SIDA : état des lieux de la maladie

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I. Rappel concernant le VIH

(Virus de l'immunodéficience humaine)

Il existe deux types de VIH

  • VIH-1 le plus fréquent, présent dans le monde entier ;
  • VIH-2, à l'origine seulement en Afrique occidentale, puis exporté dans d'autres pays d'Afrique, en Europe et dans les Caraïbes.

L'infection par le VIH atteint le système immunitaire, qui est responsable de la défense du corps humain contre les maladies infectieuses. En ce qui concerne le SIDA ce sont les défenses cellulaires qui sont atteintes.

L'immunodéficience du VIH/SIDA est l'affaiblissement des défenses immunitaires provoqué par la destruction de certains lymphocytes (lymphocytes T4 ou CD4). Ces cellules portent en surface un antigène CD4. Le VIH reconnaît l'antigène CD4 et pénètre à l'intérieur des lymphocytes CD4+ pour les infecter, ce qui entraîne à plus ou moins long terme la mort de ces lymphocytes. Il en résulte une déficience permanente et sévère du système immunitaire, l'individu devient plus sensible aux infections et développe des pathologies dites opportunistes.

La première phase de l'affection est celle de l'infection par le VIH, le patient ne présente pas de signes cliniques, cette période peut être plus ou moins longue (1 à 10 ans). Elle peut débuter par un syndrome de primo infection avec fièvre et arthralgies qui dure de 3 à 15 jours.

Dans un deuxième temps on assiste à la phase dite d'état "SIDA" ou de maladie avec complications qui est caractérisée par un ensemble de pathologies et une défaillance immunitaire plus marquée.

II. Modes de transmission

Le VIH peut être transmis par

  • Rapports sexuels non protégés (par voie vaginale, anale ou orale),
  • Transfusion de sang ou de produits sanguins à partir d'un don de sang infecté par le VIH.
  • Matériel d'injection réutilisé sans stérilisation comme par exemple des aiguilles ou des seringues.
  • Transmission materno-foetale au cours de la grossesse, lors de l'accouchement ou pendant l'allaitement au sein.

NB : Les IST (infections sexuellement transmissibles) sont des facteurs qui fauorisent très fortement la contamination par le VIH dans les deux sens (Fact Sheets on HIU/AIDS for nurses and midwives, WHO, 2001).

III. La situation de l'Afrique Sub-saharienne

C'est en Afrique sub-saharienne que vivent plus des deux tiers (environ 30 millions) de l'ensemble des personnes vivant avec le VIH, et que surviennent 83 % des décès dus au SIDA. Selon L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans un rapport de juin 2005 relatif à l'initiative "3 by 5", le nombre estimé de personnes en Afrique sub-saharienne recevant un traitement ARV est de 500 000 personnes. Le nombre estimé de personnes âgées entre 0 et 49 ans ayant besoin d'un traitement ARV est de 4 700 000 (Initiative de l'OMS "3 by 5" Rapport de juin 2005, "le point sur l'initiative 3 by 5", Elargissement de l'accès au traitement antirétrouiral dans le monde.
www. who. int/mediacenter/news/releases/2005/nr30/fr/).

IV. La primo infection

La plupart des personnes infectées par le VIH ignorent leur état. Le test destiné à reconnaître la présence d'anticorps ne devient positif qu'après 2 à 3 semaines, le temps nécessaire à la fabrication des anticorps. Lors de cette période dite "fenêtre muette" les individus peuvent infecter d'autres personnes.

Lors du stade de primo-infection, on peut retrouver des signes cliniques tels que :

  • fièvre ;
  • éruptions cutanées ;
  • douleurs articulaires ;
  • adénopathies ;
  • atteintes neurologiques (céphalées, douleurs des extrémités, perte de sensibilité, de la force musculaire).

V. Le dépistage de l'infection par VIH

Le dépistage est un élément clé de la lutte contre la maladie. Il se fonde sur des analyses sanguines, et est accompagné d'entretiens avec une équipe pluridisciplinaire du centre de dépistage.

Lors du test on recherche des anticorps fabriqués par l'organisme contre le VIH et non le virus lui-même.

