COVID-19 et artemisinine

Par Dr Pascal Millet, Université de Bordeaux, France

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L’annonce du Président malgache sur l’activité du Covid-organics, une tisane à base d’artémisinine fabriquée par l’institut Malgache de recherches Appliquées (IMRA) , doit être considérée avec beaucoup de précautions pour les raisons suivantes :

  • L’activité antivirale d’extraits éthanoliques d’Artemisia rupestris, Artemisia vulgaris, ou Artemisia draconculus (et non Artemisia annua) ne porte que sur une étude scientifique in vitro concernant des virus de la grippe (Lvjie Xu et al, Frontiers in Cellular and Infection Microbiology, 2020, Vol 10).
    Les molécules identifiées seraient la lutéoline, le kaempferol, la quercétine, l'apigénine. Avant d’être proposées chez l’homme pour vérifier en urgence une efficacité contre les symptômes du coronavirus, il est indispensable d’obtenir des informations complémentaires sur ces molécules, au moins sur la concentration des principes actifs dans les matières sèches d’A. annua produites à Madagascar, sur des extractions dans l’eau (rappelons que les molécules supposées actives sont obtenues à partir d’extraits éthanoliques et non aqueux), et sur la biodisponibilité de ces molécules dans l’organisme. Ces informations donnent une idée de la dose administrée chez l’homme.
    Il faut savoir que nous ne disposons d’aucune base scientifique pour transposer une dose efficace in vitro en une dose efficace chez l’homme.

  • L’artémisinine n’est pas une molécule antivirale active ; Il est donc inutile de prendre des ACT pour penser se prévenir du COVID-19, au risque d’épuiser inutilement les approvisionnements des pays impaludés.

  • Il faut être conscient que la prise à grande échelle de tisanes d’artemisia est susceptible d’entraîner l’apparition de résistances aux antipaludiques à base d’artémisinine. Il semble que le paludisme tuera en 2020 toujours plus de personnes dans le monde que le COVID-19.

  • La réalisation d’études cliniques démontrant l’efficacité d’une thérapie contre le COVID-19 est extrêmement difficile, compte tenu du très faible taux de morbidité et mortalité, surtout chez les personnes âgées de moins de 60 ans. L’âge moyen de la population malgache étant d’environ 19 ans (espérance de vie à 66 ans), on peut penser que le nombre de cas sera plus faible que dans des pays où l’âge moyen est plus élevé (âge moyen de 42 ans et espérance de vie à 82 ans en France par comparaison). Des comparaisons inter-pays pour démontrer l’efficacité d’une intervention sont donc impossibles et seule une étude à 2 bras (dont un non traité) avec un nombre important de patients, permettra d’évaluer l’efficacité d’une intervention.

  • Si les études cliniques étaient faciles à réaliser, nous aurions depuis quelques semaines obtenu des résultats et une réponse claire sur l’efficacité ou non des molécules testées contre le COVID-19.