Stratégies vaccinales contre l'hépatite B

Par Dominique Gendrel Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris, France.

Publié le

Les longues polémiques sur son innocuité ont rendu, en France, le vaccin contre l'hépatite B suspect, et malheureusement, ont réduit son emploi. Alors que dans les années 1996­-1997, la couverture vaccinale progressait de façon importante chez les jeunes enfants, elle n'est plus actuellement, en France, que de 25 à 30 % chez les sujets de moins de un an ; cela comporte, pour l'avenir, un risque. Il importe donc de rappeler les termes de la discussion sur les risques vaccinaux et les données les plus récentes qui montrent que ce vaccin est sans danger et son effet remarquable à long terme : compte tenu des polémiques, la base de la stratégie est de rappeler à quel point il est utile et sans effet secondaire.
Aucun vaccin ne prévient le cancer, à l'excep­tion du vaccin contre l'hépatite B qui permet de prévenir un cancer du foie. La cible privilé­giée à protéger doit être les jeunes enfants.

I. Les discussions sur les effets secondaires

Cette polémique est née en France où l'on a invoqué une vaccination récente contre l'hé­patite B dans la survenue d'une poussée de maladie auto-immune neurologique, et parti­culièrement de sclérose en plaques. Mais des données importantes doivent être rappelées. Les poussées de sclérose en plaques peuvent être déclenchées par de mul­tiples facteurs, infection, maladie inflammatoi­re, mais aussi dépression (la dépression modi­fie le nombre de cellules immunologiquement compétentes circulantes). Théoriquement, on peut supposer que les modifications immuni­taires induites par un vaccin quelconque pour­raient avoir une action, mais aucun argument épidémiologique n'est venu conforter cette théorie. Les poussées des maladies auto­immunes chez les patients adultes sont distri­buées au hasard et ne sont pas liées à la pra­tique d'un vaccin. Les surveillances épidémio­logiques françaises et européennes n'ont mon­tré aucun lien entre vaccination anti-hépatite B et sclérose en plaques, et surtout une très importante étude nord-américaine parue à la fin de l'année 2000 montrait qu'il n'y avait aucun lien entre vaccination et poussée de maladie (en particulier neurologique). Surtout, chez l'enfant, jamais aucune poussée de maladie neurologique n'a été évoquée. Cependant, la polémique autour des accidents secondaires éventuels du vaccin a été très médiatisée, conduisant les autorités à des posi­tions contestables. Les médecins scolaires ne vaccinent plus les adolescents en France, alors que les instructions officielles conseillent de les vacciner !

Au total, cette polémique a fait beaucoup de mal : elle a rendu suspect un vaccin parfaite­ment bien supporté. Notre devoir est d'infor­mer sur ce qui se passe effectivement.

Recommandations en France Vacciner :
  • Nourrissons
  • Adolescents
  • Personnes à risque (personnel de santé, voyageurs en zone d'endémie)
Comment vacciner :
  • Schéma 0-1-6
  • 2 doses séparées de 1 mois
  • puis 1 dose 6 à 12 mois plus tard
Les rappels :
  • Théoriquement, entre 5 et 10 ans
  • En raison des polémiques, beaucoup font un rappel après contrôle sérologique

II. L'efficacité et les avantages

Le vaccin contre l'hépatite B est efficace à près de 100 %, mais il importe de rappeler des notions fondamentales sur la maladie elle­même et la protection apportée.

1. L'hépatite B

  • Généralement maladie bénigne en phase aiguë (seulement 1 à 2% de formes graves)
  • Souvent asymptomatique chez l'enfant.

Le seul risque :

Rester porteur chronique du virus. Dans ce cas :

  • en 20 à 30 ans se constitue une cirrhose
  • la cirrhose fait le lit du cancer du foie qui risque d'apparaître au cours de l'évolution de la maladie.

2. Le risque de portage et de forme chronique

Il est majeur chez le jeune enfant. En effet, l'hépatite chronique n'évolue que très lente­ment vers une cirrhose, et la cancérisation a lieu lentement dans les années qui suivent une cirrhose installée.

Donc schématiquement

Un très jeune enfant devenu porteur chro­nique du virus de l'hépatite B va constituer une hépatite chronique pendant l'enfance et l'adolescence, une cirrhose à l'âge adulte et un cancer du foie après 40 ou 50 ans. un adulte contractant l'hépatite B peut faire une forme sévère (très rare), peut constituer une hépatite chronique suivie d'une cirrhose, mais celle-ci ne risque de provoquer un can­cer du foie qu'à un âge très avancé.

