Hypertension artérielle de l'adulte

Par Mohamed Chérif Rahimy, médecin, Cotonou, Bénin Christian Mongin, médecin, Paris, France

Publié le

I. Introduction

La tension artérielle, ou pression artérielle, résulte de l’équilibre entre :

  • d’une part le débit cardiaque (DC) ou quantité de sang éjectée par le cœur en une minute et le volume de sang contenu dans les artères,
  • d’autre part l’état de tonicité de l’ensemble des artères ou résistance qu’opposent les artères périphériques à l’écoulement du sang (RP).

Elle est exprimée en centimètres ou millimètres de mercure (cm Hg, mm Hg) et elle a deux composantes :

  • la première correspond à la pression artérielle au moment de la contraction du cœur : c'est la
    TA systolique,
  • la deuxième correspond à la pression artérielle au moment de la décontraction du cœur : c'est la
    TA diastolique.

La TA d’un individu n’est pas une donnée fixe ; elle varie au cours de la journée selon une multitude de facteurs qui dépendent à la fois de l’individu lui-même et de son environnement.
Parmi ces facteurs, on peut citer :

  • les états de tension nerveuse ou psychique, d’anxiété,
  • l’effort physique, la digestion, le repos et le sommeil.

Il peut ainsi exister pour un sujet :

  • une tension artérielle basale,
  • une tension artérielle occasionnelle,
  • une tension artérielle d’effort,
  • une tension artérielle orthostatique (sujet debout).

Malgré de larges variations, il existe des mécanismes complexes de régulation qui maintiennent la TA autour d’une valeur d’équilibre pour permettre une bonne irrigation des tissus par le sang.
Le maintien en permanence des chiffres qui expriment la TA au-dessus des valeurs admises comme normales réalise l’hypertension artérielle (HTA).

Pour un adulte, les valeurs normales sont :
  • au maximum 140 mm Hg pour la TA systolique
  • au maximum 90 mm Hg pour la TA diastolique

Il faut noter que les patients drépanocytaires doivent être considérés comme hyeprtendus à partir de 120/70 et traités préférentiellement par les inhibiteurs de l'enzyme de conversion.

II. Intérêt

Dans les pays développés, l’HTA est une maladie relativement fréquente (5-10 % de la population adulte selon les statistiques) dont l’épidémiologie est de mieux en mieux connue.
En revanche, jusqu’à ces dernières années, l’HTA était considérée comme une maladie rare dans les pays en développement (surtout en milieu rural), la population étant à l’abri des nombreux et importants stress émotionnels de la vie moderne.
Mais, à la suite d’études africaines et des rapports de l’OMS, il apparaît que l’HTA est une maladie très fréquente, même dans les villages, posant un véritable problème de santé publique.
Selon les Statistiques sanitaires mondiales 2012 publiées par l'OMS en Afrique, plus de 40 % (et jusqu'à 50 %) des adultes de nombreux pays seraient hypertendus. La plupart de ces personnes ne sont pas diagnostiquées alors qu'un grand nombre pourraient être traitées au moyen de médicaments peu coûteux, ce qui réduirait sensiblement le risque de décès et d'incapacité dus aux cardiopathies et aux accidents vasculaires cérébraux.

L’HTA est une maladie grave, progressive, évoluant à bas bruit, réduisant beaucoup l’espérance de vie du malade en raison des complications qui émaillent son évolution.

1. Complications aiguës, compromettant rapidement le pronostic vital

  • Œdème aigu du poumon (OAP) : dyspnée aiguë avec sensation d’étouffement, râles crépitants diffus dans les deux champs pulmonaires à l’auscultation, apparition de mousse aux lèvres.
  • Accident vasculaire cérébral : coma brutal, paralysie brutale de la moitié du corps (hémiplégie).
  • Encéphalopathie hypertensive : céphalées intenses, agitation, troubles du comportement, convulsions et parfois coma.
  • Infarctus du myocarde : douleur violente enserrant la poitrine, défaillance du cœur avec état de collapsus.

2. Complications progressives

  • Insuffisance rénale
  • Troubles visuels pouvant aboutir à une perte de la vue.

III. Diagnostic

En dehors des complications révélatrices de la maladie, l’HTA est souvent asymptomatique et à début insidieux. Certaines manifestations peuvent cependant attirer l’attention :

  • céphalées souvent occipitales, pulsatiles, réveillant le patient le matin et persistant pendant une bonne partie de la matinée ;
  • vertiges, bourdonnements d’oreilles ;
  • sensation de mouches volantes, baisse de la vision ;
  • augmentation de la fréquence d’émission des urines la nuit.

Le diagnostic d’HTA est fait par la mesure de la TA, le plus souvent indirectement en utilisant le principe de compression-décompression.

1. Matériel

L’appareil utilisé est constitué de deux éléments :

  • Un instrument de mesure, qui peut être un manomètre anéroïde ou un manomètre à mercure (le manomètre à mercure est plus fragile et moins maniable).
  • Une poche en caoutchouc contenue dans un sac inextensible qui doit avoir une longueur et une largeur suffisantes (pour un adulte moyen : 30 cm x 13 cm), le manchon doit encercler complètement le bras.

2. Technique

Le brassard bien dégonflé, avec l’aiguille du manomètre stabilisée au zéro, est appliqué sur le bras nu.
L’artère humérale est repérée au milieu du pli du coude et en dedans (c’est-à-dire du côté du petit doigt).
Trois méthodes peuvent être utilisées :

  • La méthode oscillométrique, qui n’est pas de pratique courante.
  • La méthode palpatoire, très subjective et moins juste.
  • La méthode auscultatoire à l’aide d’un stéthoscope médical, méthode à utiliser et qui donne des résultats assez fiables.

