Utilisation de l'insuline en cas DNID

Par Olivier Bismuth Médecin généraliste, Thiais, France. (D'après un diaporama de C.Richard et G.Reumont)

Publié le

L'insuline, découverte dans les années 1920, a sauvé la vie de nombreux patients, mais elle a malheureusement une mauvaise réputation chez les diabétiques non insulino-dépendants. Elle est assimilée a un traitement palliatif de fin de vie, annonçant une mort prochaine. On a tous entendu "ah non, je ne veux pas d'insuline, ma mère en a eu et elle est morte ensuite". Cette représentation négative auprès de nombreux diabétiques nuit a son utilisation. Elle est très mal acceptée en raison de la dépendance liée aux injections quotidiennes, parfois douloureuses. La survenue d'effets indésirables, comme les accidents hypoglycémiques ou la prise de poids, contribue à ce rejet.
Cependant, depuis une quinzaine d'années, des progrès notables ont été réalisés.

D'une part, grâce à l'amélioration des produits : aiguilles plus fines et plus courtes rendant les injections quasiment indolores, mise sur le marché d'insulines nouvelles - les "analogues lents" - de prescription et d'utilisation plus faciles.

D'autre part, les efforts d'information des diabétiques - par les soignants, les patients eux-mêmes et surtout les associations de diabétiques, dont il faut saluer les efforts - ont amélioré l'image de ce médicament. Cependant, le traitement peut-être dangereux si l'on ne peut pas surveiller régulièrement la glycémie (lecteur de glycémie laboratoire...).

I. Quand envisager l'utilisation de l'insuline chez un diabétique non insulinodépendant

Lors de l'échec de la bithérapie aux doses optimales

Il faut savoir que cela surviendra presque inéluctablement au bout de 10 ou 15 années de traitement par antidiabétiques oraux (ADO), probablement par épuisement total de la fabrication d'insuline par le pancréas. Le patient atteint les doses maximales d'ADO (3 g de biguanides par exemple) au delà desquelles les risques d'effets indésirables graves - hypoglycémie avec les sulfamides, acidose lactique avec les biguanides - sont importants, surtout si le patient est âgé ou insuffisant rénal.

Dans certaines situations particulières Grossesse, diabète gravidique, glycémie supérieure à 4 g/L avec cétonurie et menace de coma diabétique, tableau infectieux sévère comme un érysipèle.

En pratique

  • Le patient est traité avec les doses maximales d'ADO.
  • Les glycémies restent supérieures à 2 g/L ; les glycosuries indiquent une ou deux + (rappelons que la glycosurie apparaît lorsque la glycémie dépasse 1,6g/L); l'hémoglobine glyquée dépasse 8 % à 2 ou 3 contrôles successifs.

On réévalue le comportement alimentaire et il semble que l'on ne pourra pas Suffisamment améliorer la diététique.

Il n'est pas survenu de facteur intercurrent de décompensation glycémique, tel le passage d'un métier manuel à une activité sédentaire.

II. Quelle insuline prescrire ?

Les insulines existent :

  • soit en flacon, à garder au frais dans un réfrigérateur. On prélève et on injecte la dose nécessaire au moyen d'une seringue spécifique, dite a insuline,
  • soit en stylo auto piqueur, plus pratique mais nettement plus onéreux.

1. Les insulines ordinaires

Elles ont une action rapide et courte : baisse de la glycémie en une heure, et durée d'action de 6 heures. Elles provoquent peu de réactions allergiques, contrairement aux anciennes.

Elles existent :

  • soit sous forme pure (3 injections par jour),
  • soit associées à une insuline semi-retard NPH. Ce sont les insulines biphasiques, dont le délai d'action varie de 1 à 12 heures.

Le patient doit apprendre à les utiliser afin de réduire le risque d'hypoglycémie.

2. Les insulines semi-lentes ou lentes

Ce sont les insulines classiques ou les insulines nouvelles, dites "analogues lents". Le risque d'accident hypoglycémique est identique, l'apprentissage est donc essentiel.

a) Les insulines classiques, type NPH

Leur une durée d'action est de 12 à 14 heures, avec un pic d'efficacité à 3 heures, puis l'activité décroît progressivement.

