Bilan du programme d'éducation thérapeutique à l'hôpital Calmette après trois ans de suivi et évaluation de son impact sur l'observance

Par Par Dr. Olivier Ségéral Hôpital de jour du Kremlin Bicêtre, service maladies infectieuses, France

Publié le

L'observance est le facteur clé du succès des thérapeutiques antirétrovirales (ARV). Cette observance ne peut se maintenir à un niveau élevé qu'avec une autonomisation du patient vis-à-vis de son suivi médical et de ses traitements. Initié en 2003, dès l'arrivée des traitements ARV, le programme d'éducation thérapeutique à Calmette concerne tous les patients sous traitement. Les 300 premiers patients traités sont suivis depuis plus de 3 ans au sein des consultations. Environ 10 % d'entre eux sont décédés ou perdus de vue et parmi les 270 patients restants, l'efficacité virologique est de 70 % à 18 mois et de 90 % à 36 mois (seuil de 400 copies/ml). Nous présentons ici un bilan de trois années d'éducation thérapeutique (profil des patients, problèmes rencontrés lors du suivi et niveau d'acquisition) ainsi qu'une évaluation de l'observance réalisée après au moins 6 mois de suivi.

I. Les patients

L'évaluation a été réalisée chez 272 patients 158 hommes (58 %) et 114 femmes (42 %), âge médian 34 ans (IQR*, 30-39).

Concernant le mode de vie des patients

  • 158 (58 %) vivent à Phnom-Penh et 114 (42 %) en province,
  • 138 (51 %) vivent en couple, 112 en famille (41 %) et 22 seuls (8 %),
  • les principales professions sont aucune (21 %), commerçants (17 %), militaires/ policiers (17 %), autres fonctionnaires (15 %), activités libérales en PME (11 %), agriculteurs (7 %) et moto-taxis (6 %).

L'infection VIH a été découverte en raison

  • de problèmes de santé pour 169 (62 %) d'entre eux,
  • d'une infection chez le conjoint pour 60 (22%),
  • d'un bilan de santé systématique pour 34 (13%)
  • d'une grossesse pour 9 (3 %).

Quantre-vingt quatorze pour cent des patients ont parlé de leur infection avec au moins un membre de l'entourage

  • 50 % avec la famille seule,
  • 14 % avec le conjoint seul,
  • 36 % avec les deux.

Lorsque l'on interroge les patients sur les changements que l'infection a entraîné dans leur vie quotidienne, les 3 réponses les plus fréquentes sont aucun changement (36 %), diminution des revenus (28 %) et perte de l'avenir (24 %).

Seuls 1/3 des patients avaient déjà été suivis pour leur infection avant l'entrée dans la consultation.

II. Concernant le programme d'éducation thérapeutique

Le nombre moyen de consultations est de 4.7 (IQR, 3-6) et le nombre de consultations nécessaires pour atteindre les objectifs thérapeutiques de 3.8 (IQR, 3-4).

Les principaux problèmes rencontrés

par les patients lors du suivi sont

  • l'éloignement par rapport à l'hôpital (28 %),
  • des problèmes financiers (18%),
  • des symptômes dépressifs (18 %),
  • le fait de devoir changer de traitement (16 %) et de formes galéniques (8 %),
  • les effets indésirables (13%),
  • les horaires de prise (8 %),
  • des problèmes de communication avec l'entourage ou de discrimination (11 %),
  • des problèmes d'alcoolisme (2 %).

Un questionnaire d'évaluation portant sur 20 questions abordées lors des séances d'éducation a été proposé aux 272 patients le nombre moyen de bonnes réponses est de 18.5/20 (IQR, 18-20). (cf. tableau 1)

III. Évaluation de l'observance

L'observance a été évaluée chez 285 patients ayant plus de 6 mois de traitement ARV par plusieurs techniques : auto questionnaires, échelle analogique, mesure du volume globulaire moyen (tous les patients étaient soit sous AZT soit sous D4T), concentrations résiduelles plasmatiques d'ARV (INNTI - Inhibiteur non nucleosidique de la transcriptase inverse - et IP - Inhibiteur de la protéase) et PCR** (Polymerase chain reaction) VIH chez les patients naïfs d'ARV avant l'entrée dans la consultation (N=161).

