Paludisme : éducation pour la santé

Par Élisabeth Dumurgier Pédiatre, Institut Santé et Développement, Paris.

Publié le

En matière de lutte contre le paludisme, les programmes d'Information-Éducation-Communica­tion (IEC) de la population sont essentiels. Parallèlement, l'introduction d'un volet "éducation pour la santé" dans les programmes scolaires permet d'apporter aux enfants des éléments indis­pensables d'information et de réflexion personnelle sur les grands thèmes de santé. Ils peuvent ensuite agir, seuls ou en groupes, pour appliquer dans leur vie de tous les jours ce qu'ils ont appris à l'école et transmettre leur nouveau savoir et savoir-faire à leur entourage.

Nous donnons ci-dessous quelques exemples, tirés de documents « L'Enfant pour L'Enfant », d'activités possibles sur le thème du paludisme avec des enfants du primaire.

I. Choisir des objectifs simples, réalisables et évaluables

Par exemple, les enfants doivent

  • Comprendre que le paludisme est transmis par des moustiques, qui se reproduisent dans les eaux stagnantes et piquent surtout la nuit, transmettant les parasites des malades aux personnes saines.
  • Savoir comment lutter contre le paludisme en empêchant les moustiques de se repro­duire et de piquer, et comprendre que les moustiquaires de lit imprégnées d'un produit insecticide sont le meilleur moyen de se pro­téger contre les piqûres de moustiques.
  • Comprendre que le paludisme se traite par des médicaments antipaludiques, prescrits par un agent de santé, et qu'il faut suivre le traitement complet.
  • Savoir comment aider un enfant qui a de la fièvre en le rafraîchissant et en lui donnant à boire pour remplacer l'eau et le sel qu'il perd par la transpiration.

II. Activités pour comprendre le paludisme

1. Observation

Observer l'eau d'une mare contenant des larves de moustiques pour comprendre que quand un oeuf de moustique éclôt, il en sort, non pas un moustique, mais une petite larve noire qui a besoin d'eau pour vivre et se transformer en moustique adulte. Garder l'eau dans un réci­pient recouvert d'un morceau de moustiquaire jusqu'à l'éclosion des moustiques (figure n° 1).

2. Discussion des résultats de l'expérience

  • Est-il plus facile de tuer une larve ou un moustique ?
  • Que pouvons-nous faire pour détruire les larves avant qu'elles ne deviennent des mous­tiques ?

Faire une carte

Établir une carte des lieux autour de l'école ou dans le voisinage où les moustiques peuvent se reproduire. Les enfants apprennent ainsi à:

  • identifier les endroits où les moustiques peu­vent se reproduire ;
  • observer les points où l'eau stagne pour voir s'il y a des larves de moustiques ;
  • participer à la destruction des gîtes à larves potentiels.

Avant de faire la carte, demander aux élèves de préparer leur activité : de quelles autorisa­tions avez-vous besoin ? Comment les obtenir ? Comment travailler en groupes, récolter les informations, présenter les résultats... ?

Organisation de l'activité

  • Décider quel est le meilleur moment pour cette activité.
  • Fixer une limite de temps.
  • Superviser l'activité sur le plan sécurité, sur­tout si elle est effectuée en dehors de l'en­ceinte de l'école.

Aider les enfants à faire la carte

Il y a plusieurs façons de faire une carte. On peut la dessiner sur le sol, au tableau, sur de grandes feuilles de papier. On peut la modeler en terre ou tout autre matériau.

Discussion des résultats

Où avons-nous trouvé des larves de mous­tiques ? Que pouvons-nous faire pour empê­cher les moustiques de se reproduire dans ces endroits ?

3. Dessiner ou mimer le cycle du paludisme (figure n° 2)

Expliquer les quatre principales étapes du cycle du paludisme :

  • Un moustique pique une personne atteinte de paludisme (surtout la nuit).
  • Le moustique avale les parasites.
  • Les parasites se développent à l'intérieur du moustique.
  • Ce moustique pique ensuite une personne saine et lui transmet le paludisme.

III. Activités pour comprendre les dangers de la fièvre

1. Apprendre par le conte

On peut prendre comme point de départ de ce travail sur la fièvre un conte comme "La fièvre du Lion", (Edicef) dont voici un bref résumé :

Un après-midi d'été, le Roi-Lion rentra de la chasse, épuisé, brûlant de fièvre, mourant de soif. Le poil trempé de sueur, il s'abattit sur sa couche et ne se releva pas. On s'em­pressa autour de lui, mais en vain. Son état s'aggravait d'heure en heure... À cette nouvelle, chacun accourut, les amis, mais aussi ceux qui préféraient le Roi mort plutôt que vivant.

