L'observance

Par Sophie Lemerle Pédiatre, Créteil, France

Publié le

I. Définition

L’observance est définie comme le degré de concordance entre le comportement d’un individu en termes de prise médicamenteuse, de suivi clinique et biologique, de respect du régime ou de changement de style de vie et la prescription médicale.
Les mots synonymes d’observance sont :

  • La compliance, terme anglosaxon qui signifie « se plier à quelque chose ».
  • Les mots alliance, adhérence, ou adhésion mettent l’accent sur la démarche personnelle du patient, sur son autonomie et sur le partenariat entre le médecin, l’équipe soignante et le patient.

Qui n’a pas « oublié »la fin d’un traitement jugé inutile puisqu’on se sent guéri…et ceci est vrai même chez les professionnels de santé !

Un certain nombre de facteurs ont été étudiés, ils influencent ou pas l’observance.

II. Les facteurs influençant l’observance

Facteurs socio-démographiques : support social, aide de la famille et de la communauté.
Facteurs personnels : croyances, vécu de la maladie, de la perception de l’efficacité du traitement...
Facteurs psychologiques : acceptation de la maladie, dépression et anxiété (qui seraient des facteurs positifs d’observance).

La compréhension des traitements et des soins est souvent superficielle et pourtant elle est nécessaire à une bonne observance, ce d’autant que la maladie est silencieuse.
Le traitement doit comporter le moins de médicaments, de prises, la durée doit en être la plus courte possible ; les effets secondaires doivent être expliqués pour que le patient puisse les anticiper.
La qualité relationnelle avec le(s) soignant(s) est déterminante. Empathie et chaleur humaine montrent au patient qu’on s’intéresse à sa santé.
L’éducation thérapeutique permet de former le malade à acquérir un savoir-faire adéquat.
L’estime de soi est un sentiment à faire travailler par le sujet en le valorisant dans ses apprentissages même s’il peut faire des erreurs.
L’autonomie sera la résultante de tous ces apprentissages.
L’observance doit être explorée à chaque rencontre et a fortiori dans les situations d’échec thérapeutique récent.
La place du médecin généraliste est centrale.

III. Les chiffres

Chez l’enfant, tous pays et toutes pathologies chroniques confondus, l’observance est de 43 % à 100 % (58 % dans les pays développés). Ceci concerne alors la façon dont les parents respectent les instructions, et cela en dit long…
Chez l’adulte, tous pays et toutes pathologies confondus : 50 % de respect du traitement prescrit.
L’exemple de l’HTA est parlant : USA (51 %), Chine (43 %), Gambie (27 %).
Aux USA, 40 % à 70 % des patients dépressifs sont observants, 37 % à 83 % pour les patients vivant avec le VIH, ou encore 30 % à 58 % pour les asthmatiques.
On peut multiplier ces chiffres sans fin : la mauvaise observance est un fait que l’on ne peut nier.
On a fait de l’adolescent une caricature de mauvaise observance. En fait, il n’est pas pire que l’adulte mais avec le passage entre l’enfance - où l’enfant objet de soins, subit les bons ou mauvais soins de ses parents - et l’âge adulte, l’adolescent est devenu sujet de ses soins, a pris le pouvoir et le montre…
Les études confirment l’analogie avec les adultes : l’observance est de 65 % pour les antiépileptiques, 60 % pour le contrôle métabolique du DID, 55 % pour l’aspirine dans l’Arthrite Chronique Juvénile, 50 % pour les corticoïdes oraux dans les hémopathies malignes. Les malades douloureux sont habituellement observants.

IV. Les méthodes d’évaluation de l’observance

Ces méthodes sont nombreuses. En dehors de nécessités scientifiques, point n’est besoin systématiquement de ces techniques : il suffit de poser la question ouvertement au patient…

Les méthodes directes - dosages pharmacologiques des médicaments ou de marqueurs dans les fluides corporels (plasma, salive et urines) - ne doivent être employées qu’en prévenant le patient : il ne s’agit pas de le traquer mais de travailler avec lui les façons d’améliorer sa compliance. Leurs résultats n’expliquent pas les raisons de l’inobservance.

Les techniques de comptage, où l’observance est évaluée par la différence entre le nombre de doses prescrites et celles restantes dans les boitiers, sont fastidieuses et pas plus explicatives.

