Incinérateur de déchets médicaux à base de matériaux locaux

Par André Bita Fouda*, Alfred Mbous Job**, Edouard Guévart***

Publié le

* Docteur en Médecine, Chef de Service de Santé communautaire. Délégation Provinciale de la Santé publique du Littoral. BP 1115 - DOUALA - Tél / Fax (237) 342 36 33. mailto:[email protected]
** Polytechnicien. Ingénieur du Projet, Douala, Cameroun.
*** Docteur en Médecine, Conseiller Technique du Délégué Provincial de la Santé publique du Littoral, Douala, Cameroun.

Introduction
L'abandon progressif des matériels réutilisables au profit du matériel à usage unique non réutilisé explique l'accumulation des déchets médicaux, tels que seringues et aiguilles qui s'ajoutent à ceux que nous avions l'habitude de voir gérer sans grande rigueur : flacons, cathéters, pansements, déchets liquides etc. L'on ne peut plus se permettre de jeter les déchets médicaux dans un simple trou à ordures ni multiplier les sites de stockage qui sont dangereux. Brûler ces déchets à l'air libre n'est pas suffisant (combustion incomplète, résidus abondants), n'est pas sécurisant pour le personnel ou la population (la destruction de tous les micro-organismes n'est pas garantie lors d'une combustion incomplète, les risques de piqûres et blessures restent importants) et n'est pas respectueux de l'environnement (abondantes fumées toxiques, accumulation de déchets incomplètement détruits). L'incinération est devenue la méthode de choix pour la destruction des déchets : elle consiste non seulement à les brûler (combustion simple) mais, par une température de combustion supérieure à 700°C, pouvant même atteindre 1 100°C, à les réduire en cendres, détruisant tous les micro-organismes, réduisant leur volume et leur poids, supprimant les risques de blessure et de coupure. Il est indispensable de former les personnels de santé à la gestion des déchets médicaux : plus généralement à l'hygiène hospitalière et à la prévention des infections nosocomiales, et particulièrement à la technique de l'incinération.

I. Les déchets médicaux
Longtemps négligée dans les formations sanitaires des pays en développement, la gestion des déchets médicaux pose des problèmes de plus en plus urgents à résoudre. En effet, l'apparition, puis l'extension galopante de l'infection à VIH, la découverte d'autres infections transmissibles par des seringues souillées et la crainte d'en voir apparaître de nouvelles imposent de considérer le problème de l'utilisation du matériel réutilisable. Des précautions sont devenues indispensables pour protéger, non seulement les patients, mais aussi le personnel de santé et les nourrissons en bonne santé à qui nous ne proposons pas moins de 5 ou 6 injections, rien que pour le Programme élargi de vaccinations. Voilà autant d'explications à l'utilisation parfaitement justifiée du matériel à usage unique. Fort heureusement, les Programmes nationaux de vaccinations fournissent de plus en plus le matériel d'injection gratuitement. On trouve maintenant des seringues autobloquantes qu'il est impossible de réutiliser et d'ailleurs, le coût et les risques de la re-stérilisation sont devenus peu concurrentiels par rapport à l'usage réellement unique. Cela entraîne une accumulation de matériels usagés dont la gestion est primordiale pour la santé (prévention des blessures et infections ... ), la sécurité des populations et la protection de l'environnement.

II. L'incinération
L'incinération est devenue la méthode de choix pour la destruction des déchets médicaux à condition d'être réalisée dans des conditions adéquates d'équipement, de maintenance, de manipulation et de surveillance. L'incinération consiste non seulement à brûler les déchets (combustion simple), mais, par une température de combustion supérieure à 700°C, pouvant même atteindre 1100°C, à les réduire en cendres, ce qui a pour effets principaux :

  • de détruire avec certitude tous les micro organismes et même toutes les molécules organiques ;
  • de réduire les déchets incinérés à moins de 5% de leur volume et de leur poids, ce qui facilite leur élimination. Les déchets secs et humides sont détruits et les produits résiduels sont constitués de fumées, de cendres et d'amas solides faits de résidus de plastique et verre.
  • de réduire en cendres des déchets blessants, coupants, ou piquants. Après une incinération correcte, ni les aiguilles ni les flacons de verre ne peuvent être identifiés dans le résidu.
  • de produire une fumée peu toxique puisque ses composants sont pour la plupart détruits également par la chaleur, au besoin par une deuxième combustion dans la chambre dite de " postcombustion ".

