Les enjeux de l'éducation thérapeutique en PTME et pédiatrie identifiés au CTA de Brazzaville

Par Parfait Richard Bitsindou Psychologue, CTA de Brazzaville, Congo.

Publié le

L'éducation thérapeutique (ETP) a été mise en place au CTA (Centre de traitement ambulatoire) de Brazaville dès 2004 pour les patients adultes vivant avec le VIH.

Parfait Richard Bitsindou, psychologue formé en ETP, met actuellement en place au CTA des stratégies de suivi auprès de la mère, l'enfant et l'adolescent.

I. Les enjeux de l'éducation thérapeutique en PTME

(Prévention de la Transmission de la Mère à l'Enfant)

Les principaux enjeux des séances d'éducation thérapeutique sont de diminuer la contamination materno-fatale et d'améliorer le vécu de la grossesse.

Les problématiques observées en prévention de la transmission mère-enfant (PTME) au CTA de Brazaville nous ont permis d'identifier des objectifs pédagogiques à proposer en séance d'éducation à la future ou jeune maman.

Deux d'entre eux répondent à des situations fréquemment rencontrées et sont illustrés ci-après

  • aider la future maman à informer son partenaire de son statut,
  • aider la jeune maman à mettre en ouvre le mode d'allaitement choisi et à en informer son entourage.

Informer son partenaire de son statut

La grande particularité chez nous est que la plupart des patientes suivies en PTME n'informent pas leurs conjoints de leur statut sérologique ou ne le font pas tout de suite ou pas clairement ; d'où la difficulté de garantir de manière optimale une bonne observance. Les patientes développent par conséquent des stratégies individuelles pour maintenir l'observance ; le mensonge occupe une place de choix pour y parvenir.

Celles qui ne peuvent parvenir à faire dépister leur conjoint optent pour le divorce et à l'extrême pour l'abstinence pour garantir la réussite de leur traitement.

Mettre en oeuvre le mode d'allaitement choisi et en informer son entourage

Le choix d'un mode d'allaitement est facile voire automatique au départ, mais il l'est moins sur la durée à cause de la stigmatisation qui en découle. Bien souvent la patiente n'a pas informé une tierce personne dans la famille ou la personne informée n'habite pas la même maison qu'elle et ne peut l'aider à en parler.

Si l'allaitement artificiel est choisi, les questions qui se posent sont du genre :

"Pourquoi est-ce que tu ne veux pas allaiter au sein... ?

...alors que tu l'avais fait pour tes précédents enfants

...alors que tu n'as pas d'argent pour t'acheter le lait et l'eau tout le temps"

C'est ici très souvent qu'interviennent les mensonges

"La sage-femme m'a dit que mon lait n'est pas bon;

Le médecin m'a dit que le liquide remarqué lors de mon accouchement risque de me provoquer un jour un cancer du sein si j'allaite au sein;

Le docteur ou la sage-femme m'a dit que mon lait est mauvais et m'a mis sous un traitement; il m'est interdit d'allaiter mes enfants au sein au risque de les tuer à petit feu."

Certaines mères, alors qu'elles savent que c'est une pratique à risque de TME (transmission mère-enfant du VIH), pratiquent l'allaitement mixte au moment où elles reçoivent les visiteurs afin qu'ils ne se posent pas de questions.

Quant à l'allaitement maternel qui est pourtant attendu de tous, lorsque la femme opte pour ce mode, le sevrage précoce qui s'ensuit pose encore de réels problèmes de stigmatisation car bien souvent personne dans la famille, encore moins le conjoint, n'a été informé et les femmes ont des sérieuses difficultés pour justifier cet arrêt brutal (Note de l'éditeur : à noter que les résultats encourageants d'études récentes démontrent une réduction très significative de la transmission du VIH de la mère à l'enfant grâce au traitement par ARV des femmes enceintes jusqu'au 6ème mois après l'accouchement).

