et le L.C.R.

b. Traitement

Le traitement, en milieu hospitalier, repose sur la pentamidine (4 mg/kg/j) ou le mélarsoprol (3,6 mg/kg/j). Ces produits sont assez mal supportés et peuvent provoquer un avortement. Mais la trypanosomiase ayant une évolution mortelle quasi inéluctable, le traitement est indispensable. Le DFMO ou éflornithine (400mg/kg/j) apporte l’espoir d’une nouvelle thérapeutique efficace et sans les effets secondaires des produits classiques. Cependant, son retentissement sur la grossesse n'étant pas connu, il est plus prudent de l’éviter echez la femme enceinte. Les examens biologiques donnent les mêmes résultats que chez l’adulte. Le trypanosome peut être retrouvé dans le sang du cordon. Le traitement est identique à celui de l’adulte.

2. La trypanosomose américaine, ou maladie de Chagas

Elle est due à un flagellé, Trypanosoma cruzi, transmis par une punaise. Très répandue en Amérique du Sud, elle sévit essentiellement dans les milieux défavorisés et infeste 10 à 18 millions de personnes, y compris au Etats-Unis.

a. Clinique

Un œdème palpébral, une fièvre à 40°C et une hépato-splénomégalie caractérisent la phase aiguë. Les symptômes régressent, et plusieurs années après, apparaît la forme chronique : myocardite, méningo-encéphalite et dilatation du tube digestif.

La transmission congénitale dépasse 10 % en Bolivie, et atteint 30 % en Argentine et provoque des avortements, morts in utero, et morts néonatales par pancardite ou encéphalite. Parfois l’enfant naît apparemment sain, les troubles n’apparaissent que tardivement (après plusieurs semaines ou plusieurs mois) : fièvre, anémie, ictère, hépatomégalie, hémorragies, convulsions.

b. Traitement

Le traitement est basé sur le nifurtimox (10 mg/kg/j pendant 3 mois) ou le benznidazole (5 mg/kg/j pendant 1 mois). Une étude comparative entre 1992 et 2001 a montré une réduction des cas symptomatiques et surtout de la mortalité néonatale (de 50 % à 16 %), en raison de la régression de la pauvreté et donc de la densité de piqûres de réduve.

VI. Autres parasitoses

1. Giardiose

La giardiose est une parasitose intestinale due à Giardia intestinalis. Elle se manifeste par des épigastralgies plus ou moins rythmées par les repas, évoquant un ulcère d’estomac ou une pancréatite avec des selles abondantes et luisantes. Le diagnostic est établi par l’examen parasitologique des selles ou le tubage gastrique. Dans la grande majorité des cas, les troubles sont peu marqués et la prescription thérapeutique n’est pas urgente et peut attendre l’accouchement. Mais la giardiase peut, parfois, provoquer une malabsorption avec déshydratation.

Il n’y a pas de transmission congénitale de la giardiose. Cependant, en raison du risque de transmission de cette parasitose par les mains souillées, il est important de traiter pour éviter une giardiose néonatale. Le traitement en cure unique par le tinidazole (4 comprimés) est efficace et très bien supporté.

2. Trichomonose

La trichomonose est cosmopolite et très fréquente en Afrique. Elle se manifeste par des leucorrhées nauséabondes. La muqueuse vaginale est inflammatoire. Ces parasites ne passent pas chez le fœtus. Toutefois, en cas d’infestation importante, ils pourraient remonter les voies génitales. Les oestrogènes maternels passant chez le fœtus, contribuent à éliminer les trichomonas. La trichomonose néonatale, rare, reste le plus souvent asymptomatique. Le traitement, chez la mère, est basé sur une prise unique de tinidazole.

3. Pneumocystose

La pneumocystose, due à Pneumocystis jiroveci, est une protozoose, considérée comme une affection opportuniste chez les sujets immunodéprimés, et tout particulièrement les sujets infestés par le V.I.H. Etant donné le grand nombre d’adultes atteints, des femmes enceintes ont été infestées par le Pneumocystis. Mais les cas de transmission congénitale sont tout à fait exceptionnels.

4. Autres nématodoses intestinales

Outre les ankylostomes, déjà cités, les autres nématodoses intestinales, extrêmement fréquentes en zone tropicale, ne posent aucun problème particulier chez une femme enceinte : oxyures, ascaris, trichocéphales, anguillules ne provoquent que des troubles digestifs pouvant éventuellement aggraver les désagréments habituels de la grossesse. Tant que les troubles restent modérés et tolérables, les traitements ne sont pas indispensables et peuvent n’être pratiqués qu’après l’accouchement.

Des larves d’ascaris ont déjà pu traverser le placenta et rejoindre la circulation fœtale. En cas d’infestation importante, il est cependant conseillé de traiter la mère peu avant l’accouchement, pour éviter une migration des vers pendant le travail. Outre le prurit anal, désagréable chez la mère, les oxyures sont parfois responsables de granulomes éosinophiles dans l’utérus, les trompes ou les ovaires, ce qui peut entraîner une stérilité secondaire.

Le traitement de ces vers est simple : 6 comp/j pendant 3 jours de pamoate de pyrantel, ou 2 comp/j/3j de flubendazole associés à des mesures d’hygiène : changement de linge le jour du traitement qui doit être pris par toute la famille le même jour, ongles coupés le plus court possible, car ce sont des réservoirs d’œufs d’oxyures.

5. Trichinellose

La trichinellose provoque un syndrome très caractéristique : fièvre à 40°C, diarrhées, œdème de la face, myalgies. Le seul risque est l’avortement ou l’accouchement prématuré en cas d’accès fébrile important. Exceptionnellement, des larves ont été retrouvées dans le placenta et dans les muscles d’un enfant âgé de 6 semaines. Le traitement est le flubendazole. L’albendazole, est efficace, mais son innocuité chez la femme enceinte n’est pas encore prouvée. Enfin, les corticoïdes sont prescrits en cas de risque vital.

