Vaccins contre la fièvre typhoïde
Vaccins contre la fièvre typhoïde
par Bernard Lagardère*
* Pédiatre, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt.
La fièvre typhoïde sévit dans la plupart des pays du monde et reste un problème majeur de santé publique dans un grand nombre d'entre eux. La fréquence de la maladie et le coût ou les difficultés des traitements justifient la recherche d'un vaccin efficace. Depuis longtemps existe un vaccin TAB à germes tués. Sa mauvaise tolérance en a fortement limité l'emploi. Un nouveau vaccin, Typhim Vi, dépourvu de tout effet secondaire est disponible depuis 1989. Des recherches sont en cours pour élaborer un vaccin qui serait efficace par voie orale.
I. La fièvre typhoïde
C'est une maladie infectieuse généralisée, septicémique, à point de départ digestif, les germes essaimant par voie lymphatique.
Les agents pathogènes sont les salmonelles dites majeures : essentiellement le bacille d'Eberth : Salmonella typhi et secondairement, S. para A et S. para B.
1. Épidémiologie
La maladie est plus fréquente en Asie, en Afrique et en Amérique Latine. Il est probable qu'elle atteint plusieurs millions d'individus chaque année. Elle sévit de façon endémique (constante toute l'année) ou hyper endémique (particulièrement fréquente toute l'année) dans toutes les régions où les équipements sanitaires sont insuffisants et l'hygiène particulièrement défectueuse, c'est à dire en pays tropical et équatorial. Elle apparaît sous forme d'épidémie sur un fond endémique dans les pays du pourtour méditerranéen et la côte atlantique de l'Amérique du Sud.
Dans les pays d'endémie c'est la tranche d'âge de cinq à vingt ans qui est la plus atteinte, avec un maximum entre huit et treize ans. L'enfant de moins de cinq ans et le nourrisson sont plus rarement concernés et font plus souvent des formes discrètes ou trompeuses.
Le mode de contamination explique la répartition de la maladie. Le réservoir de germe est l'homme : il n'y a pas d'animal contaminateur. Les germes sont disséminés dans la nature par les malades et par les porteurs chroniques qui n'ont aucun signe de maladie mais gardent, parfois pendant des mois, les salmonelles dans les voies biliaires, et de là, dans les selles. Les germes ainsi répandus peuvent persister plusieurs mois dans la nature.
La contamination peut se faire de façon directe : dans l'entourage d'un malade ou d'un porteur chronique, ou de façon indirecte par ingestion d'eau de boisson ou d'aliments souillés par les déjections de sujets infectés. Les équipements sanitaires inadaptés permettent ainsi ce maintien de l'endémie.
2. Symptomatologie
La symptomatologie associe à des degrés divers après une incubation d'une quinzaine de jours des signes digestifs, des signes septicémiques et des signes toxiques.
Les signes digestifs sont essentiellement une diarrhée avec douleurs abdominales, vomissements, et perte d'appétit. Chez l'enfant la diarrhée est rapidement suivie d'une constipation. Le ventre est douloureux et ballonné.
Les signes septicémiques sont une fièvre qui s'élève progressivement et peut durer deux semaines, avec altération de l'état général. Il existe souvent une grosse rate.
Les signes toxiques sont dus à une toxine libérée par les germes lors de leur destruction. La toxine typhique concerne essentiellement :
le système nerveux et elle est responsable de la prostration, parfois du coma du malade ;
le système cardiovasculaire et elle risque d'entraîner un collapsus ou des troubles du rythme cardiaque par atteinte myocardique.
Ces signes toxiques sont parfois très marqués, imposant une hospitalisation et pouvant entraîner la mort du malade.
3. Traitement
La fièvre typhoïde doit être traitée par antibiotiques pour éviter les complications graves. Ils doivent en général être débutés progressivement car une destruction brutale des
Germes peut faire apparaître ou majorer les signes toxiques.
Le Chloramphénicol est plus actif par voie orale que par voie veineuse (2 à 3 g chez l'adulte, 50 mg/kg/j chez l'enfant) pendant deux semaines.
Le Thiamphénicol, 70 mg/kg/j, par voie orale ou injectable est efficace et mieux toléré.
