VIH : quelques rappels d’épidémiologie
I. Définitions
L'infection par le VIH atteint le système immunitaire, qui est responsable de la défense de l'organisme contre les maladies infectieuses. Dans le cas du SIDA, ce sont les défenses cellulaires qui sont atteintes.
L'immunodéficience est l'affaiblissement des défenses immunitaires provoqué par la destruction de certains lymphocytes (lymphocytes T4 ou CD4). Ces cellules portent en surface un antigène CD4. Le VIH reconnaît l'antigène CD4 et pénètre à l'intérieur des lymphocytes CD4+ pour les infecter, ce qui entraîne, à plus ou moins long terme, leur mort. Il en résulte une déficience permanente et sévère du système immunitaire, l'individu devient plus sensible aux infections et développe des pathologies dites opportunistes.
L'épidémiologie étudie la fréquence et la distribution d'une maladie, ou d'un fait lié à la santé, au sein d'une population d'un territoire donné. Elle recherche les facteurs favorisant cette maladie et peut, par certaines méthodes, prouver l'existence d'un lien entre un facteur et une maladie.
La prévention comporte toutes actions dont le but est de supprimer ou de diminuer :
- l'exposition à un facteur favorisant ou la transmission de l'agent pathogène (prévention primaire) ;
- l'apparition de la maladie (prévention secondaire) ;
- la fréquence des complications ou des décès (prévention tertiaire).
Pour les maladies infectieuses, on considère qu'une chaîne épidémiologique est constituée par:
- un agent pathogène responsable de l'infection puis de la maladie et de ses complications (virus, bactérie, champignon ou parasite) ;
- un sujet infecté ou malade qui élimine cet agent pathogène (il est donc contagieux) ;
- un sujet réceptif, non immunisé, et qui, lorsqu'il est en contact avec l'agent pathogène, se contamine (l'agent pénètre dans son organisme et s'y multiplie).
La transmission d'un sujet à l'autre peut être :
- directe par voie aérienne ;
- indirecte par l'intermédiaire d'un rapport sexuel, du sang, des mains ou de tout autre objet (de soin, de toilette, etc.) ;
- indirecte par vecteur : l'agent pathogène a un cycle de développement chez un animal avant d'être transmis à un autre sujet.
II. Objectifs infirmiers
L'infirmier doit connaître le mieux possible l'épidémiologie et la prévention du VIH afin de pouvoir répondre à toutes les questions que lui posent son entourage et les malades.
Il doit aussi être le moteur des actions de sensibilisation et d'information conduites dans sa zone d'influence.
1. Rappel clinique
La première phase de l'affection est celle de l'infection par le VIH, le patient n'a pas de signes cliniques. Cette période peut être plus ou moins longue (5 à 10 ans). Elle peut débuter par un syndrome de primo-infection qui dure de 3 à 15 jours et qui passe le plus souvent inaperçu.
La plupart des personnes infectées par le VIH ignorent leur état.
Le test permettant de confirmer la présence d'anticorps ne devient positif qu'après 3 semaines, délai nécessaire à la fabrication des anticorps. Lors de cette période, dite « fenêtre muette » ou « fenêtre sérologique », les individus peuvent transmettre le virus à d'autres personnes. |
Dans un deuxième temps, on assiste à la phase dite d'état, « SIDA » maladie, caractérisée par un ensemble d'affections pathologiques et une défaillance immunitaire plus marquée.
2. Modes de transmission de la maladie
Le virus VIH est un parasite strict de certaines cellules humaines, c'est-à-dire qu'il ne peut pas vivre en dehors de sa cellule hôte, dans un autre milieu ambiant.
Les cellules concernées sont essentiellement les lymphocytes T, porteurs du marqueur CD4.
La contamination ne peut se faire que par transmission de ces cellules d'un sujet à un autre.
Le virus VIH est transmis essentiellement par voie sexuelle ; le plus souvent, les autres modes - par le sang et de la mère à l'enfant - sont secondaires à celui-ci.
Le VIH se transmet (uniquement) par : |
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3. La transmission sexuelle
La transmission est plus importante de l'homme vers la femme et par voie anale.
a. Les facteurs favorisants
- Les IST (infections sexuellement transmissibles) favorisent très fortement la contamination par le VIH.
