Principe de fonctionnement des comités de santé dans une entreprise minière

Par 0. Wembonyama-, K. Mutangala, B. Mbuy*

Publié le

*Professeur de Pédiatrie, Université de Mbujimayi, Directeur du Centre de L'Enfant Africain, République Démocratique du Congo.

La santé selon l'OMS est un état complet de bien-être physique, mental, social et non seulement d'absence de maladie ou d'infirmité. La mission des professionnels de santé, au-delà de leurs fonctions traditionnelles qui sont celles de combattre la maladie et la mort, doit prendre en charge la promotion de la santé de l'individu, de la famille et de la communauté.

Cette mission, les professionnels de la santé sont appelés à la remplir avec l'ensemble de la communauté, surtout si les facteurs qui ont une influence sur la santé de l'homme sont intégrés. Ces facteurs politiques, géographiques, culturels, socio-économiques, biologiques et sanitaires ne peuvent trouver une solution que dans la communauté et avec elle.

La déclaration d'Alma Ata (OMS, Alma Ata 1978, Soins de santé primaire, série " Santé pour Tous, n° 1 ") souligne le droit et le devoir de tout être humain de participer individuellement et collectivement à la planification et à la mise en œuvre des soins de santé qui lui sont destinés. La plupart des composantes officielles des SSP (soins de santé primaires) concernent la communauté ou tout au moins les disciplines autres que le service médical. Le système des soins de santé actuel privilégie le curatif seulement et la médecine intra-hospitalière ne favorise pas la participation de la communauté. Or, sans la participation de celle-ci, il est difficile de résoudre la majorité des problèmes prioritaires de santé tels que le paludisme, les maladies diarrhéiques, la gale, les pneumopathies, les maladies sexuellement transmissibles.

I. La Gécamines et les SSP

1. Le but du programme

En 1991, nous avons démarré un programme de SSP au sein d'une entreprise minière offrant directement des soins de santé à quatre cents individus et indirectement à un million d'habitants.

Un des facteurs clés dans le démarrage et le soutien des programme SSP est la participation de toute la communauté dans la planification, le développement et l'évaluation des services de santé.

Les responsables médicaux du programme ont choisi et appliqué des méthodes variées pour promouvoir la participation effective de la communauté. La Gécamines, bien que société d'exploitation minière, a développé un système de soins très performants, basé sur un personnel hautement qualifié, un équipement sophistiqué et un approvisionnement en médicaments dépassant largement ses propres besoins (Wembonyama O., Pédiatrie Communautaire ; Stratégies pour renforcer la participation de la population. Premier congrès Euro-Sud Africain et Pédiatrie (Johannesburg) du 6 -8 mars 1997).

Prenant conscience de la crise qui frappe actuellement (chute des cours des matières premières, diminution des exportations), ce programme des SSP a été initié pour résoudre les problèmes suivants : l'afflux des malades venant de tous les coins du pays, la recrudescence des maladies jadis éradiquées, les difficultés pour l'entreprise de faire face à l'accroissement des coûts, la surcharge de travail pour le personnel soignant, l'insuffisance des médicaments et le recours abusif au curatif.

2. Premier bilan : résultats positifs et difficultés

Bien que certains résultats aient été obtenus, notamment dans l'éradication de la rougeoie, la maîtrise des maladies diarrhéiques par la thérapie de réhydratation par voie orale, et dans la diminution de la mortalité infantile qui est passée de 42 à 36 % en trois ans, les activités des SSP ont connu des difficultés (Wembonyama O., Limites de l'auto responsabilité des communautés dans la réussite des SSP au Zaïre. Panorama Médical, 1996, 14, 880-2.)

importantes dues :

  • à la perception négative des SSP par la communauté : en effet, l'introduction des SSP a été perçue par les travailleurs comme une manœuvre délibérée de l'entreprise pour supprimer les avantages acquis ;

  • les conférences d'éducation pour la santé se sont vite transformées en tribunes de récriminations et de revendications contre le service médical et l'employeur ;

  • les cadres de l'entreprise et la hiérarchie ont boudé les SSP, les considérant comme une médecine au rabais ;

  • les travailleurs habitués aux soins curatifs n'étaient pas prêts à abandonner les médicaments en faveur des efforts pour la prévention ;

  • l'absence de ressources humaines, matérielles et financières allouées à la prévention contrastant avec les énormes moyens consacrés par l'entreprise au curatif, dans le but de garantir la paix sociale.

Il. La démarche des responsables du programme

1. L'identification des problèmes et des besoins

Il faut faire identifier par la communauté elle-même ses problèmes de santé prioritaires. L'analyse de ces problèmes fait ressortir d'une part, le caractère multifactoriel des causes et souligne, d'autre part, la responsabilité de la population dans leur genèse et dans les actions à mener pour contrôler ces fléaux.

