Prévention de la transmission mère-enfant du VIH

Par Par Jean-Loup Rey Médecin, Santé publique, GISPE.

Publié le

I. Rappels

1. Qu'est ce que la transmission mère enfant (TME) ?

Il existe trois modes de transmission du VIH : le plus fréquemment, c'est au cours des rapports sexuels, moins souvent par le sang ou les liquides biologiques et de la mère à l'enfant (TME).
La TME représente 5 à 10% des cas d'infection dans le monde, la majorité survenant en Afrique et dans les pays en développement. EIle est à l'origine de plus de 90'% des cas d'infection par le VIH chez l'enfant. Dans les pays en développement, en l'absence d'intervention, le taux de TME, c'est-à-dire le pourcentage d'enfants infectés par rapport au nombre de femmes enceintes infectées, est de 35%. Dans les pays riches, grâce aux interventions, il est passé de 20% à moins de 1%.
Sur ces 35 % : 10% surviennent pendant la grossesse, 15% pendant l'accouchement et 10% après la naissance.

2. Les interventions courantes

L'intervention la plus courante de prévention de la TME (PTME) était l'administration à la femme d'AZT à la 36ème semaine d'aménorrhée.
Puis a été utilisée la NVP (névirapine) au jour de l'accouchement pour la mère et pour le nouveau-né. l:nfin, la prescription de bi ou trithérapie a permis de réduire davantage la TME.
Quelques mesures complémentaires, bien qu'elles n'aient pas apporté de résultats très significatifs, doivent être recommandées :

  • Systématiquement : asepsie et prophylaxie par Vitamine A, zinc ou fer.
  • Au cas par cas : césarienne programmée.

Ces interventions montrent rapidement leurs limites :

  • Intervention sur la transmission seule.
  • Intervention tenant peu compte de la mère, car centrée sur l'enfant (UNICEF).

Seul le résultat compte : abaisser le taux de TME.
Cette stratégie a nécessité un essai (controversé) pour adapter la stratégie de référence : l'essai euro-américain des années 1980 dit ACCTG76. Cette intervention permettait d'éviter la contamination de nouveau-nés qui, leurs mères contaminées n'étant pas prises en charge, devenaient orphelins dans les années suivantes.
D'où l'idée de PTME+ dans laquelle était incluse une prise en charge :

  • des mères avant et après l'accouchement,
  • de la fratrie et du conjoint.

II. Les problèmes

Il s'agit d'un programme spécifique :

  • Peu d'intérêts des acteurs de santé non spécialistes pour le SIDA.
  • Activité nécessitant davantage de temps et de personnel. - Activité demandant une grande motivation (risque d'épuisement).

L'intégration avec d'autres programmes (Santé de la Reproduction, PEV, PMI, nutrition) est difficile pour plusieurs raisons :

  • défense des acquis,
  • personnels d'origines diverses,
  • objectifs différents (les enfants sont prioritaires).

Problèmes de l'alimentation du nouveau-né

  • Allllaitement artificiel strict : c'est la référence, mais il est difficile à appliquer dans les pays en développement, notamment en raison du coût (supérieur à celui des ARV.
  • L’allaitement maternel strict ne comporte guère plus de risques de transmission, mais il est rarement strict.
  • Allaitement mixte : c'est à la fois le plus dangereux et le plus fréquemment utilisé.

Le dépistage
L'étape la plus importante, le dépistage du VIH, a été sous-estimée. C'est pourtant elle qui donne le résultat le plus précoce et le plus important de la PTME : des milliers de femmes connaissent ainsi leur statut. Ce dépistage représente le moven le plus fréquent d'accéder à la connaissance de son statut sérologique.

Plusieurs conditions sont nécessaires à la réussite de cette étape de dépistage :

  • Le "conseil" post-test doit être de qualité : un entretien individualisé permet d'informer les femmes séronégatives sur les moyens de le rester et de donner accès à la PTME à celles qui sont séropositives.
  • Les tests rapides doivent être généralisés et les résultats rendus le plus rapidement possible.
  • Ce test doit être intégré au bilan prénatal traditionnel qui comporte également : sérologie de la syphilis, groupe sanguin, recherche d'une anémie, de sucre et d'albumine dans les urines.

III. Les actions

Depuis 2010
La stratégie recommandée est la trithérapie prophylactique chez la mère pendant la deuxième moitié de la grossesse et la durée de l'allaitement. Cela permet un allaitement au sein protégé. Des essais ont montré que cette stratégie était efficace et sûre.

