Trypanosomiase

Par Bemard Lagardère

Publié le

Lutte contre la maladie du sommeil ou trypanosomiase

La maladie du sommeil ou trypanosomiase humaine africaine est une maladie parasitaire redoutable de traitement difficile qui constitue un problème de santé publique dans plusieurs régions du continent africain.

La lutte contre cette maladie suppose la connaissance de l'épidémiologie, c'est-à-dire des conditions de contamination et de diffusion.

I. Epidémiologie

a. L'agent de la maladie est un parasite microscopique vivant dans le sang et pouvant pénétrer dans le système nerveux. Il a un aspect caractéristique, reconnaissable au microscope, allongé, ondulant, se déplaçant entre les cellules.

b. Le malade peut, pendant plusieurs mois, ne ressentir aucun trouble (période d'incubation). Il apparaît ensuite une fièvre irrégulière prolongée avec un gros foie, une grosse rate, des ganglions tuméfiés surtout dans la région du cou, plus rarement une éruption prurigineuse en plaques et une bouffissure du visage. C'est la première période où le parasite reste dans le sang. Plus tard, lorsque le parasite a pénétré dans le système nerveux (deuxième période), le malade devient somnolent le jour et agité la nuit, parfois comateux avec des paralysies et des troubles sensitifs divers et meurt dans un tableau d'encéphalite progressive.

c. Le vecteur est nécessaire pour transmettre le parasite d'un malade à un sujet qui va le devenir. C'est la mouche tsé tsé ou glossine qui pique l'homme pour se nourrir de son sang. Elle peut alors absorber des parasites qui, après une transformation dans le corps de la mouche, viennent se loger dans ses glandes salivaires et peuvent être inoculés à une prochaine piqûre.

La chaîne épidémiologique comprend donc:

  • le malade parasité par le trypanosome,
  • la mouche tsé tsé qui va se contaminer à partir du malade et transporter le parasite,
  • le sujet sain qui peut être contaminé par la piqûre de la mouche.

II. La lutte

contre la maladie doit viser ces trois éléments:

  • dépistage et traitement des malades,
  • repérage et destruction des mouches tsé tsé,
  • protection du sujet sain.

1. Dépistage et traitement

Le dépistage

Il doit se faire dans les régions où l'on sait que la maladie existe, basé sur des signes cliniques, aidé éventuellement par des examens biologiques.

a. Les régions d'endémies sont connues. La maladie n'existe qu'en Afrique, prédominant en Afrique Centrale (Centrafrique, ouest du Cameroun, Gabon, Congo, Zaïre), moins fréquente en Afrique de l'Ouest (Haute-Volta, Sénégal, Liberia, Côte d'Ivoire). En Afrique Orientale existe une maladie comparable due à un parasite très proche (trypanosome rhodésien) mais dont les signes sont différents. Dans chaque pays les foyers de la maladie sont répertoriés.

b. Le dépistage clinique se fait à deux niveaux:

  • Dans les structures de soins, tout malade ayant des signes compatibles avec la maladie doit être exploré, au besoin après évacuation sur un centre équipé, où le trypanosome pourra être identifié (dans le sang ou dans le liquide céphalorachidien).
  • Au cours de campagnes systématiques des services des grandes endémies, même les sujets présumés sains doivent être examinés. Il faut fixer la date de l'examen avec les Autorités du village et convoquer toute la population. Les signes les plus évocateurs sont une fièvre prolongée inexpliquée, des troubles nerveux et surtout la palpation de ganglions mous et indolores dans la région postérieure du cou.

c. Chez les sujets ainsi suspectés, surtout lors de campagnes de masse, l'examen biologique le plus simple est le dosage des immunoglobulines M (Ig-M). Il suffit de piquer le doigt pour avoir une goutte de sang, la recueillir sur papier buvard, mettre, lorsqu'il est sec ce fragment de papier buvard dans une enveloppe avec le nom et l'adresse du sujet, et l'acheminer sans précautions particulières vers le laboratoire central (en général dans la capitale). La découverte d'un taux élevé de Ig-M conduira à hospitaliser le malade dans un centre équipé pour retrouver le parasite (hôpital régional). Lorsque cet examen n'est pas possible, on se base sur la mise en évidence du trypanosome sur la goutte épaisse, la ponction ganglionnaire, éventuellement la ponction lombaire ; mais en cas de doute, une hospitalisation au centre régional est nécessaire.

Le traitement

Il n'est possible que si le diagnostic a été porté avec certitude car il peut être dangereux. Il ne peut être fait qu'en milieu hospitalier. Il est basé sur la Pentamidine (Lomidine®) si l'on se trouve à la première période de la maladie, sur l'Arsobal si l'on se trouve à la seconde.

2. Lutte contre les mouches

Il faut d'abord les reconnaître, puis les détruire si possible, sinon limiter le contact avec les habitants.

a. Reconnaître

La mouche tsé tsé a à peu près un centimètre de long. On la reconnaît à sa trompe située dans l'axe du corps, et ses ailes repliées l'une sur l'autre comme les lames d'une paire de ciseaux.

b. Détruire

  • Les pièges sont utiles mais n'ont qu'une action limitée. Les couleurs sombres attirent la mouche. Ils sont variés mais à base d'étoffes sombres imprégnées d'insecticides, ou de boîtes où les mouches guidées par la couleur sombre rentrent mais ne peuvent sortir.

Les pulvérisations d'insecticides visent une action plus large. Le DDT est toujours efficace contre la mouche tsé tsé. Mais elle vit dans les forêts, le long des cours d'eau et il est difficile de répandre du DDT dans toutes les galeries forestières d'autant qu'il est toxique pour les poissons.

c. Limiter le contact

La mouche vit près de l'eau mais en zone forestière. Il est le plus souvent impossible d'éloigner les villages de l'eau et de la forêt. Cependant, le débroussaillement et l'abattage des arbres sur une distance de vingt mètres de part et d'autre des eaux infestées détruit les forêts et impose aux mouches des gîtes plus éloignés.

3. Protection du sujet sain

a. La protection par un médicament (chimioprophylaxie) n'est plus pratiquée de façon

systématique. On utilisait la Lomidine (Pentamidine) en injections intramusculaires. Mais des accidents sont possibles (chocs) et si le sujet est déjà contaminé sans le savoir, la Pentamidine peut masquer les signes et rendre le diagnostic et donc le traitement plus difficile.

b. La protection la plus efficace est liée à une bonne compréhension de la chaîne épidémiologique grâce à une éducation sanitaire. Celle-ci peut utiliser les moyens d'information habituels journaux, radio), les structures existantes (écoles, centres de soin) ou des réunions particulières selon un programme préétabli en fonction des problèmes de santé locaux. Elle doit viser la reconnaissance du danger des mouches et les moyens de le combattre, la gravité de la maladie et les signes d'alerte, la connaissance des structures permettant d'établir le diagnostic et d'effectuer le traitement.

Développement et Santé, n°46, août 1983