Pourquoi le diabète est-il si dangereux ?

Par Par Olivier Bismuth Médecin généraliste, Thiais, France.  

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Le diabète non insulinodépendant (DNID) est défini, selon les normes OMS, par une glycémie supérieure ou égale à 1,26 g/L. Cette définition biologique sous-entend que cette affection est longtemps silencieuse, alors que les risques de complications sont présents. La difficulté est de faire admettre au patient qu'un traitement est indispensable pour éviter, ou au moins limiter, les multiples conséquences qui menacent la qualité comme la durée de vie. Le diabétique doit comprendre les risques de cette affection.

Le diabète sucré est défini par une glycémie a jeun (au moins 8 h de jeune) supérieure à 1,26 g/L (7 mmol/L), vérifiée à 2 reprises.

Criteres OMS (1997) a jeun post-prandiale (2h après le repas)
Glycémie normale < 1,10 g/L < 1,40 g/L
Intolérance au glucose 1,10 - 1,26 g/L 1,40 - 2 g/
Diabète > 1,26 g/L > 2 g/L

I. Pour mieux comprendre : rappel de physiopathologie

La production d'insuline

L'insuline, produite par le pancréas, est une hormone qui abaisse la glycémie. Sa sécrétion dépend de la glycémie :

  • En période de jeune, la glycémie est basse, le pancréas produit peu d'insuline.
  • En période de digestion : les sucres sont absorbés par le tube digestif et la glycémie augmente, ce qui déclenche la sécrétion d'insuline. Lorsque la glycémie est revenue à sa valeur basale, le pancréas ne sécrète plus d'insuline.

Le rôle de l'insuline

L'insuline a différentes actions :

  • Elle permet aux cellules de différents tissus (foie, tissu adipeux, muscle) d'assimiler le glucose.
  • Elle est nécessaire a la formation de glycogène, forme sous laquelle le glucose est stocké dans le foie et les muscles et qui sert de réserve d'énergie.

Chez le diabétique de type 2

Les cellules des tissus cibles (foie, tissu adipeux, muscle) sont moins sensibles à l'insuline (leurs récepteurs sont modifiés), elles ne captent plus le glucose dont le taux sanguin reste élevé. Ainsi, l'insuline ne petit plus assurer l'équilibre glycémique. On parle d'insulino-résistance.

En réponse à cette hyperglycémie persistante, le pancréas produit des quantités importantes d'insuline - on appelle ce phénomène hyperinsulinisme - ce qui peut aboutir à un épuisement du pancréas.

II. Cinq caractéristiques

1. Le DNID est une maladie générale

Tous les organes sont concernés : le système cardio-vasculaire, les reins, les poumons, les yeux, la peau, les dents... On définit cependant, des organes cibles, qui sont plus particulièrement exposés, et dont l'atteinte est très grave.

2. Le DNID est une maladie cardio-vasculaire

L'hyperglycémie est un poison vasculaire menaçant tous les vaisseaux : ceux de gros calibre - macro-angiopathie - comme ceux de petit calibre - micro-angiopathie.

Citons, comme atteintes principales, les artérioles rétiniennes (cécité), le système artériel cérébral (hémiplégie), les artères coronaires (infarctus (lu myocarde), la vascularisation des glomérules rénaux (insuffisance rénale), les grosses et petites artères des jambes et des pieds (artérite des membres inférieurs, gangrène des orteils).

3. Le DNID favorise les infections

Il peut s'agir d'infections :

  • localisées : on doit par exemple rechercher une hyperglycémie devant une furonculose récidivante,
  • généralisées, comme une tuberculose. Parallèlement, les infections peuvent aggraver ou favoriser la décompensation du diabète.

4. Le DNID est souvent lié à l'obésité et aux excès alimentaires

Même chez des diabétiques relativement maigres ou dont l'excès de poids est modéré, la diminution de la consommation de sucres et de graisses améliore la glycémie.

5. Le DNID est une maladie chronique

Un épisode d'hyperglycémie est toujours possible malgré un contrôle satisfaisant de la glycémie. C'est le cas, par exemple, après un relâchement des précautions diététiques (repas de fête...).