Toutes ces situations auxquelles s'associent souvent les pratiques culturelles sur la grossesse, l'accouchement et le soin du nouveau-né compliquent davantage l'observance thérapeutique. Certaines femmes, pour veiller à l'observance, en sont arrivées à cacher les ARV (antirétroviraux) dans les petits sacs qui servent à garder les sous vêtements portés lors des périodes de menstruation ; elles sont ainsi plus sûres que les conjoints, qui fouillent souvent les sacs des femmes, n'iront jamais regarder ce genre d'endroits. D'autres enfouissent les boîtes de médicaments sous la terre dans un lieu tenu secret et dans bien d'autres sortes de cachettes inappropriées.

Le problème est que la femme qui vient en consultation prénatale ne sait pas d'avance qu'on va lui proposer un test de dépistage VIH. Quand elle accepte la proposition, elle est sûre d'être séronégative et si le test est positif, ce résultat bouleverse toute la situation ; ceci explique le refus d'informer qui que ce soit parce que visiblement elle n'est pas malade.

La situation des femmes déjà suivies au CTA (dont la séropositivité est connue depuis longtemps par l'entourage pour la plupart) et qui tombent enceinte est un peu différente et ces dernières bénéficient souvent du soutien de l'entourage qui est parfois agréablement surpris de voir une femme séropositive (ou qui a le SIDA car l'entourage souvent ne sait pas faire cette distinction) porter un enfant.

Les consultations d'éducation thérapeutiqueet le soutien psychologique pour les adolescents Nous avons mis en place une stratégie imaginative à base d'images projectives (Images personnellement conçues dont la description se fait en utilisant les mêmes consignes que celles du TAT (Thematic Apperception Test :Test thématique d'appréhension) de MURRAY). pour avancer sur la prise en charge personnelle des adolescents en tenant compte de leur situation et de leur traitement. Il s'agit d'une série de 4 images que les adolescents sont amenés à décrire suivant la consigne : raconter une histoire sur l'une des images qui attire le plus votre attention ; l'histoire doit avoir un début, un déroulement et une fin. L'enfant, qui très souvent projette ses idées et ses pensées va se projeter dans le dessin, dégager un message qui nous sert à évaluer ses connaissances/représentations sur la santé et le SIDA. Dans ce dernier cas cela nous permet d'envisager ensemble les moyens d'observance ; ceux-ci ne sont pas directement adressés à l'enfant mais attribués au dessin pour que l'enfant ou l'adolescent puisse exprimer plus librement ses pensées et ses croyances qu'il n'exprimerait pas facilement si des questions lui avaient été posées directement.

II. Les enjeux de l'éducation thérapeutique chez l'enfant et l'adolescent

L'un des enjeux majeurs chez l'enfant est de s'adresser directement à lui et de l'informer de son statut afin qu'il puisse vivre le mieux possible avec sa maladie.

Les séances d'éducation se font souvent auprès des parents sans les enfants, ce qui n'est pas toujours facile pour garantir une bonne observance. Les parents ou membres de la famille qui accompagnent les enfants ne sont pas toujours les mêmes et les consultations d'ETP sont souvent perturbées par cet aspect.

Les adolescents veulent tout le temps savoir pourquoi ils prennent des médicaments et pourquoi on les met souvent dehors lors des consultations d'ETP (alors que, lorsqu'ils sont vus par le médecin, ce sont eux qui sont interrogés). Ils se demandent pourquoi cela n'est pas pareil quand ils arrivent chez le psychologue ou l'assistante sociale.

Les enfants et adolescents ne sont pour la grande majorité pas informés de leur statut sérologique au VIH. La plupart des parents ne veulent pas qu'ils le soient tout de suite. Ils attendent qu'ils grandissent alors que certains ont déjà plus de 15 ans !

Ces difficultés justifient le développement de l'ETP dans nos structures de prise en charge et nous ont conduit à réfléchir sur des stratégies d'annonce de la séropositivité aux enfants et aux adolescents pour qu'ils veillent euxmêmes sur l'observance thérapeutique.

Conclusion

L'amélioration de l'observance thérapeutique et de la vie des patients avec la maladie passe nécessairement par la tenue active des

séances d'ETP qui doivent s'organiser régulièrement en fonction des besoins éducatifs des patients. Chaque cas d'inobservance doit faire l'objet d'une grande attention sans juger les causes d'inobservance, mais être régulièrement à l'écoute et trouver ensemble des solutions.


Exemple d'image projective.

Développement et Santé, n°187, 2007