Sciatiques

Par Pierre de Truchis* * Médecin rhumatologue, Groupe Hospitalier Bichat-Claude Bernard.

Publié le

La sciatique est une affection fréquente, le plus souvent bénigne et parfois très douloureuse et invalidante.

Il s'agit d'une affection douloureuse du membre inférieur, secondaire à la compression ou à l'inflammation des racines du nerf sciatique.

Rappel anatomique

Le nerf sciatique est un volumineux nerf responsable de la sensibilité et de la motricité des jambes. Il est formé par la réunion de deux racines nerveuses issues de la moelle épinière; ces deux racines, appelées L5 et S1, cheminent dans le canal vertébral, puis sortent du rachis lombaire entre les vertèbres L4 et L5 (racine L5) ou entre les vertèbres L5 et S1 (racine S1) (schéma n° 1).

Les fibres nerveuses provenant de la racine L5 permettent :

  • de relever le pied et le gros orteil,
  • de marcher sur les talons,
  • de sentir la piqûre à la partie antérieure de la jambe, sur le dos du pied et sur le gros orteil (schéma n° 2).

Les fibres issues de la racine S1 permettent :

  • d'abaisser le pied,
  • de marcher sur la pointe des pieds,
  • de sentir la piqûre et le toucher sur la partie postérieure de la jambe, le talon, la plante du pied jusqu'au petit orteil (schéma n° 2).

Diagnostiquer la sciatique

La sciatique est une douleur du membre inférieur, particulière par son siège : il s'agit d'une douleur traçante partant de la région lombaire, atteignant la fesse et la parti e postérieure de la cuisse et du genou, et descendant dans la jambe (schéma n° 2) :

  • soit par la face externe du mollet, le dos du pied et le gros orteil, en cas de sciatique L5,
  • soit par la face postérieure du mollet, le talon, la plante du pied jusqu'aux derniers orteils, en cas de sciatique S1.

Parfois la douleur est incomplète, ne descendant pas plus bas que le genou ou le mollet.

Quelle que soit la topographie de la douleur, l'interrogatoire du patient permettra de retrouver :

  • le mode de début de la sciatique, brutal ou progressif, parfois déclenché par un mouvement ou un effort particulier,

  • l'horaire de la douleur, parfois à maximum nocturne, non calmée par le repos, évoquant l'existence d'une inflammation ou parfois majorée par le mouvement ou la station debout évoquant une compression mécanique du nerf,

  • l'existence d'antécédents de lombalgies, de sciatiques anciennes.

Rechercher des signes de gravité

Une fois la sciatique reconnue par la topographie de la douleur, il faut s'assurer de l'absence de complications urgentes à traiter :

  • paralysie de la jambe avec impossibilité de la marche, pied tombant....
  • signes d'atteinte de toutes les racines sacrées avec troubles sphinctériens (incontinence urinaire ou fécale, rétention urinaire) et anesthésie " en selle " (insensibilité cutanée sur les régions génitales).

En présence de telles complications, le patient doit être transféré au centre hospitalier le plus proche, afin d'éviter une paralysie irréversible.

Examiner le patient

Il faut examiner le rachis en position debout si possible : recherche d'une douleur et d'une raideur lombaire associées à la sciatique.

On recherche également un " signe de la sonnette " : reproduction de la douleur sciatique à la pression paravertébrale en L4-L5 ou L5-S1 : l'existence d'un tel signe affirme la lésion de la racine nerveuse.

De même, l'existence d'un signe de Lasègue affirme la sciatique et son origine radiculaire : reproduction de la douleur sciatique jusque

dans la jambe lors de l'élévation du membre inférieur, genou étendu (schéma n° 3).

Enfin l'examen neurologique, explorant les territoires des racines L5 et S1 pourront faire connaître le niveau de la sciatique (compression de la racine L5 ou de la racine S1) :

  • étude de la force musculaire : extension du pied et du gros orteil (racine L5), flexion du pied et marche sur la pointe (racine S1),
  • étude de la sensibilité, diminuée à la piqûre ou au toucher, soit dans le territoire L5, soit dans le territoire S1 (schéma n° 2),
  • étude des réflexes: absence de réflexe achilléen en cas de sciatiques.

Reconnaître la cause de la sciatique

La sciatique discale est la plus fréquente

Elle est provoquée par une hernie du disque intervertébral qui vient comprimer la racine nerveuse au niveau de la sortie de celle-ci hors du canal rachidien.

La sciatique par hernie discale survient souvent brutalement après un facteur déclenchant: traumatisme, effort de soulèvement, mouvement anormal.

La sciatique peut débuter d'emblée, ou plus souvent succéder à une lombalgie aiguë. L'examen clinique retrouve l'existence d'une sciatique monoradiculaire (L5 ou S1) associée à des signes rachidiens (douleur et raideur lombaire, attitude antalgique latérale). La douleur est augmentée par la toux, les mouvements, et plutôt calmée par le repos complet.

Dans la grande majorité des cas, l'évolution de cette sciatique discale est favorable en quelques semaines.

D'autres affections peuvent être responsables de sciatiques

Elles sont importantes à reconnaître en raison des traitements nécessaires. Ces causes non discales seront suspectées devant :

  • une sciatique à début progressif, sans facteur déclenchant ni lumbago inaugural,

  • une douleur à maximum nocturne,

  • une sciatique très douloureuse rebelle au repos et aux traitements habituels,

  • l'existence de douleur à la pression d'une épineuse lombaire,

  • l'existence de fièvre, d'amaigrissement, de fatigue anormale.

Il s'agit alors de sciatiques d'origine inflammatoire, pouvant être secondaires à une Infection vertébrale (spondylodiscite, surtout tuberculeuse), à une tumeur osseuse, ou plus rarement à d'autres causes. Ces sciatiques inflammatoires nécessitent le transfert du patient à l'hôpital pour que le traitement spécifique puisse être débuté.

Traiter la sciatique

Toutes les sciatiques d'origine inflammatoire devront être transférées à l'hôpital, de même que les sciatiques s'accompagnant de paralysie.

Le traitement des sciatiques discales fait appel:

  • au repos strict au lit, allongé à plat, 24 heures sur 24, tant que dure la douleur: c'est l'élément essentiel du traitement,
  • aux médicaments antalgiques : Aspirine 2 à 3 g/j chez l'adulte, Paracétamol....
  • aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, en l'absence d'antécédent d'ulcère gastrique.

Ce n'est que dans certains cas rebelles au repos bien conduit que l'on pourra proposer l'hospitalisation du patient afin de rechercher une cause non discale, et pour utiliser des traitements complémentaires, voire proposer une intervention chirurgicale.

Conclusion

Le diagnostic de la sciatique est simple, reposant essentiellement sur l'interrogatoire du patient qui décrit une douleur localisée et traçante dans le membre inférieur. La sciatique est le plus souvent due à une hernie discale lombaire; son traitement nécessite alors le repos le plus strict, ainsi que la prescription de médicaments antalgiques. Il faut toujours penser à éliminer une sciatique " inflammatoire " ou infectieuse, nécessitant un bilan et un traitement à l'hôpital.

Développement et Santé, N°81, juin 1989