Les difficultés de la prise en charge du diabète de type 1

Par Stéphane Besançon Biologiste et nutritionniste, directeur de l'ONG Santé Diabète Mali, Bamako, Mali.

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La prévalence du diabète de type 1 est sous-estimée en Afrique, en raison principalement des difficul­tés de dépistage et du coût élevé du traitement qui nécessite obligatoirement le recours à l'insuline. La petite Aminata est une patiente diabétique malienne qui a souhaité s'exprimer non seulement sur sa maladie, mais aussi sur les difficultés liées au diabète de type 1 au Mali.

Bonjour Aminata, quel âge as-tu ? Depuis quand es-tu diabétique ?

J'ai 17 ans et je suis diabétique depuis 6 ans. J'avais 11 ans lorsque l'on m'a dit que j'étais atteinte du diabète.

Comment as-tu su que tu étais diabétique ?

Je me suis mise à boire énormément et à uriner beaucoup. J'étais aussi très fatiguée. J'ai été amenée chez le médecin qui a pensé d'abord à une fièvre typhoïde mais, lorsquea'analyse a été faite, elle était négative. Ensuite, on a commencé à me traiter pour le paludisme mais là aussi, l'analyse (la goutte épaisse) était négative. On m'a fait d'autres analyses (échographie abdominale etc....) mais rien n'était détecté. Pendant ce temps, mes symptômes se sont aggravés jusqu'à ce que je tombe dans le coma. Heureusement, avec ce coma, j'ai été amenée à l'hôpital de Bamako et là, les spécialistes ont tout de suite dépisté mon diabète. Ils ont réussi à me sortir du coma et ensuite m'ont expliqué ma maladie et le traitement que je devrais suivre toute ma vie.

Est-ce que tu vas à l'école ou est-ce que tu travailles ?

J'allais à l'école mais, à partir du moment où je suis tombée malade, j'ai été très souvent absente. Là aussi, après la découverte de mon diabète, ma santé n'a pas été bonne et j'ai raté de nombreuses semaines d'école. Avec toutes ces absences, ça a été de plus en plus dur de continuer l'école et j'ai fini par l'abandonner. Après, j'ai souhaité travailler mais là aussi, avec ma maladie, comme j'étais sou­vent absente, je n'ai pas pu conserver de travail. Maintenant, malheureusement, je ne vais plus à l'école et je ne travaille pas non plus, mais j'espè­re encore que ma situation va s'améliorer.

Quelles sont tes passions ? Quel travail aimerais-tu faire ?

J'aime le sport, la lecture et aussi le cinéma. Je sou­haiterais soit être secrétaire dans une société, soit m'occuper d'un commerce.

Depuis que tu sais que tu es diabétique, as-tu du soutien de la part de tes parents, de tes frères et soeurs ?

Toute ma famille me soutient beaucoup, mais avec les moyens qu'ils ont. Le problème, c'est que le diabète coûte très très cher et souvent ça pose de grosses difficultés.

Que peux-tu nous dire de ta vie après la découverte de ta maladie ?

Je ne suis plus comme avant, je suis très souvent malade, je me fatigue très vite au moindre effort que je dois faire. Même pour les travaux domes­tiques, c'est souvent très difficile. Et puis, le cliabè­te entraîne de très nombreuses complications très embêtantes (les pieds, les yeux, etc...).

As-tu parfois des moments de tristesse ?

Oui, je pleure beaucoup quand je pense à ma maladie car je ne suis plus comme j'étais avant.

Parles-tu beaucoup de ta maladie ? Si oui, avec qui en général ?

Oui, heureusement je peux en parler avec mes copines, mais aussi avec mes tantes, mes tontons et ma grand-mère. Ça me fait beaucoup de bien d'en parler avec eux. Je parle aussi beaucoup avec mon médecin.

Quelles sont pour toi les difficultés pour un diabétique au Mali ?

Le premier problème est que c'est très difficile d'être vraiment bien soigné. Nous les diabétiques, au Mali, nous devons tout payer (les analyses, les médicaments, les déplacements pour aller à la consultation, etc....). C'est le problème principal dans les endroits où il y a accès à des consultations pour les patients diabétiques. Si les patients sont dans des zones où il n'y a pas de consultation pour eux, ils doivent parfois faire 500 km juste pour une consultation ou une analyse. C'est vrai­ment trop dur et trop coûteux comme maladie, et puis on n'est pas aidé par l'état, alors que pour d'autres maladies, comme le SIDA, on est aidé.

Quelles sont les difficultés spécifiquement particulières pour les enfants diabétiques ?