III. Les incinérateurs Différents modèles d'incinérateurs existent dans l'industrie. Ceux qui sont proposés sont difficiles à construire, leur coût est élevé, ils n'offrent pas de système de maintien des températures élevées, leur rendement est faible (quantité réduite de déchets médicaux à incinérer, utilisation de grandes quantités de combustible), et certains modèles exposent à des risques élevés d'accidents lors des manipulations.

  • Un incinérateur (voir figure 1) se compose d'une chambre de combustion dans laquelle brûlent les déchets. Une porte permet de les y introduire et d'extraire les cendres après l'incinération. Cette porte doit évidemment fermer correctement pendant la combustion. Comme la chambre elle-même, elle doit résister à des températures très élevées, et être suffisamment isolante pour permettre au manipulateur d'approcher de l'incinérateur. C'est la fonction des matériaux réfractaires, briques et ciment, qui isolent et résistent à la chaleur jusqu'à 1350°C).

La cheminée qui sort au-dessus de la chambre de combustion doit être dimensionnée de façon à assurer le meilleur tirage et donc les plus fortes combustion et élévation de température. Un orifice d'entrée d'air rend possibles ce tirage et cette combustion qui nécessitent un apport suffisant d'oxygène (contenu dans l'air). Cette entrée d'air peut être remplacée dans les modèles industriels par un système de ventilation. Dans d'autres modèles, le ventilateur vient simplement compléter l'entrée spontanée de l'air : en cas de combustion suffisante, surtout avec des déchets secs, le ventilateur n'est pas utilisé. L'injection de carburant dans la chambre de combustion vient activer celle-ci en cas de nécessité. C'est alors que la ventilation complémentaire est le plus habituellement nécessaire. La chambre de postcombustion permet aux fumées issues de la chambre de première combustion d'être elles-mêmes brûlées : par l'effet de la chaleur, les résidus organiques et toxiques qu'elles contiennent sont ainsi détruits à leur tour et la toxicité des fumées est réduite. Le carburant de cette post combustion peut être remplacé par du bois ou du charbon de bois. Nous proposons une technique de fabrication d'un modèle artisanal qui présente les avantages suivants : un coût réduit, la disponibilité des matériaux locaux fiables, une capacité d'incinération importante, la sécurité des manipulations, de nouvelles composantes (ventilateur et hangar), et une maintenance facile (figure 1). L'incinérateur à ventilateur proposé, avec tout son équipement, permet d'optimiser la destruction des déchets secs ou humides. Ce modèle peut être utilisé dans des régions non électrifiées en remplaçant la composante ventilation par un système de soufflet traditionnel, en effet une ouverture favorise la circulation de l'air. Même sans ventilateur ni soufflet, l'efficacité de la ventilation dépendra de la vitesse et de la direction du vent. Ce modèle garantit l'élimination des déchets médicaux secs, avec une capacité de 20 à 50 Kg / heure soit 0,75 m3 en volume sans combustible (exemple : 10 à 30 boîtes de sécurité, soit 1000 à 4500 seringues autobloquantes en 60 à 90 minutes). Il peut rester des déchets mal incinérés lorsqu'ils ont été mal rangés ou mal remués dans l'incinérateur durant l'incinération. Ces résidus peuvent alors représenter jusqu'à 1/20e des déchets en poids et volume. Dans le cas où les déchets seraient mélangés avec des flacons renfermant des restes de produits, une injection momentanée de combustible (pétrole ou gazole) avec une activation d'air (ventilation) permet d'élever la température jusqu'à 700° et même 1100°C. Lorsque les ressources locales ne permettent pas la fabrication d'un tel incinérateur, il est possible de fabriquer une construction rudimentaire, qui permet de brûler des déchets médicaux sans ventilateur et sans chambre de postcombustion, avec des matériaux que l'on peut se procurer facilement. Il convient toutefois de bien respecter les règles élémentaires de sécurité (voir figure 2). Il est évident que les températures de combustion sont moins élevées que dans un incinérateur en briques avec chambre de combustion et de postcombustion. Cette technique ne permet pas de réduire complètement en cendres les objets tranchants, coupants et piquants. Néanmoins, l'ignition est plus complète que lors d'une combustion à l'air libre et une bonne stérilisation du matériel souillé peut être obtenue grâce à cet incinérateur rudimentaire. Développement et Santé, N°161, octobre 2002