Guide de gestion des médicaments : comment passer une commande en se basant sur la consommation antérieure ?

Publié le

Pour que les produits de soins et de diagnostic soient réellement disponibles pour les patients qui en ont besoin, il faut faire des commandes régulièrement, en respectant les directives prévues, et en quantités concevables.

Pour ne pas "tomber en panne" de certains produits, il faut savoir :

  • quelle est la consommation habituelle de chaque produit dans la temps (fiche de stock),
  • combien de temps il faut pour que les produits commandés arrivent.

Autrement dit, vous devez savoir :

  • quand il faut commander,
  • ce qu'il faut commander,
  • quelle quantité il faut commander.

Tout ceci est encore plus important pour les programmes des maladies chroniques qui prennent constamment en charge de nouveaux malades.

Donc, pour bien gérer les produits de la pharmacie, il faut bien organiser la pharmacie, comme nous l'avons vu dans les chapitres précédents, mais il faut aussi accorder un très grand soin aux commandes.

On ne peut pas commander telle ou telle quantité d'un produit quelconque en se fiant à des impressions.

Il faut des outils qui vont permettre la décision. Ces outils sont construits à partir de la consommation antérieure.

I. Les outils de décision pour commander raisonnablement

1. La consommation moyenne mensuelle (C.M.M.) de chaque produit

Définition : la consommation mensuelle d'un produit est le nombre d'unités de ce produit que votre établissement utilise pen­dant un mois. On comprend bien que cette consommation mensuelle est variable, elle peut augmenter ou diminuer selon les mois. C'est pourquoi on calcule une consom­mation mensuelle moyenne (CMM).

Pour un produit : la CMM = la somme des unités sorties pendant x mois / x. (x = le nombre de mois).

Vous aurez une meilleure précision si vous calculez la moyenne sur une période de plu­sieurs mois : au moins 3 mois, plutôt 6, 12 ou même 24 mois.

Calcul de la C.M.M. (consommation mensuelle moyenne)

Nous avons vu au chapitre précédent qu'il faut archiver les fiches de stock qui ont été rem­placées parce qu'elles sont pleines.
A partir des fiches en service et de celles archi­vées, vous pouvez compter combien d'unités de chacun des produits vous avez consom­mées chaque mois.

Une période de 12 mois est la plus adéqua­te pour calculer la CMM. Dans tous les cas, vous retenez le nombre de mois sur lequel vous avez fait votre calcul.

Définissez la période de référence : 3, 6 ou 12 mois.

Additionnez le nombre d'unités sorties au cours de chaque mois de la période de référence.

Divisez le total obtenu par le nombre de mois de la période.

Le résultat est la consommation moyenne mensuelle (C.M.M.).

CMM (sur 12 mois) = la quantité d'unités sorties pendant 12 mois / 12

CMM (sur 6 mois) = la quantité d'unités sorties pendant 6 mois / 6.

Remarques :

Il arrivera souvent que le résultat de la divi­sion ne tombe pas juste (il y a une virgule dans le chiffre du résultat). Il faut arrondir au nombre entier supérieur.

Exemple : calculez la consommation mensuelle moyenne des comprimés de paracétamol (500 mg) sachant que la fiche de stock montre pour les 12 derniers mois les sorties suivantes :

Novembre : 385
Décembre : 358
Janvier : 346
Février : 355
Mars : 344
Avril : 339
Mai : 337
Juin : 345
Juillet : 455
Août : 448
Septembre : 396
Octobre : 418
Total : 4 526

Total des unités sorties en 12 mois :

385 + 358 + 346 + 355 + 344 + 339 + 337+345+455+448+396+418= 4 526

Calcul de la CMM : 4 526 : 12 = 377,16 On arrondit à l'unité au-dessus : CMM = 378