2. La création des comités de santé

Il fallait définir d'abord leurs objectifs avec les individus eux-mêmes. Trois objectifs ont motivé la création des comités de santé :

Objectif général : il s'agit d'amener les populations à prendre en charge ses problèmes de santé et de s'engager à les résoudre dans un esprit d'autodétermination et d'auto-responsabilité.

Nous sommes en face d'un problème de changement de mentalité vis-à-vis de la politique paternaliste de l'entreprise qui a vu le travailleur et sa famille être pris en charge sans sa participation.

Objectifs intermédiaires : il s'agit d'obtenir de la population l'adoption consciente et volontaire des comportements favorables à la santé, de lui permettre d'occuper une place de partenaire dans l'utilisation des ressources qui sont mises à sa disposition et d'insérer l'action sanitaire dans le processus global du développement communautaire.

Objectifs spécifiques . ils prônent la formation d'un corps d'animateurs dans chaque aire de santé afin de promouvoir la participation effective de la population.

4. La détermination des actions à mener

Première action : le comité de santé a organisé un dialogue entre le service de santé et la communauté afin d'informer le personnel du comité de santé des besoins ressentis par la population, d'expliquer à la population les principes et le fonctionnement du comité, de l'alerter sur certains problèmes de santé identifiés, d'examiner avec elle les solutions possibles, de décider de leur application et ultérieurement d'évaluer l'efficacité de la solution par rapport au problème.

Deuxième action : elle a été d'amener le comité de santé à se constituer en comité de gestion du centre de santé en collaboration avec le service médical.

Troisième action : elle était de gérer le service d'entretien de la cité.

5. La formation du comité de santé

Choix des membres et conditions pour être membre:

Les membres du comité ont été choisis dans les différentes catégories socioprofessionnelles habitant une cité des travailleurs et desservie par un centre de santé. Les critères exigés étaient d'appartenir à la dite cité, d'être crédible, de bénéficier de la confiance de la population et d'avoir montré un sens des responsabilités et une stabilité sociale.

Pour être membre d'un comité de santé, il faut être volontaire et bénévole, ne réclamer aucun avantage personnel de la part du service médical ; en outre, la participation aux réunions est obligatoire et les capacités à dialoguer avec la population représentée doivent être reconnues.

Nombre de membres:

Le principe d'une large représentation a été adopté de façon à obtenir une meilleure chance de voir l'information largement diffusée. Le nombre ne peut cependant pas dépasser vingt-cinq membres.

Structures :

Le chef de cité des travailleurs qui est l'autorité administrative préside le comité. Il est secondé par l'assistant médical responsable du centre de santé et de la directrice du foyer social comme vice-présidents. Chaque comité de santé doit obligatoirement compter en son sein les membres suivants: le responsable du service de protection maternelle et infantile, le chef d'entretien de la cité, le président du marché, le responsable de la cantine, un leader d'opinion, un délégué syndical, le doyen des chefs d'écoles, un représentant des jeunes, une représentante des femmes et un représentant des forces de l'ordre.

Chaque quartier de la cité dispose de son propre sous-comité avec une représentation identique, mais avec un nombre de membres moins important.

Le comité de santé est subdivisé en sous-commissions dont les principales sont : la commission chargée de la médecine scolaire, celle qui est chargée de l'hygiène et de l'assainissement du milieu, celle qui s'occupe de la PMI et celle qui est chargée des problèmes liés au fonctionnement du centre de santé. En cas de nécessité, une commission spéciale peut être créée à tout moment, surtout lorsqu'il s'agit d'approfondir un problème brûlant de l'heure.

3. Fonctionnement du comité de santé

Fréquence des réunions :

De fréquence hebdomadaire au début, les réunions deviennent mensuelles par la suite selon un calendrier élaboré à cet effet. Les dates et heures des réunions sont connues à l'avance. Chaque membre reçoit en plus une invitation de rappel, verbale ou écrite, envoyée par le secrétaire.

Participation à la réunion

Elle est obligatoire. Lorsqu'un membre ne peut assister à la réunion, il est tenu d'avertir le comité ou de se faire remplacer. Trois absences non justifiées peuvent entraîner une exclusion définitive. N'importe quel travailleur habitant la cité desservie par un centre de santé duquel dépend le comité de santé peut demander à assister à la réunion. Les membres du comité peuvent être amenés à proposer à toute personne active de faire partie du comité.

Déroulement de la réunion:

Chaque comité de santé établit son règlement d'ordre intérieur avec un mandat bien déterminé pour offrir à toute personne les ressources nécessaires et l'occasion de se manifester et de permettre le renouvellement du comité pour un meilleur rendement. L'ordre du jour est présenté au début de chaque réunion. Chaque point est par la suite présenté et discuté séparément. Chaque fois qu'une décision est prise, un responsable présent à la réunion est responsabilisé pour son application. Le rapporteur veille à ce qu'apparaissent clairement dans son rapport les décisions prises par le comité.

