Traitement kinésithérapique de l'asthme
L'asthme se concrétise par des manifestations cliniques diverses, d'intensité variable avec des périodes de rémission, ce qui en fait une pathologie parfois déconcertante; pour cette raison, sa prise en charge kinésithérapique doit être adaptée à chaque cas.
La rééducation ne constitue pas seulement un traitement curatif, c'est également une "discipline de vie"; étroitement associée aux autres thérapeutiques, elle doit permettre au patient de vivre son asthme dans des conditions optimales.
I. Physiopathologie
Lors des crises, trois facteurs sont à l'origine de l'obstruction des voies aériennes
1. Le bronchospasme
Provoqué par la contraction des muscles lisses de tout l'arbre bronchique, il est cependant réversible.
2. L'oedème de la muqueuse bronchique
Conséquence de l'inflammation provoquée par différents agents tels que les pollens, les acariens, la poussière, le froid ou la fumée.
3. L'hypersécrétion bronchique
Seconde composante de l'inflammation, elle est séromuqueuse, très épaisse et adhérente, s'opposant au transport ciliaire.
Elle peut encombrer les petites voies aériennes et devenir un facteur de gravité en perturbant sévèrement le rapport ventilation/ perfusion.
II. Traitement
Objectifs après la crise:
1. Calmer et rassurer le patient
Il faut avant tout " dédramatiser " la crise en expliquant son mécanisme, de façon à permettre une prise de conscience qui facilitera l'adhésion indispensable du patient aux objectifs de la rééducation. En progression, il sera intéressant de proposer une technique de relaxation de façon à aider le patient à gérer l'apparition de la crise.
2. Lutte contre la douleur
La crise aura sollicité tout particulièrement les muscles inspirateurs accessoires, mais également les trapèzes et les paravertébraux qui seront contracturés et bien souvent douloureux.
Le massage global, lent et profond de cette zone péricervicale, pratiqué dans une position confortable choisie par le patient (bien souvent assis ou demi-assis et non pas allongé sur le ventre, position génératrice d'angoisse limitant la ventilation) est une indication de choix répondant également au premier objectif.
3. Désencombrement
Il s'agit à ce moment d'une phase importante et délicate avec le souci majeur de ne pas re provoquer de crise et ainsi majorer l'obstruction bronchique.
Position de travail demi-assise.
Pas d'utilisation de clapping, ni de percussions, techniques inefficaces, voire nocives car susceptibles de déclencher bronchospasmes et toux.
Le désencombrement des bronches de gros et moyens calibres n'est possible que grâce à l'accélération du flux expiratoire (A.F.E.) réalisée de façon active et associée à des vibrations manuelles.
L' A.F.E. réalisée avec la participation active du patient débute à la fin du temps inspiratoire (cf. schéma); le kinésithérapeute ayant placé ses mains sur le thorax en regard des zones encombrées (localisées après auscultation), va accompagner l'expiration, subtotale dans un premier temps, qui sera réalisée lentement, lèvres légèrement pincées (pour éviter de déclencher des bronchospasmes), en produisant des vibrations manuelles générées par la tétanisation des muscles des avant-bras (ceci dans les deux premiers tiers du temps expiratoire).
La reprise inspiratoire sera contrôlée, lente et nasale pour permettre un réchauffement de l'air et éviter de provoquer la toux (si le patient sent qu'elle va survenir, il est possible de l'éviter en lui demandant de réaliser un temps d'apnée de deux ou trois secondes en déglutissant) ; cette toux sera utilisée à minima uniquement lorsque les mucosités auront été drainées dans la partie toute supérieure de l'arbre bronchique.
Il faudra veiller à respecter la fatigabilité du patient en organisant des temps de repos multiples.
4. Amélioration de la ventilation
Cette seconde phase importante s'inscrit dans le temps bien au-delà de la crise. En effet, la ventilation de l'asthmatique est décalée dans son volume de réserve inspiratoire (V.R.I.), elle est de ce fait superficielle et moins efficace engendrant un thorax distendu et peu mobile. De plus, ce sont les muscles inspirateurs accessoires (sterno-cléïdo-mastoïdiens et scalènes) qui assurent une partie importante du travail et ainsi responsables d'une respiration haute, le diaphragme restant abaissé en position inspiratoire et donc relativement inefficace.
Il va donc être question d'une véritable éducation du patient avec une notion de progression dans cet apprentissage. L'expiration sera sollicitée progressivement pour déplacer petit à petit la ventilation vers le volume de réserve expiratoire (V.R.E.). Elle prendra d'abord la forme d'un soupir puis deviendra peu à peu plus active en veillant à la bonne synergie d'action du couple abdomino-diaphragmatique (contraction des premiers et bon relâchement avec retour en position haute du second), ainsi qu'à l'abaissement du grill costal (afin de redonner une mobilité thoracique). Il est important que le thérapeute apporte une aide sensitive extérieure par le biais de ses mains placées au niveau abdominal et thoracique de façon à favoriser l'acquisition de ce nouveau schéma moteur. En progression, il sera possible d'installer le patient face à un miroir pour qu'il puisse lui-même se corriger aussi bien en ce qui concerne la respiration que la statique (en particulier la cyphose dorsale et l'enroulement des épaules). A ce sujet, il faudra veiller à ce que le malade prenne conscience de ne pas ascensionner sa ceinture scapulaire lors de l'inspiration, là aussi l'arrêt de la participation des muscles inspirateurs accessoires ne sera demandé que progressivement et après que l'expiration ait été maîtrisée.
III. Cas particulier: l'asthme du nourrisson
La prise en charge se limitera essentiellement au désencombrement et à l'amélioration de la ventilation en respectant les mêmes principes vus précédemment, à ceci près qu'il est impossible d'obtenir une participation active de sa part. De ce fait, l'A.F.E. sera purement passive imprimée par les mains du thérapeute, la toux ne sera pas provoquée mais se déclenchera quand les mucosités atteindront les centres tussigènes des gros troncs bronchiques.
Au sein d'une infrastructure équipée, il sera pertinent d'effectuer une à deux aspirations nasotrachéales de façon à désencombrer correctement le nourrisson (ceci en respectant scrupuleusement les règles de cette technique délicate).
De même, le kinésithérapeute induira par l'intermédiaire de ses pressions manuelles le rééquilibrage des différents temps respiratoires.
Conclusion
L'asthme ne doit pas être élevé au rang des handicaps et vécu comme une fatalité, il permet une vie sociale tout à fait normale et même la pratique régulière d'un sport adapté aux capacités de la personne. Sa prise en charge kinésithérapique est simple et efficace si elle est effectuée avec rigueur et intégrée à une stratégie thérapeutique globale.
Développement et Santé, n°114, décembre 1994