Urgence ! mais où est donc le plan d'urgence des urgences ?
Lorsqu'au dispensaire l'on parle de prise en charge, on pense au traitement de l'urgence. Par exemple, quelle conduite à tenir devant une intoxication médicamenteuse chez l'enfant ? ou: que faut-il faire pour traiter une brûlure ou un choléra?
Une autre manière de s'intéresser à la prise en charge de l'urgence, c'est de la préparer. Par exemple, s'assurer d'avoir constamment disponibles les médicaments, en nombre limité, mais adaptés aux situations d'urgence spécifiques au district et efficaces.
La préparer, c'est aussi avoir organisé le transfert des patients nécessitant des soins dans une structure mieux équipée: le centre de santé, l'hôpital de référence.
Une approche originale a été développée au Burkina: le mob-ambulance. Ce mode de transport, accessible partout et relativement peu coûteux, mériterait d'être testé dans de nombreux pays.
Cependant, au-delà de la préparation d'un véhicule, préparer l'urgence c'est la prévoir, telle par exemple la détection précoce d'une dystocie chez une femme enceinte, afin d'assurer son transfert et son hébergement à l'hôpital bien avant l'accouchement.
Enfin, et en amont de cette prise en charge de l'urgence proprement dite, prendre en charge des urgences c'est aussi les prévenir, par exemple prévenir les accidents ou les intoxications médicamenteuses chez les enfants.
Il est frappant de constater la quasi-absence d'un plan d'action, écrit, pour la prise en charge d'urgences à l'échelon des districts sanitaires. Mais sait-on que le problème existe ? Combien de décès ou de handicaps (voire de souffrances) pourraient être évités si cette vision globale existait.
Quelle démarche devrait-on suivre pour mettre en oeuvre le plan d'action ?
Comme en médecine, il s'agit de faire un diagnostic puis de traiter.
Le diagnostic est d'évaluer la fréquence des situations d'urgence et la manière dont elles sont prises en charge :
évaluer la fréquence, c'est d'abord définir les situations. Il est illusoire de définir de manière catégorique toutes les situations. Cependant, il est aisé de trouver la majorité d'entre elles dans tous les manuels de médecine. Celles-ci définies, il s'agit de les dénombrer, que ce soit au dispensaire ou à l'hôpital, en spécifiant la cause (brûlure, choléra, intoxication médicamenteuse, dystocie, etc.). L'essentiel est de s'accorder pour que tous retiennent les mêmes définitions ,
évaluer la prise en charge, c'est d'abord déterminer la qualité du diagnostic et des traitements prescrits. C'est aussi apprécier l'état du matériel et préparer les conditions d'un transfert, c'est-à-dire s'assurer que le transfert est effectué dans de bonnes conditions et que la prise en charge dans la structure de référence a été appropriée. Autrement dit, et cette liste n'est pas exhaustive, c'est "auditer" toutes les pratiques nécessaires à une bonne prise en charge. Ceci signifie comparer l'écart entre les pratiques effectuées et les normes définies au niveau d'un district...
Le diagnostic étant fait, il s'agit de traiter, c'est-à-dire de mettre en place un programme dans lequel sont définies précisément toutes les activités requises pour un plan d'action urgence efficace. À titre indicatif :
- former le personnel au diagnostic et au traitement d'urgences,
- assurer la disponibilité des ressources (médicaments, matériels...
- assurer les modalités de transfert,
- évaluer l'efficacité du système.
Enfin, il s'agit de ne pas oublier qu'un bon plan est un plan qui prévient les urgences:
le dépistage précoce des situations à forte probabilité d'urgence, les dystocies chez la femme enceinte étant les plus évidentes,
la prévention des "urgences évitables" telles que les accidents chez l'enfant par exemple.
Parler de programme de santé publique renvoie le plus souvent à la lutte contre les grandes endémies, n'oublions pas que la qualité des soins donnés aux malades est une priorité de santé publique surtout si une mauvaise prise en charge se traduit par des décès ou des handicaps évitables. Tout système de soins, du dispensaire à l'hôpital, doit avoir son plan d'urgence des urgences.
Développement et Santé, n°118, août 1995