\ Note de l'éditeur* : InterQuartile Range, l'écart interquartile mesure la dispersion des résultats autour de la médiane, cette dernière partageant les résultats en deux moitiés égales.

\* Note de l'éditeur : PCR = Technique d'amplification du matériel génétique viral qui permet d'en produire de grandes quantités et donc de le mettre en évidence à partir d'une quantité limitée au départ.*

Les résultats sont les suivants :

Population (N = 285)
Oubli sur les 4 derniers jours Oui Non 6 (2%) 279 (98%)
Nombre de cps pris / nombre de cps à prendre 100% 95% 87,5% 75% 279 1 4 1
Décalage des horaires > 2 heures sur les 4 derniers jours Oui Non 27 (10%) 258 (90%)
Erreur de doses sur les 4 derniers jours Oui Non 11 (4%) 274 (96%)
Oubli sur le dernier week end Oui Non 18 (6%) 267 (94%)
Oubli sur le dernier mois > 1/semaine < 1/semaine Non 0 28 (10%) 257 (90%)
Echelle analogique (/10) 10 < 10 Efavirens 200 (70%) 85 (30%)
Dosages pharmacologiques (ng/ml) > 1000 pour EFV et 3000 pour NVP (Nevirapine) < 1000 pour EFV et 3000 pour NVP 263 (94%) 17 (6%)
VGM > 100 < 100 250 (88%) 35 (12%)
PCR VIH chez patients naïfs (N=161) < ou = 400 copies/ml > 400 copies/ml 137 (85%) 24 (15%)
Tableau 1 : Questionnaire d'évaluation patient
Propositions Réponse Degrés de certitude
Vrai Faux Totalementsûr Sûr Presquesûr Pas tout à fait sûr Pas du toutsûr
Q1l- Une femme peut transmettre le VIH à son enfant au moment de l'accouchement.
Q.2- Au moment de l'allaitement par le sein.
Q.3- En prenant son enfant dans ses bras.
Q.4- L'utilisation systématique des préservatifs pendant les rapports sexuels empêche la transmission du VtH.
Q.5- Le VIH peut se transmettre par les moustiques.
Q.6- Le VIH détruit les défenses de notre corps.
Q.7- Les maladies qui composent le SIDA sont dues à la baisse de ces défenses.
Q.8- Les maladies apparaissent la première année de l'infection.
Q.9- Avec la prise de sang, on dose le taux de CD4 qui est le reflet de nos défenses.
Q. 10- On donne le traitement si les CD4 sont bas.
Q. 11- Le traitement peut faire remonter les CD4.
Q.12- Le traitement peut supprimer le VIH de notre corps.
Q.13- Pour que le traitement marche, il faut qu'il soit pris tous les jours.
Q. 14- Si le traitement est mal pris, le VIH s'habitue aux médicaments et ceux-ci ne sont plus efficaces.
Q. 15- Quand je prends mon traitement, il n'est pas nécessaire d'utiliser des préservatifs.
Q. 16- Si je vomis les médicaments 1 heure après les avoir pris, il faut les reprendre.
Q. 17- Si j'oublie mon traitement du matin, il faut que je rattrape la prise du soir.
Q.18- Si un effet secondaire apparaît, je dois tout arrêter et attendre la prochaine consultation.
Q. 19- Si j'ai la diarrhée avec les médicaments, je peux prendre des antidiarrhéiques et boire beaucoup d'eau.
Q.20- Je dois faire attention à conserver mes médicaments à l'abri des enfants.

Développement et Santé, n°187, 2007