  • Si vous calculez la consommation mensuelle moyenne pour la première fois, alors qu'on n'utilisait pas de fiche de stock avant, évaluez la consommation pour le premier mois, ou même les premières semaines. Vous recom­mencerez le calcul après 3 mois, puis 6 mois, etc., et vous aurez un résultat de plus en plus précis.
  • Si vous avez eu des ruptures de stocks de cer­tains produits pendant la période de calcul des consommations, vous n'avez pas pu uti­liser les produits puisque vous ne les aviez pas. Si cous calculez le total de ce que vous avez consommé sur toute la nériode de réfé­rence (les 12 derniers mois), vous arrivez à un total plus petit que ce dont vous auriez besoin. Pour ne pas sous-estimer la valeur de la CMM, vous devez calculer la CMM seulement à partir de la consommation des mois pendant lesquels vous avez disposé du produit pendant tout le mois. Mais attention : si un produit a été remplacé par un autre, on ne doit pas considérer qu'il y a eu rupture de stock. Il faut faire une éva­luation à partir de la consommation des deux produits.

2. Le facteur de réapprovisionnement

Définition

Le facteur de réapprovision­nement correspond à l'intervalle entre deux approvisionnements exprimé en mois et multiplié par 2 (nombre de mois entre deux livraisons multiplié par 2). Vous avez besoin de connaître la fréquence des livraisons dans votre établissement.

Il est recommandé de se faire livrer ou d'aller chercher les commandes tous les mois, ou tous les 2 ou 3 mois au maximum. Les prévi­sions sont en effet plus faciles à faire sur une période courte.

Calcul du facteur de réapprovisionne­ment de votre établissement

  • Si les produits sont livrés une fois par mois, l'intervalle entre deux livraisons est de 1 mois, et le facteur de réapprovisionnement est de 2 (1 x 2 = 2).
  • Si les produits sont livrés tous les trois mois, l'intervalle entre deux livraisons est de 3 mois, et le facteur de réapprovisionne­ment est de 6 (3 x 2 = 6).

3. Seuil de commande

Définition

Le seuil de commande d'un pro­duit représente la quantité de ce produit dont on doit disposer pour ne pas être en rupture de stock même si une livraison programmée n'a pas été effectuée (on peut parler de stock de sécurité).

On voit donc que ce seuil de commande va dépendre de la C.M.M. et du facteur de réap­provisionnement.

Seuil de commande d'un produit = CMM du produit x facteur de réapprovisione­ment.

Il faut calculer le seuil de commande de chaque produit en stock et le noter dans la case "seuil de commande" de la fiche de stock.

Calcul du seuil de commande d'un produit

  • Calculez la consommation moyenne men­suelle d'un produit (C.M.M.).
  • Calculez le facteur de réapprovisionnement à partir de la fréquence des livraisons.
  • Multipliez la C.M.M. par le facteur de réap­provisionnement.
  • Le résultat est le seuil de commande du produit.

Exemple :

A la clinique Avicenne les produits sont livrés chaque mois. Le facteur de réapprovision­nement est donc 2 (1 x 2 = 2).

La consommation moyenne mensuelle des comprimés pédiatriques de cotrimoxazole (sulfaméthoxazole + triméthoprime 100 + 20 mg) est de 3 boîtes.
Le seuil de commande du cotrimoxazole est donc de 6 boîtes (3 x 2 = 6).
Si les produits étaient livrés tous les 3 mois, le facteur de réapprovisionnement serait 6 (2 x 3 = 6) et le seuil de commande du cotri­moxazole serait de 18 boîtes (3 x 6 = 18).

II. Quand faut-il commander ?

Il faut avant tout faire des inventaires réguliers pour connaître le stock réel et vérifier les dates de péremption.

Périodiquement, en général une fois par mois, il faut établir la liste des produits à commander.

Le seuil de commande, inscrit dans le cadre d'identification de la fiche de stock, donne le signal de la nouvelle commande : dès que la quantité en stock (stock restant) correspond à ce seuil, on sait qu'il faut passer une nouvelle commande, on sait quelle quantité du produit on a consommé depuis la dernière livraison et on sait quelle quantité on doit commander.

Comment procéder ?

Au moment de passer la commande de réap­provisionement, on consulte les fiches de stocks et on compare le nombre contenu dans la case "stock restant" de la dernière ligne avec le nombre inscrit dans la case "seuil de commande".

  • Si le stock restant est supérieur au seuil de commande, il ne faut pas commander de ce produit.
  • Si le stock restant est inférieur au seuil de commande, il faut commander de ce produit.