6. Taeniasis et distomatoses

Les taeniasis et les distomatoses provoquent des troubles digestifs et généraux variés, mais sans retentissement sur le fœtus. Leur traitement peut être différé jusqu’à l’accouchement. Mais, en cas de troubles trop prononcés, la trédémine (4 comp.) ou le biltricide (1 comp.) sont bien tolérés. La complication du Taenia solium, ou neurocysticercose provoque des céphalées et des convulsions, à différencier d’une éclampsie.

7. Hydatidose

L’hydatidose, découverte chez une femme enceinte, ne peut gêner une grossesse que si elle est pelvienne et relativement importante, provoquant une dystocie des parties molles, et aboutissant à une césarienne. L’ablation des kystes hydatiques est alors possible après l’extraction du fœtus. Il faut toujours vérifier les autres viscères, par échographie abdominale en particulier foie et rate, localisation préférentielle de l’hydatidose. Les localisations utérines ou tubaires provoquent des douleurs pelviennes et des métrorragies et seraient responsables de 0,3 % des stérilités. L’hydatidose nécessite une ablation chirurgicale, réalisable pendant la grossesse.

En cas de nécessité, le diagnostic est confirmé par un examen parasitologique des selles et, selon les cas (hydatidose, distomatose, larva-migrans viscérale), une sérologie. Les traitements ne sont pas urgents et peuvent attendre l’accouchement sauf si les troubles digestifs sont vraiment trop marqués. Les traitements usuels, ne passant pas la barrière intestinale, ne posent aucun problème en cours de grossesse. Les mesures préventives sont simples et peu contraignantes.

8. Toxoplasmose

La toxoplasmose est une affection cosmopolite habituellement bénigne, sauf chez la femme enceinte chez qui elle peut provoquer des avortements ou des troubles oculaires ou neurologiques. Aussi, le sérodiagnostic de la toxoplasmose doit-il être réalisé en tout début de grossesse et répété régulièrement en cas de négativité, assortie de précautions habituelles (bien cuire la viande, bien laver les crudités….). Si le femme est porteuse d’anticorps IgG à un taux stable, elle peut être considérée comme immunisée contre cette affection.

9. Filarioses

Les filarioses sont des affections subaiguës ou chroniques, sans retentissement particulier sur la grossesse. Les microfilaires ne traversent pas le placenta. Il n’y a donc pas de filariose congénitale. Les troubles sont variés selon l’espèce en cause : prurit, souvent exacerbé par la grossesse, (onchocercose), abcès sous-cutané (dracunculose) œdème fugace (loaose), lymphangite (filariose lymphatique). Les éléphantiasis des membres pourraient être gênants mais surviennent chez des sujets relativement âgés, éliminant le risque d’être associés à une grossesse. Les filarioses ne nécessitent pas un traitement urgent, pendant la grossesse. Le traitement est l’ivermectine (200µg/kg en cure unique), bien toléré. Mais là encore, par prudence, on préfère s’abstenir de prescrire ce produit pendant la grossesse.

Ainsi, de nombreux parasites peuvent être constatés chez une femme enceinte, avec un retentissement variable selon les parasites en cause. Le paludisme est certainement le plus fréquent, nécessitant un traitement rapide. Les parasitoses digestives ne posent pas de problème vital et leur traitement doit être adapté en fonction de l’intensité de l’infestation et des conséquences sur la grossesse et le fœtus.

En pratique
  • L’infestation importante par l’ankylostome aggrave l’anémie de la femme enceinte.
  • La bilharziose peut envahir les organes génitaux et être responsable de stérilité, de dystocie utérine, d’accouchement prématuré.
  • La plupart des helminthes intestinaux ne retentit que peu sur la grossesse et leur traitement peut attendre l’accouchement.
Risques des principales affections tropicales transmissibles au fœtus
Pathologie Risque fœtal Prévention
Paludisme Diminution du poids de naissance, anémie Chimioprophylaxie Prévention antimoustique
Hépatites A et B Troubles hépatiques Vaccination
Toxoplasmose Troubles neurologiques Troubles oculaires Précaution alimentaire
Leishmaniose Atteinte cutanée ou viscérale Protection anti-phlébotome
Fièvre jaune Troubles neurologiques Vaccination Prévention anti-moustique
Dengue Syndrome fébrile Protection anti-moustique
Trypanosomose africaine Troubles neurologiques Protection contre les mouches tsé-tsé
Trypanosomose américaine Maladie de Chagas congénitale Protection contre les punaises
Caractéristiques des nématodoses intestinales
Parasite Localisation Symptômes Complications Diagnostic Traitement
Oxyure Caecum Prurit anal Vulvovaginite Appendicite Scotch-test anal Pyrantel Flubendazole
Ascaris Intestin grêle Douleurs abdominales Occlusion intestinale Examen parasito. des selles Flubendazole Albendazole
Trichocéphale Caecum Douleurs abdominales Prolapsus rectal Examen parasito. des selles Flubendazole
Anguillule Duodénum Douleur abdominales, diarrhées Diffusion méningée Examen parasito. des selles (et technique de Baermann) Ivermectine
Ankylostome Duodénum Douleur abdominales Anémie Examen parasito. des selles Flubendazole
Trichine Muscles Fièvre, diarrhées, myalgies, œdème Troubles cardiaques et neurologiques Sérologie, biopsie musculaire Flubendazole Albendazole ± corticoïdes