- Inversement, l'infection par le VIH favorise les IST, particulièrement les IST ulcératives et les infections à Trichomonas chez la femme.
- Rapports violents (viols), maladroits, rapides.
- Rapports au cours des règles.
- La non circoncision des hommes.
- Le stade de la maladie chez le donneur (si la virémie est élevée ou si le nombre de CD4 est bas).
- La contamination par un patient non traité par ARV par rapport à un patient traité.
Certains comportements favorisent les infections dans une population : nombre élevé de partenaires différents, fréquence des rapports sexuels, fréquentation des prostitués.
Mais aujourd'hui, la contamination la plus fréquente en Afrique est la transmission au sein de couples stables (mariés ou non) discordants.
Les couples discordants |
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Ce sont des couples dont un seul des membres est infecté (séropositif), l'autre ne l'étant pas (séronégatif). Ces couples peuvent être mariés (quel que soit le statut) ou non. |
Pour ces couples, il est nécessaire de protéger les rapports sexuels avec des préservatifs (ou de s'abstenir). En cas de désir d'enfants, cela doit être discuté avec un médecin. |
Le VIH ne se transmet pas par contacts, par voie digestive (sauf chez le nourrisson), par simples baisers, masturbation, etc.
4. Les particularités africaines
La situation en Afrique est très hétérogène comme le montre la carte ci-dessous : la séroprévalence va de 0,2 % dans les pays du Maghreb et à Madagascar, à 30 % dans certains pays est africains, en passant par des taux relativement bas au Sahel (1-2 %) et plus hauts en Afrique centrale (7-9 %).
Le continent africain est de loin le plus touché dans le monde, et il est admis que la dynamique de l'infection y a un visage particulier. Pourquoi ?
Les faits confirmés
- L'Afrique est le continent où le virus VIH-1 circule depuis le plus longtemps.
- L'Afrique est le continent où les 2 virus sont apparus et circulent depuis longtemps.
- La séroprévalence est d'autant plus élevée que la séroprévalence au virus herpès 2 l'est aussi.
- La séroprévalence est d'autant plus élevée que l'âge des conjoints lors du mariage est élevé et la différence d'âge entre femme et homme est grande (plus l'homme est âgé et la femme jeune, plus le risque est grand).
- La séroprévalence VIH est d'autant plus importante que le taux de circoncision des hommes est bas.
Carte des taux de séroprévalence VIH des pays africains (rapport ONUSIDA 2008)
5. Particularités du VIH-2
- Transmissibilité < VIH-1
- Associé à une charge virale plus faible et une progression lente de l'immunodépression
- Co-infections VIH-1/VIH-2 fréquentes
- Détermination de la charge virale VIH-2 difficile
- Pas sensible aux ARV nucléosidiques ; résistance naturelle à certaines antiprotéases (Nelfinavir)
6. La transmission mère enfant (TME)
Le virus se transmet de la mère à son foetus ou à son enfant. Le virus peut passer la barrière placentaire d'autant plus facilement que le placenta est malade ; il peut contaminer l'enfant au cours de l'accouchement et il peut être transmis pas voie digestive par le lait maternel (la quantité de virus dans le lait est proportionnelle à la quantité dans le sang).
Le taux de TME |
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Le taux de TME est le rapport entre le nombre d'enfants infectés par le VIH sur le nombre d'enfants nés de mère séropositive. |
Un enfant infecté est un enfant contaminé par le VIH. Avant 18 mois : il faut rechercher le VIH lui-même par PCR. Après 18 mois : on peut, comme chez l'adulte, faire le diagnostic sur les anticorps (enfant VIH séropositif). |
Un enfant infecté est :
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Avant toute intervention de lutte dans les années 1980, le taux de transmission par voie mère enfant était de 35 % dans les pays défavorisés et de 10-15 % dans les pays riches.
Il est actuellement quasiment nul dans les pays riches.
La transmission du VIH est de 10 % dans les dernières semaines de la grossesse, de15 % pendant le travail et de 10 % pendant l'allaitement.
7. La transmission par le sang
La vois sanguine par injection de drogues est rare en Afrique.
La transmission par transfusion a beaucoup diminué, mais la garantie d'un sang non contaminé n'existe que dans les banques de sang en Afrique.