L'infection à VIH

Par Véronique Hentgen, Stéphane Jauréguiberry, Mchel Bélec

Publié le

I. Epidémiologie

L'épidémie mondiale de l'infection par le Virus de l'Immunodéficience Humaine (VIH) a débuté vers la fin des années 70 et au début des années 80. L'épidémie a d'abord touché les populations masculines homosexuelles et bisexuelles de certaines zones urbaines d'Amérique, d'Australie et d'Europe occidentale, et aussi les hommes et les femmes à partenaires sexuels multiples des Caraïbes, et d'Afrique centrale et orientale.

L'épidémie a ensuite diffusé parmi les usagers de drogues intraveineuses et leurs partenaires sexuels. Actuellement, l'épidémie se propage dans toutes les sociétés et dans tous les pays. Fin 2002, on comptait 42 millions de personnes porteuses du virus dans le monde, dont 70 % en Afrique subsaharienne (qui ne représente pourtant que 10 % de la population mondiale).

II. Situation épidémique mondiale actuelle et évolution

1. Dans les pays industrialisés

Aux USA, en Australie, en Europe du Nord la situation s'est stabilisée. La situation reste cependant préoccupante chez les homosexuels masculins, tandis que l'épidémie diffuse lentement dans la population hétérosexuelle.

En Europe centrale et orientale, longtemps épargnée, le VIH se propage très rapidement. La diffusion se fait principalement par l'utilisation commune de matériel d'injection par les usagers de drogues.

2. En Afrique subsaharienne

La prévalence globale du VIH, en Afrique subsaharienne, est estimée fin 2002 à 5,8 % de la population générale.

L'épidémie a débuté dans des pays comme le Kenya, le Malawi, le Rwanda, la Zambie et le Zimbabwe. A l'heure actuelle, c'est dans ces pays que l'on retrouve les taux de prévalence les plus élevés: plus de 10 % chez les femmes enceintes et parfois jusqu'à 40 %.

Les prévalences chez les sujets consultant pour des infections sexuellement transmissible (IST) ou chez les femmes prostituées peuvent atteindre des valeurs supérieures à 50 %.

La transmission hétérosexuelle demeure le principal mode de contamination, mais environ 5 % des cas de transmission pourraient être dus à des transfusions ou autres actes de soins.

Les populations les plus touchées sont les 15-24 ans et dans la tranche d'âge des 15-19 ans, les femmes sont les premières victimes du fléau.

3. En Asie du Sud et du Sud-Est

L'épidémie s'est déclarée au milieu des années 80, mais sa propagation s'est faite de façon rapide et intense. Débutant chez les usagers de drogues intraveineuses, le virus, s'est répandu chez les hétérosexuels à partir de 1989.

Un tiers des adultes infectés sont des femmes et cette proportion risque d'augmenter.

Plus de 90 % des cas d'infections dans cette partie du monde se trouvent en Inde, en Thaïlande, au Cambodge et au Myanmar.

A Bombay, en Inde, la prévalence du VIH atteint plus de 50% chez les prostituées, 36 % chez les porteurs d'IST et 2,5 % chez les femmes enceintes. Au Myanmar, la prévalence chez les prostituées est passée de 4,2 % à 18 % en moins de 5 ans. Au Cambodge, à Phnom Penh, la séroprévalence du VIH est passée chez les donneurs de sang de 0, 1 % en 1991 à 1 0 % en 1995.

4. En Amérique latine

La diffusion du virus remonte au début des années 80 chez les homosexuels masculins.

Aujourd'hui, la transmission est majoritairement hétérosexuelle et due au partage de matériel d'injection contaminé. Là aussi, l'épidémie touche de plus en plus de femmes (25 % des personnes infectées) et d'adolescents. Cette proportion est amenée à augmenter.

Le Brésil et le Mexique totalisent à eux deux 70 % des cas d'infection en Amérique Latine.

5. Aux Caraïbes

Les Caraïbes, avec 440 000 personnes infectées par le VIH, se placent en deuxième position des régions les plus touchées du monde, après l'Afrique, avec un taux de prévalence de la maladie de 2,4 %. La transmission hétérosexuelle prédomine et 50 % des adultes porteurs sont des femmes. Haïti et la République Dominicaine totalisent 85 % des cas d'infection dans cette région du monde.

6. Quelques repères en chiffres

Situation mondiale à la fin 2002 (adultes et enfants)

  • 42 millions de personnes vivent avec le VIH/SIDA.
  • Il y a eu 5 millions de nouvelles infections en 2002.
  • 3,1 millions de personnes sont décédées du VIH/SIDA en 2002.

Situation mondiale à la fin 2002 (enfants de moins de 15 ans)

  • 3,2 millions d'enfants vivent avec le VIH/SIDA.
  • Il y eu 800 000 nouvelles infections en 2002.
  • 610 000 enfants sont décédés du VIH/SIDA en 2002.

III. Prévention de l'infection à VIH

Les moyens de prévention découlent bien sûr des modes de contamination.

Ces moyens de prévention, souvent simples et peu onéreux, sont pour la plupart, dès à présent, applicables dans les PED.

Dans tous les pays, la prévention passe par l'éducation et l'information de la population. Le personnel soignant est un vecteur important de l'information (avec les médias, les corps constitués et les religieux). Il doit recommander les modes de prévention aux patients au cours de sa pratique médicale : soit de consultations courantes, consultations prénatales ou pour IST, soit en structures sanitaires (hôpital, centre de transfusion sanguine, maternité ... ).