Inconvénients :

  • Deux injections par 24 h sont nécessaires.
  • Le pic d'efficacité peut provoquer une hypoglycémie, en particulier la nuit suivant l'injection du soir.

b) Les analogues lents

Insuline Glargine, Detemir.
La durée d'action, plus longue, atteint 24 heures, ce qui permet de n'effectuer qu'une seule injection par jour au lieu de 2 avec la NPH.
En outre, leur action est plus étalée, en plateau et sans pic, ce qui présente l'avantage pour le patient de ne pas devoir faire l'injection a une heure précise, donc d'en être moins tributaire. L'inconvénient est leur coût plus élevé.

III. Quelle posologie ?

1. Le début du traitement

Le traitement est débuté sur la base de 0,1 à 0,2 unités/kg/j soit, pour une personne de 80 kg, 10 à 16 U/j.

Il est préférable de commencer par une dose faible et d'augmenter ensuite progressivement (règle du "go down, go slow'). On vise une valeur cible stricte de la glycémie au réveil de 0,8 a 1g/L.

L'adaptation des doses se fait par paliers de deux unités en plus ou en moins :

  • en cas de malaise hypoglycémique.
  • selon la glycémie au réveil,
  • selon les données des trois mesures quotidiennes,
  • en cas d'activité physique plus importante que d'habitude (sport, activité manuelle...) : on doit alors diminuer la dose ou, pour prévenir le risque hypoglycémique, conseiller d'ingérer des compléments diététiques.

2. Pour la prescription des ADO

On pourra profiter de l'insulinothérapie pour tenter d'alléger le traitement oral :

  • soit en ne gardant qu'un ADO, de préférence le biguanide,
  • soit en gardant la bithérapie, si possible à moindres doses.

III. L'éducation thérapeutique

Elle est indispensable pour aider le patient a accepter l'insuline et a savoir l'utiliser.

Le soignant doit d'abord lui-même en apprendre Futilisation afin de savoir l'expliquer au patient. Ensuite, l'infirmier vérifie si celui-ci a compris et s'il sait faire lui-même l'injection : le patient doit réaliser seul le geste devant le soignant. Cela prend du temps et demande 2 ou 3 consultations de vérification.

Les points essentiels pour le soignant :

  1. expliquer pourquoi il est nécessaire de passer à l'insuline ;
  2. présenter les bénéfices de ce traitement (efficacité) ;
  3. rassurer sur le fait que la prescription d'insuline n'est pas synonyme d'aggravation de la maladie ;
  4. convaincre que les injections n'altèrent pas la qualité de vie (contraintes, douleurs) ;
  5. insister sur la simplicité du traitement, en montrant le matériel ;
  6. expliquer les 4 principes de sa mise en oeuvre :

  7. surveillance glycémique au dispensaire ou par auto surveillance,

  8. technique d'injection de l'insuline (ou, quand et avec quoi : seringues, stylos auto injecteurs),
  9. quantités à injecter,
  10. adaptation des doses ;

  11. expliquer l'hypoglycémie et ses signes, et vérifier que les doses utilisées ne sont pas excessives ;

  12. en parler tôt dans la maladie, afin que le patient s'habitue a cette idée et sans que cela ne l'inquiète. En conclusion, l'insulinothérapie contribue a une nouvelle et meilleure prise en charge des diabètes non insulino-dépendants.

Classe DCI Dose max. par jour Quand injecter? Action Principaux effets indésirables Contre- indications ou précautions d'emploi
Délai d'action Durée d'action
Rapide Insuline Pas de dose limite 3 fois par jour avant les repas 1 h 6 h Hypoglycémie Prise de poids En cas d'insuffisance rénale, les besoins en insuline peuvent être diminués
Analogues rapides Insuline lispro Insuline asparte Insuline glulisine 3 fois par jour avant les repas 15 min 4 a 6 h
Intermédiaire NPH 1 a 2 fois par jour 1 h 30 12 h
Biphasique NPH + lispro NPH + asparte 2 fois par jour 15 min 12 h
Lente Glargine Détémir 1 à 2 fois par jour 16-24 h

Développement et Santé, n°193, 2009