III. Quelle quantité commander ?

Toute commande doit en principe ramener le stock existant au niveau du seuil de commande.

La quantité à commander (QAC) est égale au seuil de commande (SC) moins le stock restant (SR).

QAC = SC - SR

(quantité à commander = sécurité - restant)

Ce qui confirme que si le stock restant est supé­rieur au seuil de commande, on ne commande pas de ce produit, car il est en surstock.

Cette opération permet donc d'évaluer l'im­portance du surstock de certains produits. Il peut être intéressant de fixer un seuil de surstock qu'il ne faut pas atteindre (par exemple quantité supérieure au seuil de com­mande de la valeur d'un quart de ce seuil de commande ; seuil de surstock = SC + SC/4). Si on est en surstock, il faut renvoyer la quan­tité en excès d'urgence à l'organisme fournis­seur, avant que le produit soit périmé.

Exemple :

Le seuil de commande du cotrimoxazole est 20 boîtes (unités).

Le seuil de surstock est fixé à 26 boîtes.

Premier cas :

  • Il y a 17 boîtes de cotrimoxazole dans le stock.
  • Le stock restant (inscrit sur la fiche de stock) est de 17 unités.
  • Calculez 20 - 17 = 3
  • Commandez 3 boîtes pour revenir au seuil de commande de 20.

- Deuxième cas :

  • Il y a 21 boîtes de cotrimoxazole dans le stock.
  • Le stock restant (inscrit sur la fiche de stock) est de 21 unités.
  • Calculez 20 - 21 = -1
  • Ne commandez pas de cotrimoxazole.

Troisième cas :

  • Il y a 29 boîtes de cotrimoxazole dans le stock.
  • Le stock restant (inscrit sur la fiche de stock) est de 29 unités.
  • Calculez 20 - 29 = - 9
  • Ne commandez pas de cotrimoxazole. Renvoyez 4 boîtes à l'organisme d'approvi­sionnement (il faut revenir au-dessous de 26 boîtes).

Voir l'article concernant la situation des com­mandes pour les maladies chroniques (VIH, tuberculose, diabète, etc.).

IV. Ruptures de stock et surstocks

Une bonne gestion des médicaments et autres produits de santé sert à éviter :

  • Les ruptures de stock. Le patient trou­ve toujours les produits nécessaires.
  • Le gaspillage. Aucun produit ne se périme ou est stocké dans de mauvaises conditions.
  • Le surstockage provoquant des pertes. Gaspillage et surstockage n'ont pas qu'une importance administrative. Le gaspillage et le surstockage sont aussi nuisibles pour les patients. En effet, ce qui a été gaspillé n'est pas gratuit ; il a fallu l'acheter. L'argent ainsi perdu aurait pu servir à améliorer l'équipe­ment ou acheter d'autres médicaments.

Comme nous l'avons vu dans les chapitres précédents, il est relativement aisé de limiter les ruptures de stock.

  • Une pharmacie bien rangée permet souvent d'identifier d'un simple regard les risques de rupture de stock et les ruptures (fiche signa­létique sans produit).
  • Des fiches de stock à jour et une commande estimée sur la comparaison seuil de com­mande/stock restant permettent une bonne quantification des besoins.

Il semble évident que l'orsqu'un centre de santé a la possibilité d'être normalement approvisionné et que ses patients souffrent de pénurie de divers produits de soins, on est en droit de douter de la qualité de la gestion du stock de médicaments.

Mais il peut se faire qu'un centre de santé soit mal géré, sans que les patients ne puissent s'en apercevoir. C'est le cas des centres de santé qui ont des réserves trop grandes de certains produits. On dit que ces produits sont en surstock.
Les causes peuvent en être très diverses. Il peut s'agir d'un problème administratif, lorsque les centres de santé sont approvisionnés par dotation : le responsable ne commande pas ce dont il a besoin, mais il attend de rece­voir ce à quoi sa structure a droit ; ce système aboutit fréquemment à des pénuries récur­rentes de certains produits, alors que d'autres encombrent les étagères et se périment.
Il peut s'agir d'un problème de gestion, évitez les erreurs classiques qui aboutissent bien sûr aux mêmes résultats :