1. Prévention de la transmission sexuelle

Dans les PED, elle est la plus importante à mettre en place, mais la plus difficile aussi. Touchant à la sphère de la vie privée, elle concerne un sujet bien souvent tabou.

La place occupée par le personnel soignant devrait être ici fondamentale auprès de la population générale par le rôle neutre et informé qu'il revêt.

Les messages de prévention doivent se garder d'être stéréotypés et doivent être adaptés à la psychologie et à la sensibilité du consultant. Les arguments employés doivent avoir le meilleur impact auprès des personnes auxquelles ils sont destinés. Ainsi les messages de prévention, se basant sur les modes de transmission, seront variés.

Schématiquement, les messages de prévention de la transmission de la maladie reposent sur 6 axes :

  • La réalité de l'épidémie mondiale et de sa diffusion, qui se heurte encore trop souvent a des réactions d'incrédulité de la part de la population. Cette information ne doit pas comporter d'éléments effrayants, tant ceux-ci sont contre-productifs sur les mesures préventives.
  • L'utilisation large et régulière du préservatif lors des relations sexuelles, homosexuelles ou hétérosexuelles, avec des partenaires multiples ou occasionnels ou de rencontre.
  • La fidélité au sein du couple.
  • L'abstinence et les rapports sexuels sans pénétration.
  • La prévention et le traitement des autres IST, celles-ci favorisant la transmission du VIH.
  • L'absence de contagiosité des séropositifs en l'absence de relations sexuelles. Il faut éviter toute stigmatisation et s'employer à changer les idées reçues. Il doit être clairement précisé que les malades et les séropositifs pour le VIH ne sont pas contagieux en dehors des relations sexuelles non protégées.

Les messages et conseils doivent être adaptés à l'interlocuteur pour qu'ils rencontrent le meilleur écho possible, ainsi pour :

  • Les jeunes : l'accent sera mis sur l'utilisation du préservatif qui permet d'une part, une protection contre le VIH et les autres IST et d'autre part, les grossesses non désirées.
  • Les couples plus âgés : le message prioritaire peut être celui de la fidélité.
  • Les femmes : elles sont une cible privilégiée des campagnes et des messages d'information du fait de leur poids sur la maternité dans les sociétés traditionnelles et leur vulnérabilité. Elles seraient plus à même d'imposer les mesures préventives à leur(s) partenaires. Par ailleurs, la séropositivité revêt une dimension encore plus dramatique chez elles, les exposant soit à mettre au monde des nouveaux nés infectés, soit à renoncer à toute grossesse.

Les voyageurs : professionnels ou non, ils sont exposés plus que les autres aux partenaires occasionnels. L'accent devra porter sur l'emploi du préservatif et/oU les pratiques sexuelles sans pénétration.

2. Prévention de la transmission sanguine

a) La transfusion sanguine

Ces mesures relèvent des conduites à tenir par le personnel soignant en structures de soins. La prévention repose sur :

  • La sélection des donneurs de sang par l'interrogatoire.
  • L'utilisation de tests rapides, très sensibles, fiables et peu onéreux : si le test est positif, la poche est déclarée séropositive pour le VIH et éliminée du lot.

Les indications de transfusion judicieusement posées et la large utilisation des solutés de remplissage.

b) Le matériel d'injection souillé

Pour la transmission par l'utilisation de matériel d'injection souillé, la prévention repose sur :

  • L'utilisation de matériel d'injection à usage unique ou facilement stérilisable ou prévu à cet effet.
  • La diminution du nombre de traitements administrés par voie parentérale. Les soignants ne devraient recourir à la voie IV ou IM que lorsqu'un médicament de même efficacité par voie orale est impossible à cause des vomissements ou troubles de la conscience). Cela éviterait aussi les abcès aux points d'injection et les atteintes neurologiques périphériques.
  • Les précautions universelles d'utilisation du matériel en structures hospitalières.
  • Des messages ciblés de prévention en direction de la jeunesse des villes, principale population à risque de toxicomanie intraveineuse.

3. Prévention de la transmission materno-infantile du VIH

La meilleure méthode pour diminuer le nombre d'enfants contaminés par le VIH serait d'éviter qu'une femme en âge de procréer ne contracte l'infection et de décourager toute grossesse chez les femmes porteuses du VIH. Mais la prévention de la transmission hétérosexuelle du VIH demande un changement profond des comportements sexuels. Or, tout changement de ce type est un processus lent et difficile à obtenir. En attendant, l'OMS estime que chaque jour 8 000 femmes en âge de procréer sont nouvellement contaminées par le VIH dans le monde.

La connaissance par une femme de sa séropositivité pour le VIH ne semble pas influencer son comportement vis-à-vis de la procréation. La forte pression sociale en faveur d'une fécondité élevée dans la majorité des pays concernés entretient cette situation.

Les femmes en âge de procréer n'ont souvent accès au dépistage qu'au moment de leur première consultation prénatale.

Toutes ces raisons font qu'il est important de trouver des interventions capables de réduire, pendant la grossesse et le post-partum, le risque de transmission verticale du VIH.

Développement et Santé, n°168, décembre 2003