1. Le rôle central de l'infirmier face au dépistage

L'infirmier qui travaille dans un centre de santé ou dans un dispensaire a un rôle primordial en matière de dépistage du VIH. C'est lui qui va proposer de réaliser un test de dépistage à la personne qui vient consulter pour des motifs pouvant être en lien avec le VIH. Maillon clé de la chaîne de counseling, l'infirmier doit par des paroles simples et une relation de confiance avec l'usager inciter au dépistage.

Les tests de dépistage ne sont en général pas réalisés au sein du dispensaire, le patient doit donc être référé par l'infirmier au centre de dépistage ou à l'hôpital le plus proche.

a) Dans l'optique d'une prise en charge de qualité l'infirmier doit

  • Connaître les sites de dépistage les plus proches ;
  • Prendre contact avec l'équipe chargée du dépistage (l'idéal étant de les rencontrer) ;
  • Se renseigner sur le coût d'une sérologie VIH et sur les horaires d'ouverture au public ;
  • Assurer des transmissions orales et écrites, en respectant la confidentialité pour tous les malades adressés pour un test VIH (bulletins dans enveloppes fermées) ;
  • S'inscrire comme élément d'un réseau de santé avec la connaissance de relais, associations, structures de soins, susceptibles d'accompagner économiquement et socialement la personne.

b) Counseling et soins infirmiers

Qu'est ce que le counseling ?

Il s'agit d'un ensemble de pratiques basées sur l'orientation, la relation d'aide, l'information, le soutien psychologique.

Le counseling consiste à mobiliser et à renforcer les ressources individuelles de chaque patient ainsi que ses capacités à surmonter des situations difficiles en trouvant en lui les réponses adaptées à sa situation de vie. Il s'agit pour l'infirmier de ne pas choisir des solutions à la place de la personne.

Le couseling pré et post-test :

Le rôle de l'infirmier avant et après le dépistage est prépondérant. Il constitue un soutien indispensable. Il doit établir avec l'usager un lien de confiance et adopter une attitude fondée sur l'écoute et la relation d'aide.

Les activités en lien avec le dépistage sont encadrées par des principes fondamentaux auxquels l'infirmier ne peut déroger à savoir :

  • Le consentement éclairé du patient : le soignant doit s'assurer que la personne a donné son accord. Pour un consentement "éclairé" l'infirmier doit donner au préalable des explications sur le déroulement du test, ses avantages, ses contraintes et les conséquences de ce dernier.
  • La confidentialité et la discrétion : les informations relatives à l'état de santé du malade ne doivent en aucune manière être connues de tiers non engagés dans le secret. Les dossiers infirmiers et médicaux doivent être stockés en lieu sûr.

c) Le devoir de confidentialité au quotidien

Lorsque des informations sont données au patient sur son état de santé il faut :

  • s'installer avec le patient dans une pièce prévue à cet effet et,
  • en fermer la porte.

S'il n'y a pas possibilité de pièce spécifique il faut :

  • se mettre à l'écart dans un endroit calme,
  • ne pas parler fort, parler normalement,
  • faire attention que personne ne vous écoute.

Lorsque vous parlez d'un malade à un collègue :

  • ne pas parler de vos patients à des personnes qui ne feraient pas partie de l'équipe médicale,
  • s'assurer que les informations que vous donnez à vos collègues ne vont servir qu'à favoriser la prise en charge du malade,
  • être en accord avec le patient sur le fait que l'information pourra être partagée entre soignants.

Lorsque la famille demande des informations il faut :

  • donner des informations uniquement en présence du malade ;
  • si le malade n'est pas d'accord pour partager avec la famille, ne rien dire mais écouter la famille ou les proches et établir une relation d'aide, les soutenir.

Stockage des données :

L'infirmier est responsable des données médicales, sociales et personnelles qu'il recueille et qu'il entrepose.

Le dossier de soins du malade doit être rangé avec tous les dossiers du centre de santé dans un endroit spécifique ou seule l'équipe médicale peut avoir accès. Les feuilles de résultats complémentaires seront elles aussi classées dans ce dossier.