III. Activités en faveur de la collectivité

  • Entreprendre les activités d'éducation, d'information et de communication par le biais des conférences, chansons, théâtres, affiches, etc...

  • Organiser des campagnes d'assainissement du milieu avec la participation de la communauté.

  • Effectuer des visites à domicile.

  • Organiser avec le concours des services de santé maternelle et infantile (SMI) des campagnes de vaccination.

  • Dépister des problèmes de santé dans la communauté (diarrhée, rougeole ... ).

  • Relever les problèmes d'organisation (les femmes s'absentent ou reviennent tard de la PMI, les écoliers non malades viennent sans leurs parents encombrant la consultation, etc.).

IV. Rôles des différents partenaires

1. Le chef de cité a comme rôle de :

  • recueillir et partager avec la communauté les informations sur le problème de santé,

  • dénicher des interlocuteurs valables au niveau de la population, de veiller à la représentativité de chaque catégorie socioprofessionnelle dans le comité,

  • discuter avec la communauté des moyens et ressources nécessaires à la réussite des activités,

  • associer sa communauté au processus de prise de décision, ainsi qu'à l'exécution et à l'évaluation des actions menées à tous les niveaux,

  • être le trait d'union avec les services médicaux,

  • aider à la libération des agents en service en vue de leur participation aux activités du comité de santé,

  • mobiliser la population pour les réunions d'éducation pour la santé et les travaux d'utilité collective,

  • obtenir le recensement des habitants de la cité et par quartier.

2. Le responsable du service médical a comme rôle :

  • aider le comité à identifier les problèmes de santé et envisager toutes les solutions alternatives,

  • informer le comité sur les solutions techniques applicables et sur l'état des programmes,

  • transmettre au médecin chef des centres de santé les demandes d'aides pour les problèmes dont la solution ne se trouve pas à leur niveau.

L'infirmier ou l'assistant médical évitera au maximum de diriger les débats. Il veillera simplement à ce que les débats s'orientent vers l'analyse objective des problèmes de santé.

3. Le rôle du service social

  • assurer les visites à domicile et les enquêtes familiales,

  • signaler et orienter vers ses services sociaux ou médicaux les enfants à problèmes,

  • dépister et combattre les problèmes sociaux de la cité,

  • procéder à la mobilisation des familles pour les réunions d'éducation pour la santé.

4. Le rôle du service médical :

  • procéder à l'éducation pour la santé dans les écoles,

  • pouvoir détecter en milieu scolaire les problèmes de santé de l'enfant (troubles de la vue, de l'ouïe ),

  • prévenir les parents et le service médical des anomalies constatées,

  • administrer les premiers soins en cas de nécessité.

V. Apports des comités de santé

Les apports sont évidents.

  • Le changement de comportement de la communauté s'est traduit par l'acceptation du rôle de la communauté dans l'analyse des principaux facteurs influant sur l'état de santé de la population. De plus, le service médical n'appariait plus comme un seul responsable de la santé des individus et la prise en charge par la population de ses propres problèmes de santé est devenue une réalité.

  • La diminution de la morbidité et de la mortalité, surtout en ce qui concerne les maladies transmissibles et les maladies de carence.

  • La diminution de la fréquentation des centres de santé et des hôpitaux.

  • La maîtrise des dépenses de santé.

  • La diminution des revendications et des récriminations par les travailleurs.

VI. Contraintes et obstacles

  • l'insuffisance de moyens alloués au programme,

  • la dégradation avancée de certaines structures sociales,

  • l'irresponsabilité des travailleurs et de leurs familles : vols, destruction des installations sociales,

  • la non-valorisation des activités de prévention.

VII. Comment améliorer les activités des comités de santé ?

Les activités et le fonctionnement des COSA sont dynamiques. Pour les améliorer et les rendre encore plus efficaces, il importe de :

  • Favoriser l'initiative propre aux COSA.

  • Multiplier les séminaires de formation.

  • Motiver le personnel des SSP (formation, primes, promotion).

  • Multiplier les actions concrètes sur le terrain.

  • Allouer un budget conséquent aux programmes entrepris.

  • Évaluer et critiquer périodiquement les activités.

Conclusion

L'installation des comités fait progresser le problème de santé communautaire à la Gécamines en permettant de surmonter certains obstacles. La prise de conscience par la communauté de la gravité des problèmes de santé, sa participation dans les activités de prévention sont une garantie de la réussite de ce programme.

Développement et Santé, n° 133, février 1998