Covid-19 : perspectives vaccinales

Par Pr Pierre Saliou, vaccinologue, GISPE

Publié le

Il est très vraisemblable qu’un vaccin contre le Covid 19 dû au Sars-Cov 2, administrable à la population mondiale, deviendra une réalité. Mais quand ? Il est vraiment impossible de le prévoir aujourd’hui malgré les allégations optimistes (pour ne pas écrire irréalistes) des médias reprenant souvent les communiqués des différents laboratoires qui annoncent un délai de quelques mois à 12 ou 18 mois au maximum.

Trois problèmes sont à considérer

  1. Certes la recherche vaccinale est bouillonnante dans le domaine avec plus de 100 projets recensés par l’OMS dont certains progressent rapidement in vitro à tel point que quelques essais cliniques de phase 1 sont même déjà en cours.

  2. Après la mise au point au laboratoire d’un vaccin qui devrait être efficace et sûr, et un essai de phase 1 sur un nombre limité d’adultes volontaires qui permet de juger avant tout de sa non toxicité mais aussi de sa réponse immunitaire (preuve du concept), pourra alors débuter le long et onéreux processus du développement clinique passant par la phase d’immunogénicité, avec définition de la dose (phase 2), et la phase d’efficacité du vaccin (phase 3).

  3. Lorsque le (ou les) vaccin(s) sera (seront) considéré(s) comme sûrs(s) et efficace(s) par les autorités sanitaires, commencera alors la phase industrielle de fabrication à large échelle dans des grandes unités dédiées et certifiées de la bio-industrie mondiale. En effet, le nombre de doses nécessaires sera énorme pour ce vaccin qualifié de «"bien public mondial" lors du Téléthon du 5 mai dernier, organisé par l’Union Européenne et qui a rapporté 7,4 milliards d'euros pour cette recherche vaccinale.

L’ensemble de ce processus prendra obligatoirement du temps, même si la préparation des différentes phases peut être anticipée et se chevaucher. Par exemple, certains centres ont déjà commencé à recruter des volontaires pour les études d’immunogénicité.

Par ailleurs, il est même éventuellement envisagé de recourir à des études dites de "challenge", c’est-à-dire de procéder à une administration du virus chez des sujets vaccinés volontaires pour juger de l’efficacité du vaccin. Mais sans traitement spécifique efficace, il est quasi certain que ce type d’étude ne pourra pas se pratiquer devant les problèmes éthiques qu’elle poserait.

Quelles sont les différentes voies de recherche ?

En Chine, des vaccin"traditionnels" à virus Sars-Cov 2 entiers inactivés sont étudiés. Un problème se pose : l’induction d’éventuels anticorps facilitants.

En fait, la recherche est quasiment totalement orientée vers des vaccins de génie génétique induisant des anticorps spécifiques contre la glycoprotéine de surface «Spike »(S) afin de bloquer sa liaison avec le récepteur ACE2 des cellules de l’hôte.

Schématiquement et sans souci d’exhaustivité, trois axes peuvent être distingués

1- Vaccins vivants recombinés

Lors du cycle du virus, l’ARN messager du Sras-Cov 2 est transcrit en ADN. Le fragment d’ARN codant pour S est inséré sous forme d’ADN dans un virus vecteur non pathogène pour l’homme : adenovirus de chimpanzé ou virus vaccinal de la rougeole. Ce vecteur « recombiné » exprimera l’antigène S en se répliquant chez l’homme. Pour le modèle adenovirus, la réplication est abortive. Peu d’antigène S sera exprimé, nécessitant sans doute plusieurs injections.

2- Vaccins "sous-unitaires" recombinants

La protéine S est exprimée in vitro par un vecteur (baculovirus en l’occurrence) dans lequel est inséré le brin d’ADN spécifique selon la même technique que précédemment. Cette protéine antigénique est purifiée et injectée à l’homme (même principe que le vaccin HepB).

3-Vaccins à ARN messager (mRNA)

Il s’agit de l’approche vaccinale la plus innovante. Le brin du mRNA codant pour S est injecté directement à l’homme où il sera traduit en ADN dans des cellules qui exprimeront alors la protéine S pouvant induire des anticorps protecteurs. Des travaux sont déjà bien avancés aux USA et en Allemagne. Mais beaucoup de problèmes de sécurité sont encore à résoudre pour le premier vaccin de ce type.

En somme, parmi tous ces travaux, un vaccin finira par émerger… mais pas demain. En attendant, il faudra pendant longtemps, sans doute, continuer à vivre avec le Sars-Cov 2 et ses caprices.

Pour terminer, quelques commentaires

Une bonne nouvelle, le virus ne semble pas avoir une propension à muter, en particulier vis-à -vis du matériel génétique de Spike, ce qui facilitera la mise au point d’un vaccin.
Pour augmenter l’immunogénicité de ce potentiel vaccin, il faudra très certainement un adjuvant, posant d’autres problèmes.
L’immunité à médiation cellulaire est encore mal connue pour le Covid 19. Mais elle a certainement une grande importance qu’il faudra prendre en compte.
Enfin, un mot sur le vaccin BCG dont l’effet n’est bien sûr pas spécifique mais qui a vraisemblablement un effet stimulateur sur l’immunité innée. Des travaux sont en cours.