L'Ampicilline (et surtout l'Amxicilline), 4 à 5 g/j chez l'adulte, 100 mg/kg/j chez l'enfant, pendant quinze jours fait chuter la fièvre un peu plus tardivement.
Le Cotrimoxazole par voie orale ne suscite que très rarement des accidents liés à la toxine. Mais il peut lui-même avoir des effets secondaires allergiques (cutanés) et hématologiques (agranulocytose).
Plus récemment de nouveaux médicaments, beaucoup plus onéreux (céphalosporines de troisième génération comme la Ceftriaxone, et quinolones comme la Pefloxacine : ces dernières sont contre indiquées chez l'enfant) sont efficaces avec des durées de traitement qui peuvent être réduites.
La fièvre typhoïde demeure une maladie potentiellement grave, entraînant des cas mortels, et réclamant parfois une hospitalisation prolongée. Le coût humain et financier de la maladie apparaît assez élevé pour justifier l'intérêt d'une vaccination.
II. Vaccins anti-typhoïdiques
• Longtemps le seul vaccin disponible a été un vaccin tué composé de suspension de germes entiers tués par la chaleur (vaccin TAB Pasteur).
Il a une efficacité incomplète, mais surtout n'est pas toujours bien toléré, pouvant être à l'origine de réactions générales (fièvre, malaise) et locales (douleurs) assez fréquentes. Il existe aussi parfois des réactions de type allergique.
• Un vaccin vivant atténué utilisant une souche de S. typhi qui a subi une mutation lui enlevant son pouvoir pathogène (souche Ty 21 a) est commercialisé en Suisse (Berna). Il se donne par la bouche. Les premiers essais en Égypte (1970) ont montré sa bonne tolérance et une efficacité très élevée. Malheureusement les essais ultérieurs avec diverses formulations plus pratiques
N'ont pas confirmé sa valeur et n'ont suscité que des protections faibles ou nulles. D'autres recherches sont en cours.
• Le vaccin le mieux toléré et le plus efficace est le vaccin poly osidique VI (vaccin Typhim Vi de Pasteur-Mérieux). Il utilise non pas le germe entier, détruit ou atténué, mais un fragment de sa capsule, portant l'antigène VI (de virulence). De larges essais ont montré son innocuité et sa valeur : après une seule injection la réponse anticorps apparaît dès le septième jour et la protection dure au moins trois ans. En milieu hyper endémique il a conféré une protection de l'ordre de 80% (Népal) dans les dix-huit mois qui ont suivi la vaccination, meilleure que celle entraînée par le TAB.
Le vaccin est stable, pouvant être stocké pendant dix-huit mois entre + 2 et + S°. Il est conseillé de le garder au réfrigérateur mais il conserve ses caractères physicochimiques après six mois à 37 °. Il se présente sous forme de suspension injectable prête à l'emploi. La vaccination s'effectue en une seule injection sous-cutanée ou intramusculaire de 0,5 ml.
L'efficacité du vaccin a été démontrée à partir de l'âge de cinq ans. Il est probable qu'une vaccination avant l'âge de deux ans est inefficace. Mais la fièvre typhoïde est rare à l'âge préscolaire. Entre deux et cinq ans, Typhim Vi peut être utilisé en cas de nécessité.
Si l'on veut maintenir l'innocuité des sujets vaccinés, il faut proposer une revaccination tous les trois ans.
Le vaccin peut être administré au même moment, mais en des points d'injections différents, que les vaccins contre le tétanos, la poliomyélite et l'hépatite B (Le vaccin Typhim Vi peut également être combiné (une seule injection) avec le vaccin Méningo A+C, le vaccin Stamaril Pasteur, et le vaccin Rage Vero).
L'indication de la vaccination est claire, après l'âge de cinq ans, en cas de voyage en zone d'endémie ou pour des sujets particulièrement exposés à la contamination (personnels de santé, militaires).
Elle ne remplace pas les mesures d'assainissement (eaux usées, eaux de boisson) indispensables en régions endémiques et l'hygiène individuelle (lavage des mains, des aliments, avec de l'eau propre) que l'éducation pour la santé doit viser à développer.