Résistance aux antibiotiques

Par Philippe Reinert Pédiatre, Hôpital Intercommunal, Créteil.

Publié le

La résistance des bactéries aux antibiotiques est un problème majeur de santé publique qui nous concerne tous,

  • tant à l'hôpital où les germes résistants (staphylocoques, procyaniques) sont responsables d'infections nosocomiales qui entraînent des milliers de morts (surtout chez les opérés) dans le monde ;

  • qu'au dispensaire où les germes provoquent otites, infections urinaires, pneumonies, diarrhées sont de plus en plus résistants aux antibiotiques.

Cette situation de plus en plus grave, nécessitant des antibiotiques de plus en plus chers a de multiples causes :

  • L'antibiothérapie galvaudée : (automédication, médicaments périmés), joue une place importante.

  • Le non-respect de l'hygiène (lavage des mains) tient aussi une place majeure.

La diffusion d'une souche résistante va se faire de proche en proche, touchant par exemple un dispensaire, une salle d'opération, un village, voire un pays.

En pratique ce phénomène a deux conséquences incontournables :

  • L'application des règles d'hygiène qui sont l'affaire de tous

  • La réalisation d'antibiogrammes dès qu'un germe est " repéré " un peu trop souvent dans les plaies, les coprocultures, les ECBU, voire les hémocultures : chacun doit avoir son expérience locale et ne pas se fier aux dires du laboratoire pharmaceutique ou de la presse internationale !

Nous ne pouvons ici énumérer tous les germes pathogènes et leur résistance aux antibiotiques.

Nous citerons, par contre, ceux qui sont des exemples et qui font modifier notre stratégie thérapeutique.

  • Streptocoque A : responsable de nombreuses angines et surtout de rhumatisme articulaire aigu, il est miraculeusement toujours sensible à la pénicilline G. Donc point n'est besoin d'utiliser ici un antibiotique cher: la pénicilline orale ou injectable, l'extencilline suffisent.

  • Staphylocoque doré : responsable des furoncles, d'un grand nombre de surinfections chirurgicales, de pneumopathies, il est de plus en plus résistant :

  • pour un malade n'ayant jamais reçu d'antibiotiques, et n'étant pas hospitalisé, il est logique de " parier " sur un germe sensible et de traiter par cloxacilline, macrolide ou amoxicilline - acide clavulonique (Augmentin®) ;

  • à l'inverse, pour une infection sévère, tralnante, chez un malade déjà hospitalisé ou déjà traité aux antibiotiques, un antibiogramme est souhaitable ;

  • un staphylocoque résistant à la méthicilline l'est à tous les antibiotiques, sauf à la vancomycine.

  • Salmonelle : classiquement, le cotrimoxazole (Bactrim®) est efficace dans la typhoïde et les autres salmonelloses. Malheureusement, de nombreuses souches sont résistantes et nécessitent le recours aux céphalosporines de troisième génération (cefriaxone, cefotaxime) ou aux fluoroquinolones contre-indiqués chez l'enfant.

  • Shigelle : si en Europe, l'amoxicilline est efficace, en Asie il faut traiter d'emblée par les quinolones (Négram®). En Afrique, le Bactrim®) est inconstamment efficace.

Les formes sévères peuvent relever des céphalosporines de troisième génération (cf. tableau).

Tableau. Sensibilité des shigelles (Bangladesh 1996)

Bactrim® 20%
Ampicilline 27%
Négram® 49%
Ciprofloxacine 100%
Azithromycine 100%

- Colibacille tant dans les infections urinaires qu'intestinales, il devient de plus en plus résistant au Bactrim® et à l'amoxicilline.

Une pyélonéphrite à colibacille nécessite en principe un antibiogramme (aminosides IM, céphalosporines de troisième génération).

  • Haemophilus influenzae B : grand responsable de méningites purulentes chez l'enfant de moins de cinq ans, il était très sensible à l'amoxicilline.

Mais en Afrique aujourd'hui, 20 à 25 % des souches sont résistantes.

Devant la gravité de la méningite, il faut d'emblée traiter par ampicilline + chloramphénicol ou céphalosporine de troisième génération.

  • Méningocoque : heureusement toujours sensible à l'ampicilline, il ne pose pas de problème thérapeutique (mais il est parfois difficile de faire le diagnostic entre méningocoque et haemophilus).

- Pneumocoque : c'est le problème majeur, planétaire. L'émergence de souches résistantes à la pénicilline dans tous les pays complique singulièrement le traitement des pneumonies, des otites et surtout des méningites.

En pratique chez l'enfant, l'amoxicilline à la dose de 100 mg/kg (en trois prises) est l'attitude la plus rentable. En cas d'échec, le recours aux céphalosporines de troisième génération est nécessaire. Si une méningite à pneumocoque résistant survient, l'association vancomycine-céphalosporine de troisième génération est le dernier recours.

Pour le pneumocoque, comme pour les autres germes, il est nécessaire que chaque pays établisse un réseau de surveillance des germes qui, en fonction des résultats des antibiogrammes conseillera l'antibiotique le plus efficace et le moins cher.

Développement et Santé, n° 129, juin 1997