Le pavillon du stéthoscope est posé à l’endroit où l’artère humérale a été repérée. Le pavillon ne doit pas être glissé sous le manchon compressif en raison du risque d’inégalité des pressions qui peut conduire à de faux résultats.
On gonfle et on dégonfle une ou deux fois le brassard afin de vérifier le bon ajustement de l’appareil et de repérer le niveau approximatif de la pression maximale.

On gonfle alors le brassard jusqu’à ce qu’il dépasse ce niveau, puis on le dégonfle très progressivement. L’ondée systolique réapparaît graduellement quand la pression du brassard diminue.

  • Le premier bruit entendu à l’auscultation fixe la pression maximale ou pression systolique.
  • La brusque diminution ou disparition des bruits établit la pression minimale ou pression diastolique.

3. Résultat

La TA doit être prise aux deux bras successivement. Il peut exister une différence de 5 à 20 mm Hg entre les deux bras sans que cela ait une signification pathologique.

Quand des chiffres élevés sont trouvés lors d’une mesure, le sujet ne doit pas être déclaré d’emblée comme ayant une HTA.
La TA doit être contrôlée à plusieurs reprises après 15-20 minutes de repos allongé, dans le calme, puis reprise au cours de consultations successives après vérification du bon fonctionnement de l’appareil.
On considère que le sujet a une HTA lorsque des chiffres élevés sont trouvés à plusieurs reprises.

Causes d’erreur dans la mesure de la TA :

  • Défaut de serrage du brassard
  • Taille du brassard trop petite, n’enserrant pas complètement le bras, notamment chez les personnes obèses
  • Largeur du brassard trop petite
  • Pavillon du stéthoscope glissé sous le manchon compressif

IV. Que faire ?

En dehors d’une HTA menaçante avec des chiffres très élevés, s’accompagnant d’un cortège symptomatique bruyant, le traitement d’une HTA n’est pas une urgence.

Un bilan complet doit être entrepris afin de :

  • Rechercher une cause à l’HTA
  • Apprécier son retentissement sur certains organes : reins, cœur, cerveau, yeux. Ce bilan nécessite en général le recours à un médecin.

Dans 99 cas sur 100, aucune cause n’est retrouvée, on parle alors d’hypertension artérielle essentielle. Cependant certains facteurs y prédisposent : obésité, tabagisme, antécédents familiaux d’hypertension artérielle.

Trois points sont alors importants dans la prise en charge de ces patients :

1. Le traitement doit être indéfiniment poursuivi

Mesures non médicamenteuses

  • Adopter autant que possible une alimentation équilibrée
  • Réduire sa consommation de sel et de graisses
  • Eviter l'alcool
  • Pratiquer une activité physique régulière
  • Arrêter le tabac

Mesures médicamenteuses

En effet, ne connaissant pas la cause exacte de l’HTA essentielle, on ne dispose pas de médicament pour un traitement radical comme dans une infection microbienne où un antibiotique adapté permet d’enrayer l’infection.
Les médicaments utilisés permettent simplement de ramener les chiffres de la TA à des valeurs proches de la normale, mais cela ne signifie pas la guérison de la maladie : les chiffres remontent dès l’arrêt du traitement.
Il s’agira également de demander à une personne qui, en apparence, n’a aucun symptôme de maladie, de se traiter et de prendre des médicaments tous les jours, avec l’incidence financière que cela peut avoir chez les personnes ayant des revenus faibles.

2. La surveillance médicale doit être indéfiniment poursuivie

  • Contrôle régulier de la TA.
  • Bilan du retentissement.

3. Il faut dépister les complications aiguës

Afin de mettre en route rapidement un traitement qui permet parfois d’améliorer le pronostic vital.

V. Traitement de l'HTA

Schéma de traitement de l'HTA (proposé par RYTM1, Réseau Hypertension du Mali)
Trois niveaux
1. HTA légère, 140 à 160/90 à 100 mm/Hg Sans facteur de gravité: régime hyposodé qui consiste à isoler le plat du patient (sans sel) un repas sur deux Avec facteurs de gravité: régime hyposodé + diurétique thiazidique (dihydrochlorothiazide 25 mg: ½ cp/jour) \[environ 1 euro/mois\]
2. HTA modérée, 160 à 180/100 à 110 mm/Hg Idem HTA légère mais, si pas de résultat après 2 à 3 mois, passage à la bithérapie : diurétique thiazidique + IEC ou un anticalcique \[3 à 4 euros/mois\]
3. HTA sévère, 180/110 mm/Hg Obtenir un bilan biologique initial Traitement médicamenteux d’emblée
4. Cas particuliers Une déshydratation doit être corrigée avant tout traitement Femme enceinte : pas de régime hyposodé, antihypertenseur central Personne âgée : préférer antihypertenseur central
5. Suivi Rapproché au début, puis tous les mois, puis tous les 3 mois

Conclusion

  • L’HTA est une maladie fréquente, même en milieu rural.
  • Son diagnostic est facile, par la prise de la TA qui doit faire partie de l’examen clinique d’un malade.
  • Dans la quasi-totalité des cas, one ne retrouve pas de cause à la maladie, le traitement et la surveillance doivent alors être indéfiniment poursuivis.