Le rôle essentiel de l'infirmier dans l'aide à l'observance, en particulier pour le traitement par ARV

Par Par Perrine Roux Pharmacienne, Hôpital Bichat, ESTHER, France

Publié le

Au Sud comme au Nord, l'observance des malades du sida sous traitement antirétroviral est un enjeu majeur puisque la réussite du traitement repose en majeure partie sur le respect des prises des médicaments. Le SIDA est devenu une maladie chronique qui nécessite des comportements de la part des soignants aux quels ils ont été peu préparés. Le traitement de cette maladie chronique impose une prise en charge globale des patients donc un travail pluridisciplinaire. Parmi les différents intervenants, le rôle des infirmiers dans cette prise en charge est primordial dans un contexte de suivi médical global. Les idées développées à travers ces lignes s'appuient sur des études de terrain, l'une dans les centres hospitaliers de Cotonou (République du Bénin) et l'autre à l'hôpital Bichât (Paris).

Le personnel infirmier joue un rôle clé dans la prise en charge de cette pathologie. Ceci émane d'une double constatation :

  • ils sont les plus proches des patients et les plus présents dans les services concernés ;
  • ils servent de relais entre le patient et le prescripteur ou clinicien aussi bien dans les services hospitaliers que en dehors de l'hôpital.

Quels sont les différents espaces de la prise

en charge qu'occupent les infirmiers ?

1. Parler de la maladie

Il s'agit d'éclairer le patient quant à ses interrogations afin d'obtenir une meilleure acceptation de sa maladie.

En effet, bien souvent le médecin n'a pas le temps nécessaire à une bonne écoute du patient. Inversement, le patient n'ose pas toujours exprimer ses doutes et ses zones d'ombre à travers des questions. Ce qu'on n'ose pas dire au médecin on le dit à l'infirmier ou à un travailleur social.

Le laps de temps écoulé entre la visite chez le médecin et la rencontre avec l'infirmier permet de faire surgir de nouvelles interrogations. Le langage utilisé par l'infirmier est plus proche et plus compréhensible par le patient. Tout le monde sait que les médecins ont beaucoup de peine à s'exprimer avec des mots et des phrases simples. Au Bénin une demande importante des patients était plus d'information sans préciser de quelle information il s'agissait. A partir des discussions avec les infirmiers il a été possible de savoir que les interrogations portaient essentiellement sur l'alimentation, sur les effets secondaires, sur la durée du traitement, etc.

2. Prendre en compte les problèmes sociaux

Pour se soigner les patients doivent bénéficier d'un minimum de conditions socio économiques, le patient hospitalisé doit, à sa sortie, être sûr de vivre dans les conditions minimales favorables à la prise des médicaments. L'expérience montre que les non médecins sont plus aptes à apprécier ces besoins. De même les patients se plaignent avec raison des nombreuse pertes de temps entre les rendez vous successifs et des difficultés pour venir à toutes les convocations. Quand un travail est fait en équipe, pour améliorer la gestion des rendez vous, le suivi des patients s'améliore.

3. Détecter les patients avec des problèmes médicaux

Dans le cas où l'infirmier ou une personne environnante au patient remarque une instabilité affective ou des difficultés à accepter la maladie, il peut être recommandé d'adresser le patient à une psychologue ou un psychiatre.

4. Aider les patients à la prise des ARV

Il s'agit de suivre l'observance des patients ainsi que favoriser les prises. Ceci implique une connaissance précise des ARV et de la maladie. Pour ce faire, le malade peut-être adressé à une consultation d'observance s'il en existe. Sinon, le médecin en collaboration avec le' pharmacien doit être très explicite quant au schéma de prise des ARV. Ensuite, les infirmiers doivent être en mesure d'éclairer le patient sur certaines interrogations en particulier en ce qui concerne

  • les horaires
  • les liens avec l'alimentation
  • la gestion des oublis.

5. Déceler les effets secondaires

Pour cela, il est important que tout le personnel soignant ait une idée précise des effets indésirables possibles.

Les infirmiers sont plus proches géographiquement, matériellement et sociologiquement des patients. Quand un malade présente un signe ou un ensemble de signes banaux, tel que céphalées, prurit, douleurs périphériques ou troubles sensitifs, il consultera en premier lieu l'infirmier du centre de santé le plus proche avant un médecin. Cet infirmier devra reconnaître les premiers signes d'intolérance au traitement comme il devrait pouvoir reconnaître les signes bénins d'infection VIH parmi les consultants de tous les jours.

Dans les 2 hémisphères, l'aide à l'observance est assurée par différents moyens : consultations spécifiques, réunions de groupe et éducation thérapeutique. Cette prise en compte de l'observance n'est pas qu'une technique c'est aussi un mode de pensée et de comportement nouveau quant à la prise en charge des malades du sida. Il s'agit d'une démarche continue et pluridisciplinaire où la communication entre les différents acteurs de soins et le patient joue un rôle primordial. Des formations sur le VIH doivent être organisées pour le personnel paramédical et des réunions de l'ensemble de l'équipe soignante doivent être prévues régulièrement où seront définis les rôles et les responsabilités de chacun.

Développement et Santé, n°172, août 2004