Aucun document comportant le nom du malade et des informations le concernant ne doit rester dans un lieu où il peut être lu par une tierce personne (ex. sur un bureau, une chaise, un comptoir...).

Le devoir de confidentialité doit s'appliquer en toutes circonstances, pour toutes les pathologies, et pas uniquement pour le VIH
ATTENTION : Ne pas dire le nom des traitements qui sont donnés à un malade à d'autres personnes que le patient et l'équipe de soins. En effet, de par le traitement administré ces personnes pourraient reconnaître le diagnostic d'infection à VIH. ARV = SIDA

d) En règle générale

  • Faire preuve de discrétion ;
  • Confidentialité = Confiance, si vous respectez ces règles le malade pourra vous parler librement de sa maladie, de ses difficultés et de ses peurs. Vous serez plus à même de l'accompagner dans une dynamique de soins. Vous-même travaillerez mieux.

2. Les objectifs infirmiers en lien avec le dépistage

  • Encourager chaque patient à se faire dépister, même s'il ne présente pas de signes en faveur d'une infection par le VIH.

  • Favoriser les changements de comportements pour éviter la transmission du VIH.

  • Proposer un soutien psychologique.

  • Répondre au mieux aux questions des patients en leur apportant des réponses claires et précises, savoir adresser la personne aux structures compétentes lorsque les questions des patients dépassent les compétences infirmières. Connaître ses limites.

  • Accompagner la personne après l'annonce du diagnostic par l'équipe de dépistage.

  • Identifier les problématiques individuelles de chaque patient en lien avec le retentissement social de la maladie.

  • Mettre en place un suivi régulier du patient (Guide de prise en charqe Côte d'lvoire).

  • Informer la personne des réseaux de soins et d'accompagnement existants.

3. Le rôle infirmier dans la prise en charge des patients VIH

La qualité de la prise en charge se fonde sur des objectifs infirmiers précis :

  • Etablir avec l'usager une relation de confiance, l'informer sur sa pathologie et sur son traitement.
  • Reconnaître les signes cliniques de l'infection à VIH.
  • Mettre en place des moyens de traitement adaptés en collaboration avec les différents professionnels de santé.
  • Utiliser au mieux les ressources institutionnelles.
  • Expliquer les soins infirmiers réalisés.
  • Conseiller des règles hygiéno-diététiques relatives à la prise d'ARV.
  • Informer le patient des principaux effets secondaires et des moyens pour les soulager.
  • Connaître les signes cliniques en lien avec l'évolution de l'état général du patient.
  • Prendre en charge l'individu de manière globale (sur le plan psychologique, médical et social).

L'infirmier est un interlocuteur privilégié qui pourra aborder avec le patient des thèmes tels que les conditions de vie matérielles, familiales et sexuelles. Il devra savoir quand, comment et à qui référer la personne, si nécessaire. Lors des différentes consultations, l'infirmier pourra jouer pleinement son rôle d'éducateur à la santé et délivrer les messages de prévention.

Les maîtres mots de son action sont : informer, éduquer, guider et promouvoir la santé aussi bien du malade que de son entourage. Il est nécessaire de mettre en exergue que l'appui de la cellule familiale semble, lorsque les conditions sont réunies et que le malade est d'accord pour intégrer ses proches dans la démarche de soin, être un atout majeur de succès de cette démarche. C'est pourquoi, on recherchera à maintenir la qualité des liens familiaux et favoriser l'adhésion des proches au processus de soin.

VI. Les signes cliniques

1. Importance de la clinique

Il semble indispensable que l'infirmier puisse reconnaître les premiers signes précurseurs de la maladie et prendre en charge certaines manifestations cliniques dans la limite de ses compétences, et inciter au dépistage précoce fondamental pour le traitement, le suivi et les actions de prévention réalisées auprès de la personne infectée et de ses proches.
En général, les formations initiales en soins infirmiers n'axent pas leurs contenus sur l'activité diagnostique de l'infirmier en lien avec l'observation clinique et les outils d'aide à la prise de décision sous forme d'algorithme. Or, il s'agit d'une pratique professionnelle quotidienne des infirmiers de nombreux pays en développement. Dans le but de faciliter la prise en charge globale de l'individu, mais aussi, et surtout de la rendre plus sûre, une aide diagnostique, sous forme d'algorithme, est proposée dans ce document.