Vraiment nous, les enfants diabétiques, on a trop de difficultés pour pouvoir se traiter et survivre avec cette maladie. Si je prends mon cas :

  • Je dois faire des analyses régulièrement pour suivre mon taux de sucre et pour voir si j'ai ou pas des complications. La plupart du temps, je ne peux pas payer ces analyses donc je ne les fais pas. Je sais s'il y a un problème quand j'ai des complications.
  • Il faut payer mes ordonnances. Je dois m'injecter de l'insuline tous les jours. Une ampoule d'insu­' line coûte en moyenne 4 500 CFA (soit 7 euros) c'est très cher. En plus, il faut pouvoir la conser­ver au frais, ce n'est pas toujours évident.
  • Je dois surveiller ma glycémie quand j'injecte de l'insuline mais, comme je ne peux pas payer le lecteur de glycémie ni les bandelettes pour aller avec le lecteur, je ne le fais pas. J'injecte et inch'allah !
  • Enfin, il faut de l'argent pour payer le transport pour aller voir mon diabétologue. Quand je n'ai pas cet argent, je rate ma consultation. Moi, j'ai quand même de la chance car mon diabétologue est très gentil et souvent, il me donne personnel­lement l'argent pour que je puisse me déplacer.

Un autre gros problème, pour les enfants diabé­tiques, c'est qu'ils ne travaillent pas, donc ils ne peuvent payer pour leur maladie. Donc, pour se soigner, ils dépendent des moyens des parents ou des proches. Si eux ne peuvent payer, alors on doit se passer de traitement jusqu'à ce qu'ils aient assez d'argent. Souvent, des enfants diabétiques meurent pendant cet arrêt de traitement.

Quel est ton traitement aujourd'hui ?

Je prends de l'insuline 2 fois par jour, plus parfois d'autres traitements pour certaines complications dues à mon diabète.

Quelles sont les recommandations que tu dois suivre ?

Je dois faire attention à ce que je mange, surtout avec la prise d'insuline. Je dois faire un peu d'ac­tivité physique et bien suivre mon traitement. Enfin, il faut régulièrement faire des analyses pour suivre mon taux de sucre clans le sang et voir si j'ai des complications du diabète.

Qu'est ce que le programme "life for a child" mis en place par SDM au Mali a changé la prise en charge de ton diabète ?

Avant de laisser répondre Aminata, il faut préciser que le programme «Life for a child » est un pro­gramme de la Fédération Internationale du Diabète (FID) qui a pour but de soutenir des enfants dia­bétiques dans les pays en voie de développement. Ce programme est développé au Mali par l'Organi­sation Non Gouvernementale (ONG) Santé Diabè­te Mali (SDM).

Grâce à ce programme, l'ONG Santé Diabète Mali fournit aux enfants diabétiques maliens un lecteur de glycémie, des bandelettes de glycémie, et l'in­suline pour une année, des bandelettes pour les analyses urinaires et une petite somme d'argent pour que l'on puisse aller une fois par mois chez le diabétologue.

Alors maintenant, je ne me pose plus de questions sur l'achat de mon insuline, je peux faire les ana­lyses pour suivre mon traitement et me rendre chez mon diabétologue tous les mois. Ça me permet aussi de ne plus me demander tous les jours si je ne vais pas mourir parce que je ne peux pas payer mon insuline. C'est un change­ment très important dans ma vie depuis que ce programme est arrivé. Il me redonne de l'espoir.

Que souhaiterais-tu que le gouvernement du Mali fasse pour les enfants diabétiques ?

Je voudrais déjà que le gouvernement malien pense au diabète et aux diabétiques. Aujourd'hui, il y a beaucoup de choses faites pour le SIDA, par exemple. Il faut aussi que les patients diabétiques soient aidés.

Pour les enfants diabétiques, il faut que le gouverne­ment nous aide pour que l'on puisse se traiter et aussi pour suivre notre scolarité. Il faudrait que les consultations, les analyses et les traitements soient gratuits.

Il faut aussi que le gouvernement pense à nous car si le programme de I'ONG Santé Diabète Mali et de la FID s'arrête, que va-t-il se passer pour nous ?

Que voudrais-tu dire en plus, que tu as envie de partager ?

Je souhaite que les gens sachent que nous, enfants diabétiques, nous ne sommes pas différents des enfants non diabétiques mais que notre maladie fait que l'on a beaucoup de difficultés. Ici, au Mali, nous sommes en train de créer l'asso­ciation des enfants diabétiques du Mali. Cette asso­ciation va nous permettre de demander tout ce que l'on a le droit d'avoir. Ce serait vraiment très bien que l'on puisse, avec cette association, créer des camps de vacances réunissant les enfants diabétiques mais aussi que l'on puisse s'organiser avec des associations d'en­fants diabétiques d'Europe, des Etats-Unis, etc.

Développement et Santé, n°193, 2009