Les Nutricartes® : contre la malnutrition infantile

Par Brigitte Audras L’appel, [email protected] ; www.lappel.org

Publié le

Objectifs

Les Nutricartes® sont un outil d'éducation nutritionnelle visant à prévenir la malnutrition infantile, voire à accompagner la prise en charge d'enfants malnutris dans des centres de renutrition. Le jeu ouvre la porte vers l'éducation sanitaire en général en parlant des 4 piliers d'une bonne santé: alimentation équilibrée, hygiène, vaccins, bonne relation mère enfant

Utilisable avec des petits groupes de femmes, une dizaine, l'outil suscite une convivialité très positive grâce à son caractère ludique. Son utilisation nécessite au préalable une courte formation. pour aider à son utilisation ? un tutoriel sous forme de dessin animé est en cours de réalisation.

Il s’agit d’une méthode pédagogique basée sur un ensemble de jeux attrayants et variés, axés sur 2 thèmes essentiels pour assurer une meilleure santé aux enfants :

  1. L’alimentation variée, équilibrée, adaptée à l’âge et à des ressources budgétaires limitées
  2. Les principes de base en matière d’hygiène, de premiers soins et d’attention portée aux enfants

La méthodologie

Cette méthode vise à traduire les principes de base en messages facilement compréhensibles et mémorisables, aisés à mettre en pratique, même avec un budget minime. S’adressant à des parents (le plus souvent des mères de famille) généralement sans repère de base, cette pédagogie s’appuie sur une animation de groupes autour d’un je représentant les trois composantes d’un repas équilibré, présentées sur un tapis divisé en zones colorées.

Figure 1

Ces couleurs symbolisent :

  • « La construction » (protéines) - rouge
  • « L’énergie » (glucides, lipides » - jaune, et
  • « La protection » (vitamines, fibres, micronutriments) - vert
  • Une zone bleue, pour les boissons, complète le plateau de jeu

Des cartes de jeu représentent des photos d’aliments existant dans leur environnement immédiat (marché, cultures, petit élevage). Les bénéficiaires manipulent ces cartes dans des ateliers en petits groupes qui échangent sur leurs habitudes culinaires et alimentaires, et discutent des modifications de pratiques qu’ils peuvent envisager pour améliorer la santé de leurs enfants.
Le même principe d’animation est mis en scène sur le thème de l’hygiène dont le jeu se déroule de manière analogue.
Les familles créent ainsi des liens lors de ces rencontres régulières et peuvent ensuite se soutenir et s’encourager en constatant les progrès de leurs enfants.

Figures 2 et 3

Les conditions de réussite

Cette méthode porte ses fruits d’autant mieux que trois conditions sont réunies ;

  1. Une animation efficace par des animateurs bienveillants, chaleureux et patients, bien formés à la transmission des messages et accompagnés sur la durée de leur travail.
  2. Des groupes restreints de participants (10 au maximum).
  3. Un engagement des participants à suivre au moins 5 séances consécutives de formation.

La formation des animateurs comporte deux volets :

  1. Les connaissances théoriques qui leur sont nécessaires sur la nutrition, les bases d’hygiène et le développement des enfants.
  2. Les principes d’une animation efficace :

  3. Dérouler l’animation dans un esprit d’écoute, d’interaction, de co-construction (et non le cours magistral « descendant »).

  4. Mettre en évidence/révéler au fur et à mesure du déroulement de la séance, les freins que les participants peuvent rencontrer pour les lever.
  5. S’assurer de la participation de tous les bénéficiaires lors de la réunion, y compris les personnes timides - qu’il faut savoir prendre à part discrètement si la non-participation semble évoquer un problème sous-jacent non exprimé.
  6. Célébrer, applaudir les bonnes réponses pour encourager le sentiment de confiance et d’auto-efficacité des participants.

L’évaluation

Une diététicienne universitaire suisse est en train de réaliser une évaluation du programme de prise en charge des enfants malnutris dans les 12 CRENAM* gérés par l’association malgache Miray.

Ses résultats montrent :

  1. Un très bon taux de guérison des enfants à la sorite du programme (82,7 %), avec même des pourcentages atteignant 84 % pour les enfants de moins de 2 ans lors de leur inclusion dans le protocole.
  2. Le maintien d’un taux de guérison élevé à distance (79,1 % restent guéris 20 mois en moyenne après leur sortie du dispositif).

Pour expliquer ces résultats, trois raisons sont avancées par l’évaluation :

  1. L’effet « coup de fouet » provoqué par la prise de farine enrichie que les enfants consomment pendant 5 semaines. Bien nourris, les enfants reprennent rapidement poids et joie de vivre. Cela conforte la démarche des parents qui peuvent d’autant mieux faire confiance à l’équipe qui les accueille.
  2. L’effet « humain » lié à l’accompagnement bienveillant, chaleureux, respectueux, attentif et encourageant que dispense l’équipe du CRENAM. Cela encourage les participants à s’investir dans la méthode pédagogique proposée, à expérimenter les nouvelles pratiques évoquées et, devant leur efficacité, en faire la promotion auprès de leur entourage.
  3. L’effet « mise en pratique des conseils concrets reçus », c’est-à-dire l’appropriation consécutive aux discussions, partage d'expériences, qui se font progressivement autour des jeux où tout le monde est considéré comme égal et participe activement, sans stigmatisation aucune.

Les parents sont heureux et fiers de noter l’amélioration de la santé de leurs enfants (dont ils n’ont plus honte) suite à leurs nouvelles habitudes. Ils constatent un apaisement des relations intrafamiliales lié à une diminution de leurs inquiétudes, à l’amélioration des repas grâce à une meilleure maitrise de leur budget et aux nouvelles connaissances acquises.

En conclusion

Depuis le début de la mise en place des CRENAM par l’Appel en 2007, 30 000 enfants ont été pris en charge ainsi que 3 000 femmes enceintes ou allaitantes avec la méthode Nutricartes®.
Près de 80 % d’entre eux ont été durablement guéris, bien que la quantité d’aliments de supplémentation ait été divisée par 2 dans le même temps.
Ces réserves prises en compte, tous ces éléments nous permettent de penser que la voie de l’aducation participative prote ses fruits sur le moyen et, espérons-le, le long terme.

\ CRENAM : Centre de Récupération Nutritionnelle Ambulatoire, structure de quartier proposée par le Ministère de la Santé à Madagascar, mais rarement maintenue sur le long terme faute de moyens. Miray, en animant 12 CRENAM depuis 7 ans, est donc une exception qui mérite d’être soulignée.*

Nutricartes® est un nom et un protocole déposés à l’INPI.