Des outils pour l'éducation thérapeutique des patients vivant avec le VIH

Par Claudie Pinosa, Format Santé Claire Marchand, Format Santé Laurianne Beauvais, Fondation d'Entreprise GlaxoSmithKline France

Publié le 05/04/2004

L'attention de nombreuses équipes s'est portée sur la recherche d'interventions susceptibles d'aider les personnes infectées par le VIH à gérer dans leur vie quotidienne un traitement au long cours. C'est ainsi qu'une réflexion a été entreprise au sein de "Fédialis Médica", filiale du Laboratoire GlaxoSmithKline, dés l'année 1997, afin de concevoir, de mettre en oeuvre et d'évaluer un programme d'éducation thérapeutique des personnes atteintes d'infection par le VIH dans le but de leur permettre de mieux gérer leur situation et leur prise en charge et ainsi d'améliorer et de maintenir dans le temps un bon suivi de leur traitement. La conception générale initiale de programme a été confiée à un groupe d'experts pluridisciplinaire réunissant des soignants et des patients ayant une expertise dans le domaine de l'infection par le VIH mais aussi pour certains une compétence dans le domaine de l'éducation thérapeutique. L'objectif était de proposer une approche spécifique de l'infection par le VIH en s'inspirant et en bénéficiant des connaissances existantes dans le domaine de l'éducation thérapeutique, développées dans le cadre de l'accompagnement de patients atteints d'autres maladies nécessitant un suivi et un traitement au long cours. Il s'agissait ainsi de fonder ce programme sur des bases théoriques et méthodologiques suffisamment solides pour permettre par la suite d'évoluer en fonction des résultats obtenus. Les travaux de ce groupe d'experts se sont poursuivis tout au long de l'année 1998 pour aboutir à la définition d'un programme expérimental dénommé "Temps Clair", qui a été par la suite évalué sur plusieurs sites hospitaliers en France entre 1999 et 2001. Sur la base des résultats de cette évaluation, qui a démontré l'intérêt et l'efficacité de la démarche, un programme adapté a été par la suite déployé dans de nombreux sites en France. Dans le cadre de ce programme, une mallette pédagogique contenant des outils ou supports d'éducation pour faciliter l'apprentissage des patients vivant avec le VIH a été élaborée. En effet, il est reconnu que, quelle que soit la culture d'origine l'apprentissage du patient peut être facilité par l'utilisation de supports visuels. Ils permettent aux patients de mieux comprendre et facilitent la communication patient-soignant. Ces outils sont adaptables en fonction des pays, des contextes socioculturels.

Composition de la mallette éducative pour les patients infectés par le VIH

Les cinq outils qui vont être présentés sont complémentaires. Certains facilitent la compréhension par le patient de sa maladie, de son suivi biologique, de son traitement. D'autres permettent de préparer le patient à résoudre des problèmes de la vie courante liés ou non à la mise sous ARV comme la prise régulière des traitements, la gestion des effets secondaires mineurs, mais aussi la gestion de problèmes d'ordre psychosocial, des voyages, etc.

Un classeur imagier

Le principal outil actuellement utilisé dans les pays ayant mis en ouvre des programmes d'éducation thérapeutique est le classeur imagier (ou chevalet). Il s'agit d'un classeur comportant des planches imagées, accompagnées d'un titre ou d'une phrase explicative. L'ensemble des planches permet de travailler avec le patient ses connaissances sur l'infection par le VIH. Elles pourront être proposées au patient lors de diverses séances d'éducation, sans ordre prédéfini, en fonction de ses demandes et de ses besoins éducatifs. Dans le classeur principal, 4 grands chapitres sont traités

les voies de transmission du VIH et prévention de la transmission du VIH,
les défenses immunitaires et VIH,
l'évolution naturelle de l'infection par le VIH dans l'organisme,
les traitements antirétroviraux.