La Panthère, qui voulait succéder au Lion sur le trône, tout en faisant mine d'écraser une larme de désespoir, bouscula le servi­teur qui mouillait d'eau fraîche les lèvres du Roi : "Quoi ! de l'eau glacée alors qu'il a le corps en feu ! Tu veux le tuer imbécile !". Le serviteur effrayé prit la fuite en empor­tant sa calebasse. L'Hyène à son tour se manifesta. Elle allait enfin pouvoir se uen­ger du Lion, qui lavait toujours méprisée. D'autorité, elle décrocha du mur deux grandes peaux de bêtes. "Avec une fièvre pareille, il importe avant tout que le malade ne prenne pas froid. Vite, couurons-le !". Les deux peaux furent solidement cousues ensemble, et, pour faire bonne mesure, on jeta par-dessus une épaisse couverture de laine.

Le Lion se mit à râler. Dans son sac étanche en peaux de bêtes, comme au creux d'un four, le Roi expirait...

Quand, soudain, arrivèrent les fidèles per­drix : "Mais, vous allez le tuer avec ces peaux et cette couverture. Vite, au travail !". En un clin d'œil, avec leur bec, elles défirent les coutures et écartèrent les peaux au milieu desquelles le Roi étouffait. Les unes l'aspergèrent d'eau froide, les autres le firent boire. D'autres encore le ventilèrent de leurs ailes. La tortue alla même chercher dans ses réserves une barre de sel, ce sel indispen­sable à la guérison du Roi.

Et le miracle se produisit, la fièvre tomba le Lion ouvrit un œil et comprit le méchant tour qu'on avait voulu lui jouer en l'enfer­mant dans un sac de cuir et en ne lui don­nant pas à boire.

Il rugit et d'un coup de patte terrible envoya l'Hyène à cent mètres de là, juste dans le marigot où attendait, tranquille, le crocodile. Seule, la Panthère échappa à la colère du Lion. Au premier rugissement, elle s'enfuit et elle court encore...

2. Une enquête dans les familles

Comment traite-t-on les enfants qui ont de la fièvre ?

Le conte peut servir d'introduction à une dis­cussion et à une enquête, pour en savoir plus sur le traitement de la fièvre dans les familles.

Quelles questions poser ?

  • Comment sait-on qu'un enfant a de la fièvre ? - Quand décide-t-on d'emmener un enfant au centre de santé ?
  • Comment soigne-t-on à la maison un enfant qui a de la fièvre ? (Demander quels sont les médicaments et les boissons qu'on lui donne, si on rafraîchit l'enfant ou si on le couvre avec des couvertures).
  • Que lui donne-t-on à boire et à manger ?

Comment noter ces informations ?

Par exemple, écrire un questionnaire en lais­sant suffisamment de place entre les questions pour marquer les réponses.

Une fois l'enquête terminée

  • Discuter les résultats.
  • Décider quels messages les enfants doivent transmettre, et à qui.
  • Terminer en rappelant les principaux élé­ments à retenir : un enfant qui a de la fièvre doit être déshabillé et rafraîchi ; il faut lui don­ner beaucoup à boire des boissons de réhy­dratation (sel de réhydratation oral).

IV. Agir seuls ou en groupes

1. Transmettre l'information

En petits groupes, les enfants décident de la meilleure façon de présenter cette information aux autres enfants : dessins, chants, mime (suggestion pour une saynète ou une danse : le moustique responsable du paludisme (l'ano­phèle) est le traître parfait ; son vol est silen­cieux, sa piqûre indolore, il agit la nuit, pen­dant que ses victimes dorment...).

2. Actions dans les familles, le quartier ou le village

  • Vérifier que les petits enfants restent toute la nuit à l'intérieur de la moustiquaire et qu'elle est bien bordée.
  • Vérifier régulièrement les moustiquaires et recoudre les trous s'il y en a (mais, même avec quelques trous, une moustiquaire garde une efficacité relative contre les moustiques, quand elle est imprégnée par un insecticide).
  • Raconter le conte "La fièvre du Lion" ou en faire une pièce de théâtre.

V. Questions d'évaluation

1. Pour les enfants

  • Savons-nous comment se transmet le palu­disme et comment peut-on l'éviter ?
  • Savons-nous soigner un enfant qui a de la fièvre ?

2. Pour les enseignants

  • Les enfants savent-ils quels sont les mous­tiques responsables du paludisme, à quel moment de la journée piquent-ils et com­ment les parasites du paludisme sont-ils transmis d'une personne à une autre ?
  • Avons-nous abordé le thème du paludisme dans toutes les matières (sciences, langue, calcul...) ?

3. Pour les agents de santé

Les enfants ont-ils transmis autour d'eux leur nouveau savoir sur les soins à donner aux enfants qui ont de la fièvre ?

Développement et Santé, n° 189, 2008.