En diabétologie, l’examen du carnet a été avantageusement remplacé par l’examen des chiffres de la mémoire du glucomètre. Les chiffres aberrants seront épluchés sans remontrance mais pour exprimer que l’on sait que tout est possible : ainsi un adolescent diabétique mesurait le taux de sucre de sa salive bien plus bas que celui du bout du doigt, pour que la machine note « LO » l’autorisant sans remontrance familiale à se resucrer. Mais la mesure de l’hémoglobine glycosylée très élevée montrait bien qu’il y avait problème…

Il existe dans la littérature de multiples questionnaires permettant d’approcher la réalité, sachant que le patient aura tendance à cacher son inobservance pour protéger son médecin d’une déception amère…

V. Le type de la maladie ellemême influe

Le caractère aigu de la maladie et donc du traitement facilite l’observance avec de bonnes explications, nous l’avons vu.
Le traitement de maladies invisibles est plus difficile à comprendre, à accepter et donc à respecter. Néanmoins, chez l’adolescent malade, l’invisibilité des symptômes est souvent pire à vivre qu’une maladie évidente (diabète contre handicap moteur).
La iatrogénicité des médicaments est mal supportée.
Le coût des médicaments dans des pays où ils ne sont pas remboursés pose un véritable problème « excusant » l’inobservance.
La qualité du service de soins est également centrale.

VI. La gravité de l’inobservance

Elle est dépendante de la transmissibilité ou non de la maladie à traiter : il est évident que la tuberculose et l’infection à VIH posent des problèmes de collectivité que ne posent pas les maladies à risque individuel telles que le diabète, l’HTA, l’asthme ou l’épilepsie.
C’est d’ailleurs depuis la découverte du VIH que des travaux consistants ont été menés sur le sujet.
La non compliance est en règle défavorable au malade mais peut l’être aussi à la communauté par coût des maladies chroniques non contrôlées (diabète, HTA, asthme) ; transmission de germes résistants (tuberculose, IST) ; transmission de maladies très graves (VIH).

VII. Comment améliorer l’observance ?

Le nombre de prises des médicaments, leurs horaires (éviter la prise de midi souvent oubliée), leur présentation galénique - goût aspect, taille du comprimé - doivent être discutés et finalement choisis si possible par le patient lui-même.
Les effets secondaires ne doivent pas être sous-estimés par les médecins mais annoncés : certains effets sans gravité, ne mettant pas le patient en danger, peuvent cependant être difficiles à accepter et nécessiter une relation suivie avec le prescripteur : impuissance, nausées, malaises…
Le coût des traitements entre également en ligne de compte dans de nombreux pays.
L’aspect relationnel médecin/malade ou la rencontre avec le professionnel de santé sont centraux : le patient doit être satisfait de cette relation (mesure objective sur échelles) qui doit être durable, confiante.
Le patient doit y être un partenaire du soignant, lequel doit être dans un comportement d’incitation positive sans jamais menacer. L’écoute, la disponibilité, la compassion et la construction d’objectifs précis sont indispensables.

Le système de soins doit être accessible, performant, sans trop d’attente. Il doit délivrer des médicaments qui ne soient pas douteux.
Le mépris du patient, la pharmacie « trottoir », les faux médicaments sont des ennemis de l’acquisition de l’observance.

Les outils de l’amélioration de l’observance

Parmi les différents moyens permettant d’améliorer l’observance - DOTS (Directly Observed Therapy), réveille-matin ou téléphone portable en rappel, carnet, pilulier (parfois électronique) - le plus simple est la mise à contribution d’un tiers (membre de la famille, ami, travailleurs sociaux, groupes de malades, pairs).Le suivi téléphonique, quand il est possible, peut être un moyen efficace de garder le contact.
Et quand on en dispose : des consultations de compliance.
Finalement, les interventions les plus réalistes sont : la simplification maximale du traitement, la mise à disposition des améliorations pharmacologiques (pilules 2 ou 3 en 1), l’adaptation du schéma au patient (tailoring), la négociation raisonnable des objectifs, l’organisation d’une supervision positive (famille, infirmière), l’éducation du patient soit par les professionnels soit par ses pairs, l’expression d’une incitation toujours positive, l’organisation de la DOTS.

Enfin il faut avoir à l’esprit que rien n’est jamais gagné en matière d’observance : celle-ci peut temporairement défaillir à l’occasion d’un événement, d’une émotion, d’un souvenir douloureux, d’une difficulté transitoire…et c’est le rôle du professionnel de santé d’aider le patient à adapter le mieux possible son comportement vis-à-vis de ses prescriptions.

Conclusion

En matière d’observance : « Le Mieux est l ’Ennemi du Bien »
Le meilleur médicament de l’inobservance c’est la relation médecin malade dans une négociation avec un malade partenaire de ses soins.

Référence :
WHO :Adherence to Long-term Therapies ; Evidence for action, 2003
http://www.who.int

Voir également : http://devsante.org/base-documentaire/education-sanitaire/lobservance-un-enjeu-majeur-du-traitement-des-maladies-chroniq