Corticoïdes

Par Philippe Reinert

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Corticoïdes par Philippe Reinert Pédiatre, hôpital intercommunal, Créteil, France. Depuis 1949, année de la découverte des effet thérapeutiques des dérivés des hormones de la glande surrénale, la corticothérapie a sauvé d'innombrables vies, qu'il s'agisse de l'asthme, de chocs allergiques, de morsures de serpents, de rhumatismes ou de maladies rares mais graves. De nombreuses spécialités existent (tableau n° 1). Malgré ce rôle capital en thérapeutique humaine, la cortisone a parfois mauvaise réputation : il est vrai qu'elle peut provoquer de nombreuses complications. Avant de traiter des corticoïdes et de leur mode d'utilisation, il convient d'aborder la pharmacodynamie I. Pharmacodynamie Les glandes surrénales sécrètent deux types d'hormones : - les minéralocorticoïdes : leur rôle majeur est de réguler l'élimination urinaire du sodium et la tension artérielle ; - les glucocorticoïdes : il renforcent la contraction cardiaque et améliorent le tonus des vaisseaux, élèvent la glycémie, stimulent la sécrétion du suc gastrique, diminuent l'élimination de l'eau (reins). Ce sont les dérivés des glucocorticoïdes qui, administrés à forte dose (doses non physiologiques), ont deux propriétés principales. 1. Activité anti-inflammatoire Cliniquement définie par la triade rougeur/chaleur/tumeur (et souvent douleur), l'inflammation est une réaction de l'organisme (souvent de défense) caractérisée par l'afflux local de leucocytes (neutrophiles, éosinophiles, leucocytes macrophages) qui libèrent des substances (cytokines, histamine) activant les défenses immunitaires. Ceci peut être utile par exemple pour une plaie surinfectée, une pneumonie : l'inflammation peut être ailleurs nuisible et exagérée dans l'asthme, les rhumatismes, et de nombreuses réactions allergiques. Les glucocorticoïdes : - inhibent la migration des leucocytes, - diminuent la sécrétion de certaines cytokines (macrophages et lymphocytes), - bloquent la libération de l'histamine par les mastocytes (l'histamine joue un rôle majeur dans l'asthme et un grand nombre de maladies allergiques). 2. Activité immunodépressive Tout traitement prolongé par la cortisone (plus de 15 jours) diminue les fonctions immunitaires (surtout celles médiées par les lymphocytes T) alors que les taux d'anticorps (synthétisés par les lymphocytes B) sont peu modifiés . Cette activité immunodépressive peut être très utile dans toutes les maladies où l'immunité est déréglée (maladies auto-immunes). À l'inverse, on devine que dans la plupart des maladies infectieuses, une corticothérapie prolongée, en diminuant deux moyens de défense fondamentaux (l'inflammation et l'immunité), puisse avoir des conséquences catastrophiques. 3. Autres activités Les corticoïdes ont d'autres effets malheureusement moins bénéfiques :

  • effet hyperglycémiant (risque de diabète)

  • modification de la répartition des graisses dans l'organisme;

  • diminution des réserves en calcium

  • perte musculaire

  • rétention sodée ;

  • parfois excitation.

Il. Modes d'administration 1. Corticothérapie générale Il faut opposer les cures brèves aux traitements prolongés :

  • Cures brèves

Administrés à forte dose pendant moins de 15 jours, les corticoïdes sont utilisés : - per os (po), prednisone 1 mg/kg/jour - IV: méthylprednisolone (Solumedrol®) 1 g dans 250 cl de sérum physiologique ou glucosé à 5O%o en 1h à 3h. Indications : - crise d'asthme - oedème de Quincke ; - morsure de serpents (IV). Paradoxalement quelques infections : - méningite à Haemophilus b chez l'enfant (IV) ;

  • méningites si hypertension intracrânienne ipo),
  • péricardite
  • fièvre typhoïde avec choc (IV) - laryngite aiguë sous-glottique chez l'enfant (PO).
  • Cures prolongées

Il s'agit ici d'une décision grave car le risque de complications est élevé. L'administration des corticoïdes est généralement comprise entre 0,25 et 1 mg/kg. Indication :

  • rhumathisme articulaire aigu

  • syndrome néphrétique de l'enfant

  • purpura thrombocytopénique ;

  • maladies auto-immunes (lupus, polyarthrites graves) ;

  • asthme grave.

Précautions :

  • 2 prises par jour : matin et midi
  • régime sans sel ;
  • régime pauvre en sucre
  • régime riche en potassium (bananes).

Ne jamais arrêter brutalement le traitement. Faire des paliers de 8 jours. 2. Corticothérapie cutanée (dermocorticoïdes) L'utilisation des pommades est très répandue :

  • eczéma,

  • psoriasis,

  • pelade,

  • cicatrices hypertrophiques,

  • piqûres d'insectes,

  • rhumatismes (appliquées sur l'articulation).

Pour toute pathologie chronique il est nécessaire d'appliquer la pommade 2 fois par jour au début, puis d'espacer très progressivement les prises 1 fois par jour puis 1 jour sur 2 puis 1 jour sur 3 avec des paliers d'une semaine. Contrairement à une idée reçue, la pénétration sanguine du produit peut être grande : elle dépend du type de corticoïde (tableau n° 2) et de la zone cutanée traitée (tableau n° 3). Les complications sont nombreuses (tableau n° 4). Utilisées pour éclaircir la peau, elles peuvent entraîner des préjudices esthétiques graves et parfois définitifs. III. Corticothérapie en aérosols Depuis quelques années, les corticoïdes en aérosols sont utilisés avec succès dans l'asthme. Il ne s'agit pas du traitement de la crise mais d'un traitement de fond, par exemple 2 prises par jour pendant un an. Efficaces et sans danger, ces traitements sont coûteux. IV. Corticothérapie oculaire Les collyres corticoïdes sont très efficaces sur les conjonctivites allergiques et les kératites. L'acétate de prednisolone à 1 % donne les concentrations les plus élevées dans l'humeur aqueuse. Attention : il sont à prohiber en cas d'herpès oculaire qu'ils aggravent. Dans tous les cas le traitement ne doit pas dépasser 4 à 5 jours (risque de surinfection bactérienne). V. Complication à la corticothérapie (tableau n° 5) Parmi la longue liste des complications provoquées par les traitements prolongés, il faut retenir l'arrêt de croissance et l'obésité chez l'enfant, mais aussi la vulnérabilité aux infections (varicelle, rougeole, tuberculose, candidose). Développement et Santé, n° 145, février 2000