Il faut se rappeler que la complexité de la prise en charge infirmière de patients atteints par le VIH ne réside pas seulement dans le caractère polymorphe de la pathologie et des signes cliniques mais également dans son poids social, économique et familial important.

Si aucun test sérologique pour mettre en évidence le VIH n'est disponible, le soignant peut se baser sur la classification suivante inspirée de celle de " Bangui " (1985), outil précieux qui permet d'établir une suspicion d'infection par le VIH par le biais de signes cliniques répartis en deux catégories :

  • signes majeurs
  • signes mineurs

De plus, certains diagnostics médicaux peuvent renforcer le diagnostic.

Néanmoins, l'infirmier doit rester prudent lorsqu'il utilise cet outil et éviter des raccourcis stéréotypés tel que, amaigrissement + toux = SIDA. Il s'agit là d'un outil d'aide qui ne doit pas entraîner de stigmatisation.

Le tableau ci-dessous ne reprend, dans un but de simplification et de manière voulue, que quelques éléments de la classification de Bangui.

Il propose à l'infirmier une lecture simple de la situation médicale de l'individu, pour améliorer la qualité de sa prise en charge.

a) Signes majeurs

  • Perte de poids rapide de plus de 10% du poids corporel en un mois.
  • Diarrhée chronique de plus de 15 jours (+de 3 selles par/j ou trop abondante car > à 250 g/j).
  • Fièvre prolongée continue ou intermittente avec une température > à 38° pendant plus de 3 semaines.

b) Signes mineurs

  • Toux persistante de plus de 2 semaines (ne pas inclure la toux chez les patients confirmés tuberculeux comme signe mineur du SIDA).
  • Candidose buccale ou vaginale.
  • Herpès génital récurrent.
  • Zona récidivant.
  • Adénopathies généralisées (plus de 2 sites).
  • Sueurs nocturnes.
  • Fatigue chronique.
  • Prurigo.

c) Quelques diagnostics médicaux qui permettent de renforcer le diagnostic

  • Tuberculose
  • Sarcome de Kaposi
  • Toxoplasmose cérébrale
  • Cryptococcose méningée
  • Pneumocystose
  • Rétinite à cytomégalovirus
En pratique
Un signe majeur ou deux signes mineurs + une sérologie VIH positive = SIDA

2. Principes de base en soins infirmiers

  • Ecouter la personne vivant avec le VIH/SIDA et les membres de sa famille, les soutenir psychologiquement ;
  • Respecter la confidentialité ;
  • S'abstenir d'émettre tout jugement de valeur envers la personne soignée ;
  • Pratiquer les soins dans le respect de la dignité humaine et sans aucune forme de discrimination ;
  • Développer le travail en réseau en favorisant l'échange d'informations ;
  • Recourir aux ressources et aux potentiels locaux ;
  • Impliquer les partenaires locaux ainsi que la communauté ;
  • Favoriser dans la mesure du possible le maintien à domicile ;
  • Actualiser ses connaissances en matière de VIH.

Algorithme n°1 : suspicion d'infection par le VIH

VII. Les différents stades cliniques

1. Stade A

Période allant de l'apparition d'une charge virale positive aux premiers signes de l'altération du système immunitaire. La durée du stade A est variable, allant de quelques mois à plusieurs années.

2. Stade B

Le patient commence à présenter des signes cliniques :

  • Candidose
  • Altération de l'état général
  • Zona...

3. Stade C

Le stade C correspond au Syndrome d'immunodéficience acquise (taux de CD4< 200/mm3). Il se caractérise par l'apparition d'une ou plusieurs des pathologies suivantes : -

  • syndrome cachectique
  • toxoplasmose cérébrale
  • candidose bronchique, trachéale, pulmonaire ou oesophagienne
  • encéphalopathie
  • sarcome de Kaposi
  • lymphomes divers (Burkitt...)
  • pneumopathie bactérienne récurrente
  • septicémie...

Développement et Santé, n°181, 2006