  • répéter la même commande, sans ce sou­cier des besoins réels,
  • constituer les stocks de sécurité disproportionnés avec les besoins réels par "peur de manquer",
  • commander des produits théoriquement utiles, mais que l'on n'a pas l'occasion ou la possibilité d'utiliser :
    • produits destinés à traiter des affections qui n'existent pas dans la région ; mais com­mandés "au cas où, on ne sait jamais !".
    • produits destinés à des équipements non présents dans le centre (laboratoire), com­mandés en faisant le pari que si les produits en question sont dans le centre, on finira bien par être équipé en conséquence.
    • produits nécessitant une formation appropriée et non effectuée. Bien souvent, il s'agit de médicaments récents ou très coû­teux. Ces produits sont commandés parce que les patients sont au courant de leur existence et qu'on a l'impression que si on n'a pas le produit dans sa pharmacie, on perd sa crédibilité.

Dans tous les cas, si vous commandez des quantités de certains produits, supérieures à vos besoins, vous allez mal utiliser vos ressources au détriment de vos patients. Si vous com­mandez des produits que vous ne pouvez pas ou ne savez pas utiliser, cela ne vas pas vous donner les équipements ou les connaissances qui vous manquent.
De plus, comme les ressources ne sont jamais illimi­tées, vous pouvez être certains que les pro­duits que vous détenez dans votre pharmacie vont manquer à d'autres qui en ont besoin. Donc les outils de gestion : fiches de stock et les outils de décision : CMM et seuil de commande doivent vous servir à veiller à n'avoir ni rupture, ni surstock. Si vous constatez que vous avez manifestement trop d'un produit quelconque, vous devez le ren­voyer aussitôt que possible à l'organisme qui vous l'a fourni.

Que retenir


Les formules magiques

Consommation Mensuelle Moyenne (CMM)

CMM = somme des unités d'un produit pendant x mois/x ;

x = le nombre de mois (souvent x = 3 ou 6 ou 12; si possible préférez 12)

Seuil de commande (SC)

Pour une commande et une livraison mensuelles : SC = CMM x 2

Qand commander ?

Il faut commander quand le stock restant (SR) est inférieur au seuil de commande (SC) : SR < SC

Quelle quantité commander ?

La quantité à commander (QAC) est égale au seuil de commande (SC) moins le stock restant (SR) : QAC = SC - SR


Rappel du calcul d'une moyenne : j'ai six poules dans mon poulailler. Toutes ne pondent pas tous les jours. Je sais que j'ai besoin de quatre oeufs par jour pour les petits enfants de la famille. Je note pendant une semaine le nombre d'oeufs ramassés : Lundi : 6 oeufs, Mardi : 3 oeufs, Mercredi : 4 oeufs, Jeudi : 2 oeufs, Vendredi : 5 oeufs, Samedi : 4 oeufs, Dimanche : 5 oeufs.

Au total, on a ramassé 6 + 3 + 4 + 2 + 5 + 4 + 5 = 29 oeufs en une semaine (donc en 7 jours).

En moyenne, les poules ont pondu 29 (oeufs) 7 (7 jours) = 4,14 oeufs par jour.

Je suis presque sûr que je pourrai partager quatre oeufs par jour entre les enfants (si la mangouste n'entre pas dans le poulailler). Je pourrais même probablement apporter un oeuf de temps en temps au grand-père. J'ai calculé une moyenne hebdomadaire (sur une semaine) ; en continuant à noter, je pourrais calcu­ler une moyenne mensuelle (1 mois) qui sera plus précise que sur une semaine, parce qu'une seule semaine peut être exceptionnelle. Mais je devais aussi tenir compte des variations saisonnières : selon la saison, les poules ne pondent pas toujours le même nombre d'oeufs. Et les besoins évoluent : un parent peut venir en visite avec ses enfants, ou bien un tout-petit peut commencer à manger des oeufs, etc.. Mais si j'ai évalué ce dont j'ai besoin, je peux m'adapter.

Développement et Santé, n°188, 2007