L'objectif des institutions internationales (OMS, UNICEF, ONUSIDA) est alors : PLUS AUCUN ENFANT INFECTE EN 2015

Cette stratégie se déroule en 4 étapes :

  • Prévention primaire (infections VIH et grossesses non désirées).
  • Accès à la consultation prénatale.
  • Dépistage du VIH pour toutes les femmes enceintes lors des CPN.
  • Traitement préventif de toutes les femmes enceintes infectées.

Il faut donc, pour atteindre cet objectif, que toute politique du "mieux naître", toute politique de la mère et de l'enfant adhère à cette volonté et parvienne à la réalisation de ces 4: tapes qui concrètement comportent les actions suivantes.

1. Prévention primaire

  • Prévention de l'infection par le VIH.
  • La TME est secondaire à la transmission sexuelle.
  • On manque de moyen autonome de protection pour les femmes (la recherche dans ce domaine est insuffisante).
  • Il est nécessaire de modifierle statut des femmes (âge du mariage, droit de dire non, divorce, veuvage, etc.).
  • Prévention des grossesses non désirées et non des grossesses.

2. Au moins une consultation prénatale (CPN) pour toutes les femmes enceintes

  • Actuellement, seulement 10 à 30% des femmes enceintes ont accès à une CPN, mais 30 à 40%, bénéficient d'un suivi par les matrones.
  • Il faut donc :
    • Augmenter le nombre de centres SMI (les bailleurs doivent financer autant le système de santé que les seuls médicaments).
    • Augmenter la rentabilité de ces centres (davantage de personnel, ouverture toute la journée).
    • Augmenter le personnel (rentabiliser ce qui existe, tout le monde participe).
    • Améliorer l'accessibilité en zones périphériques (PMI mobiles, interventions des matrones).

3. Tester pour le VIH toutes les femmes enceintes vues en CPN

La réalisation de ce test comporte les actions suivantes :

  • Proposer le test.
  • Réaliser le test.
  • Rendre les résultats négatifs.
  • Rendre les résultats positifs.
  • Accompagncr les femmes séropositives vers la PTME.

Pour augmenter le nombre de femmes testées, il faut :

  • Améliorer l'accueil, donc aménager les locaux et stimuler la motivation de tout le personnel.
  • Adapter l'organisation des séances d'EPS et réduire les attentes.
  • Généraliser l'utilisation des tests rapides.
  • Réorganiser les consultations des sages-femmes.
  • Dynamiser le rendu (rapide ou immédiat) des résultats.
  • Intégrer l'ensemble du bilan (résultats des examens biologiques).
  • Améliorer la gestion et les approvisionnements des intrants pharmaceutiques.

4. Faire bénéficier de la PTME toutes les femmes enceintes infectées

  • Si la femme a un statut de patiente à traiter, elle rejoint le circuit de prise en charge avec traitement par ARV.
  • Si la femme n'est pas immunodéprimée, elle doit bénéficier des ARV mais :
    • Comment ?
    • Combien de temps ?
    • Où et avec qui ?

La réponse à ces questions doit s'élaborer à partir d'un schéma général, et localement avec les acteurs et structures concernés.

5. Une étape supplémentaire: le suivi

  • Suivi prénatal (tolérance et efficacité du traitement).
  • Suivi post-natal clinique (état général, anémie).
  • Suivi biologique (si possible).
  • Surveillance de l'alimentation et surtout du sevrage.
  • Prise en charge et prophylaxie des infections opportunistes.
  • Conseil, aides, planification familiale (PF).

Au total

Un bon programme c'est :

  • 10 à 15 % de médecine et
  • 85 à 90 % d'organisation

L'acteur le plus important est la sage-femme (ou le maïeuticien).
La PTME est différente de la prise en charge des enfants infectés : un enfant infecté est un échec de la PTME.

Donc

  • Il faut un vrai travail d'équipe.
  • Tout le monde doit agir (sages-femmes, médecins, aides-soignants, administratifs, manoeuvres).
  • Il faut oublier son étiquette (vaccinations, PF, nutrition, prénatal, post-natal).
  • Travailler ensemble quelle que soit son administration (ministère de la santé, de la femme, des affaires sociales, etc.).
  • Il faut innover !
    • Mobilités
    • Rôle des associations
    • Ecoute des femmes
    • Accueil
    • Motivation du personnel.

Développement et Santé, n°197/198, 2010