Au total, le jeune enfant, en particulier s'il existe une transmission materno-foetale du virus, constitue le principal groupe qui risque de développer un cancer 40 à 60 ans plus tard. Il aura acquis le portage chronique très tôt dans la vie, et l'évolution de la maladie sera très longue.

Donc vacciner d'abord

  • avant l'âge de 1 an
  • "rattraper'" les sujets non vaccinés à l'adolescence.

3. Efficacité

Plusieurs enquêtes ont été publiées, montrant l'efficacité à long terme du vaccin contre l'hépatite B. Les résultats obtenus à Taiwan montrent en 20 ans une réduction considé­rable du nombre des cancers du foie dans la population.

Dans ce dernier pays, où l'endémie est majeu­re, l'efficacité est remarquable. En Italie, où l'endémicité est moins importante et le recul moins long, on observe également une réduc­tion notable des cancers du foie après vacci­nation des nourrissons.

III. Stratégies vaccinales

La base de la stratégie vaccinale est de convaincre les populations de l'innocuité et de l'efficacité du vaccin. Plusieurs schémas peuvent être proposés.

1. Le schéma classique : « 0-1-6 »

Recommandé en France.

C'est le plus simple à pratiquer :

  • une injection initiale
  • une 2ème injection 1 mois plus tard
  • une injection 6 à 12 mois plus tard.

Cela permet donc de vacciner les nourrissons à partir de 6 à 8 semaines avec les autres vac­cins habituels (avec l'injection et un rappel un an plus tard).

Cette stratégie est également adaptée aux adolescents.

2. Le schéma « accéléré »

Dans certains cas particuliers, où une immuni­té doit être rapidement acquise (voyage en zone épidémique, profession médicale expo­sée) un schéma accéléré peut être proposé : 3 doses rapprochées (séparées de 15 jours) et une quatrième dose un an plus tard.

3. Les enfants nés de mère HBs positif

La vaccination doit être pratiquée à la nais­sance (dans les 24 premières heures, ou mieux, les 12 premières heures), avec immé­diatement une injection d'immuno-globulines. Le schéma 0 -1 - 6 est ensuite appliqué. Dans les zones de forte endémie, l'OMS conseille de vacciner tous les sujets dès la naissance.

4. Le problème du rappel

  • En principe le rappel est indiqué tous les 5 ans.
  • Actuellement, la tendance est de contrôler chez l'adulte la sérologie et de ne faire un rappel que si le titre est très bas (inférieur à 10 mUI/ml).

Dans les zones de très forte endémie, le rappel est peu utile car les enfants et les adultes antérieurement vaccinés sont exposés et ren­forcent leur immunité par des contacts succes­sifs avec le virus.

5. Les schémas recommandés par l'OMS

Dans les pays du Tiers monde à forte endémi­cité d'hépatite B, l'important est d'obtenir une immunité le plus vite possible, aussi 2 schémas ont été élaborés par l'OMS selon l'endémicité : vaccination dès la naissance (zone d'hyperendémie type Asie du Sud-Est) ou associée avec les autres vaccins (type Afrique subsaharienne). Il est donc indispen­sable de se soumettre aux règles édictées par chaque pays qui combinent à la fois les straté­gies du PEV et les recommandations locales établies d'après l'épidémiologie.

Calendrier de vaccination des enfants, recommandé par l'OMS
« Programme élargi de vaccination »

Age Vaccins Vaccin hépatite B
Schéma A1 Schéma B1
Naissance BCG, VPO\* 0 HB 1
6 semaines DTC\*\* 1, VPO 1 HB 2 HB 2
10 semaines DTC 2, VPO 2 HB 2
14 semaines DTC 3, VPO 3 HB 3 HB 3
9 mois Rougeole, Fièvre jaune2

Source: OMS / EPI / GEN / 95. 3

\ VPO : vaccin poliomyélitique oral*

\* DTC : vaccin associé diphtérie-tétanos-coqueluche*

1. Le schéma A est recommandé dans les pays où la transmission périnatale du virus de l'hépatite B est très répandue (ex. l'Asie du Sud-Est). Le schéma B est utilisé dans les pays où la transmission périnatale du virus est moins fréquente (ex. l'Afrique subsaharienne).

2. Dans les pays à risque de fièvre jaune.

En conclusion, il faut montrer à toutes les familles à quel point le vaccin contre l'hépatite B est efficace et bien supporté pour vacciner selon les stratégies de chaque pays.

Développement et Santé, n°151, février 2001