Ces cinq caractéristiques expliquent la nécessité d'une prise en charge multiple : médicamenteuse, vaccinale, éducationnelle, nutritionnelle, voire psychologique (il faut parvenir à ce que le patient accepte de gérer son trouble par lui-même et pour lui-même) et sociale (quelle est l'accessibilité du patient aux soins ?). Cela sous-entend parallèlement une intervention pluridisciplinaire : cardiologue, dermatologue, diabétologue (spécialité peu représentée localement), éducateur nutritionnel, sportif... Dans une optique de soins de santé primaires, la prise en charge doit être coordonnée entre l'infirmier responsable d'un centre de santé et le médecin généraliste de secteur.

III. Les principaux organes cibles

De ce qui a été dit précédemment, il découle que certains organes et appareils sont particulièrement menacés.

1. L'appareil cardio-vasculaire

  • Maladies coronariennes : angine de poitrine (angor), infarctus du myocarde,
  • Hypertension artérielle : elle-même facteur de risque d'affections cardio-vasculaires.
  • Artérite des membres inférieurs, pouvant conduire a une gangrène des orteils nécessitant une amputation.

Rappelons que ce risque est majoré si le diabétique a aussi les deux autres facteurs favorisant les affections cardio-vasculaires : tabagisme, hyperlipidémie.

2. Le système nerveux

  • Accident vasculaire cérébral, parfois précédé par des accidents ischémiques transitoires, et pouvant laisser des séquelles : hémiplégie ou autres déficits neurologiques.
  • Polynévrites très douloureuses et résistantes aux antalgiques usuels. Les déficits sensitifs sont responsables de brûlures ou d'infections cutanées, les troubles de la sensibilité empêchant le patient de percevoir les stimuli douloureux.

3. Les yeux

L'atteinte des artérioles de la rétine aboutit a une rétinopathie diabétique marquée par des micro-anévrysmes, des hémorragies rétiniennes et a terme une perte de la vision.

4. Les reins

Les néphrons mal irrigués sont progressivement altérés, ce qui conduit a une insuffisance rénale avec asthénie, hypertension artérielle, troubles métaboliques (hyperkalémie notamment, avec risques de troubles sévères du rythme cardiaque), oedème aigu du poumon (OAP)...

5. Les infections

Les localisations sont multiples : cutanées (furoncles et anthrax), dentaires, infections urinaires souvent silencieuses...

6. L'impuissance

Elle est classiquement évoquée. Mais les troubles sexuels peuvent aussi être liés a des facteurs psychologiques, comme une dépression masquée, souvent en cause.

7. Autres grandes complications

Les comas

  • Coma acido-cétosique, avec glycémie supérieure à 4 g/L, déshydratation, troubles hydro-électrolytiques, acidose, cétonurie, odeur particulière de l'haleine (comparable a celle de la pomme).
  • Coma hypoglycémique, parfois dû à l'injection d'une dose trop élevée d'insuline.
  • Coma hyperosmolaire avec hyperglycémie majeure (6 g/L), troubles neurologiques, acidose, déshydratation, pas de cétonurie.
  • Coma dû a un accident vasculaire cérébral.

Les atteintes du pied

Il est essentiel de les rechercher. Les lésions vasculaires (micro-angiopathie) ont de sévères conséquences : plaies, troubles trophiques, mal perforant plantaire, perte progressive de la sensibilité, enfin déformation en pied creux. Ces complications peuvent aboutir aux gangrènes nécessitant souvent des amputations.

A titre d'information, ce problème est si grave que la Sécurité Sociale française vient d'accepter le remboursement des soins de podologie en cas de lésions graves.

Malgré toutes ces complications, l'espérance de vie des diabétiques est nettement augmentée si le traitement (règles nutritionnelles, médicaments) est bien suivi. Certains parviennent à contrôler leur glycémie par une alimentation adaptée et une activité physique régulière. Il s'agit certes de ne pas banaliser ("j'ai un peu de sucre dans le sang"), mais aussi de ne pas dramatiser (les diabétiques peuvent vivre normalement).

Développement et Santé, n°193, 2009