Quatre autres classeurs complémentaires peuvent être utilisés pour les patients voulant "en savoir plus". Les thèmes abordés sont les suivants :

des aspects de la vie quotidienne (alimentation, sport, médecines complémentaires),
la prévention (préservatifs, piercing, tatouages, injections, accident d'exposition),
l'usage de drogues,
les traitements (mécanismes d'action des ARV, résistance aux traitements). L'ensemble est accompagné d'un petit livret à l'attention des soignant-éducateurs précisant, pour chacune des planches, les messages importants à transmettre.

De même, les principaux messages du classeur imagier et des classeurs complémentaires sont synthétisés sur des fiches qui peuvent être remises au patient au fur et à mesure des séances d'éducation.

Planning thérapeutique

Cet outil est composé d'un grand tableau et de vignettes magnétiques représentant les activités de la vie courante et chaque type de médicament antirétroviral. Il permet d'aider le patient à planifier ses prises de médicaments de façon à respecter les modalités de prise (nombre de prises et conditions de prise) et son mode de vie. Dans un premier temps, le patient positionne à l'aide des vignettes ses différentes activités au cours d'une journée (des vignettes vierges sont prévues pour des activités plutôt atypiques), puis il détermine les heures les plus appropriées à ses prises de traitement. Une fois qu'un plan de prise a été arrêté, un planning cartonné personnalisé (de la taille d'un porte-feuille) peut être réalisé et remis au patient s'il le désire.

Cartes symptômes et décisions

Il s'agit d'un jeu de cartes comportant d'une part des cartes sur lesquelles sont inscrits des symptômes courants pouvant être ressentis par un patient (liés ou non aux effets secondaires des médicaments), et d'autre part des cartes d'action que peuvent prendre les patients lorsqu'ils ressentent ces symptômes. Ce jeu permet d'identifier ce que le patient fait ou ferait en cas de survenue d'un ou plusieurs symptômes, de discuter avec lui du pourquoi de sa ou de ses décisions et de valider ou d'invalider sa démarche. Le patient a aussi la possibilité de prendre d'autres décisions que celles proposées par les cartes d'action.

Cartes de situation psychosociale

Il s'agit de cartes sur lesquelles sont proposées des situations délicates diverses pouvant être rencontrées par le patient (annonce de son statut sérologique, désir d'enfant, rapports avec la banque, les autorités administratives, l'employeur, la médecine du travail, les collègues, les amis, etc.).

Proposées au cours d'une séance d'éducation, elles donnent l'opportunité au patient de discuter de celles qu'il rencontre ou qui pourraient le concerner. Elles permettent donc au patient d'anticiper certaines situations et le préparent à surmonter des situations difficiles. Un livret d'accompagnement pour les soignants éducateurs propose des pistes de réflexion à aborder avec le patient pour chaque situation. Des cartes psychosociales vierges sont disponibles pour permettre à chaque pays de créer des cartes nouvelles adaptées au contexte culturel.

Passeport WVV (Week End, Voyages, Vacances)

Il s'agit d'un document interactif permettant d'aider le patient à préparer un voyage ou des vacances. Ce document pré-imprimé comporte au recto des parties à remplir par le patient avec l'aide de son médecin comme les horaires de prise du traitement en fonction du décalage horaire. Au verso, on trouve des conseils de stockage des traitements, de prévention générale (soleil, déshydratation) ou vis-à-vis des infections habituellement rencontrées dans les pays à hygiène précaire et dans les pays tropicaux. Plié, il a la taille du porte-feuille. Ces outils ont été créés initialement dans le cadre de la mise en place d'un programme d'éducation thérapeutique pour les patients vivant avec le VIH en France (Proramme "Temps clair" développé par Fedialis Medica, filiale du laboratoire GiaxoSmithKline).

Des adaptations ont ensuite été proposées pour l'implantation de programmes dans différents pays à ressources limitées (Maroc, Congo Brazzaville, Mali, etc.). Mais l'outil ne fait pas l'éducateur ! Il reste donc nécessaire de se former à l'éducation thérapeutique pour envisager une utilisation optimale de l'ensemble de ces outils, et contribuer ainsi à améliorer la qualité de vie du patient vivant avec le VIH.

Développement et Santé, n°172, 2004