Rappels sur la prévention de la transmission sexuelle du VIH

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Un chapitre est consacré plus loin à la transmission mère enfant (TME) et un autre à la transmission lors des soins, ce chapitre ne concerne que la transmission par voie sexuelle

I. Définitions

La prévention est définie par tout acte ou comportement destinés à supprimer ou à diminuer l'apparition d'une maladie et ses conséquences.

On définit :

  • la prévention primaire : elle a pour but d'empêcher l'apparition de la maladie en réduisant la transmission de l'agent pathogène ou l'exposition à un facteur la favorisant ;
  • la prévention secondaire : elle vise à retarder l'apparition et diminuer la gravité de la maladie au moyen d'un dépistage et d'une prise en charge précoces ;
  • la prévention tertiaire : son objectif est la réduction de la fréquence des complications ou des décès.

II. Objectifs infirmiers

Il s'agit, pour l'infirmier, de développer les comportements de prévention dans la population dont il a la charge.

1. Les moyens de prévention de

la transmission du VIH par voie sexuelle

En Afrique, c'est le premier mode de transmission par sa fréquence : de 80 à 90 % des cas. De plus, la quasi-totalité des cas de transmission par voie sanguine ou de la mère à l'enfant sont secondaires à une contamination sexuelle.

Le but de cette prévention (primaire) est d'empêcher le virus de passer d'un sujet à l'autre lors de rapports sexuels avec pénétration.

Nous avons vu plus haut, dans les rappels épidémiologiques, que s'il n'y a pas de pénétration (vaginale ou anale), le risque de transmission n'est pas prouvé ; il en est de même pour les rapports buccaux mais on applique le principe de précaution.

Classiquement, on parle (en français) de AFP « abstinence, fidélité, préservatif », de PAF « préservatif, abstinence, fidélité » ou de CFA « condom, fidélité, abstinence ».

Depuis deux ans, on envisage de nouvelles méthodes :

  • d'une part des méthodes empêchant la contamination génitale ou agissant sur certains facteurs favorisants,
  • d'autre part une prescription médicamenteuse administrée après un contact et destinée à empêcher le virus de se développer. On parle alors de « traitement préventif » ou de « prévention post-exposition ».

2. Les méthodes classiques utilisées depuis 30 ans et plus

a. L'abstinence

C'est la méthode la plus sûre et efficace à 100 % : si vous êtes seul (e) sur une île déserte, vous ne pouvez pas être contaminé (e) par voie sexuelle.
En revanche, dans la vie courante, elle est peu faisable ; mais comme cela est préconisé dans la stratégie de « La flottille de l'espoir » (voir annexe), elle est utilisée soit chez certains « religieux », soit pour de courtes périodes et « par nécessité » (voyages, maladies, absence du conjoint).

L'abstinence a été préconisée soit de façon exclusive, soit de façon privilégiée par certains programmes, en particulier celui du président Bush (PEPFAR). L'évaluation qui vient d'être faite montre que, aussi bien en Amérique qu'en Afrique, les jeunes ayant bénéficié de ces programmes n'ont pas de pratiques sexuelles différentes des autres jeunes (même nombre de rapports sexuels, même âge du premier rapport, même nombre de rapports non protégés).

b. Le préservatif masculin ou condom

C'est la méthode la plus utilisée et la mieux connue, et dont les preuves de son efficacité sont nombreuses.
L'efficacité « théorique » des préservatifs est excellente : lors des tests faits en laboratoire, elle est de plus de 99 %. Le préservatif ne laisse pas passer le virus.
Les problèmes d'efficacité rencontrés sont dus à une mauvaise utilisation ou à une conservation incorrecte.

Tous les préservatifs fournis par les circuits officiels (système de santé, pharmacies, programmes de lutte, associations reconnues) sont de bonne qualité.

Il faut vérifier :

  • que la date de péremption n'est pas dépassée,
  • que le produit fait référence à des normes américaines, européennes ou japonaises,
  • qu'il a été conservé à l'abri du soleil et des températures élevées (> 35° C),
  • que les emballages sont intacts.

Plus les préservatifs sont et seront utilisés, plus on observe deux problèmes : les ruptures et les allergies au latex.
Les ruptures sont évitées par une bonne pratique d'utilisation (voir encadrés).

Conseils de bonne utilisation des préservatifs masculins
  • Ouvrir l'emballage avec douceur.
  • Dérouler le préservatif dans le bon sens sur le pénis en érection ; il se déroule correctement si on ne force pas.
  • Ne pas se préoccuper du réservoir ni de préserver un espace.
  • Le garder jusqu'à la fin de l'orgasme.
  • Se retirer avant que le pénis ne redevienne mou et enlever le préservatif.
  • Faire un noeud et le jeter dans une poubelle fermée par un couvercle.
  • Les préservatifs sont à usage unique : ne jamais réutiliser un préservatif.
  • Utiliser un lubrifiant spécifique à cet usage ou, à défaut, la salive.
Gestes à éviter pour un bon usage du préservatif masculin
  • Utiliser les dents ou un instrument coupant pour ouvrir l'emballage.
  • Manipuler le préservatif avant sa mise en place pour chercher le sens de déroulement ou préserver une poche d'air.
  • Mettre deux préservatifs l'un sur l'autre ; deux masculins ou un masculin et un féminin.
  • Utiliser un lubrifiant d'origine minérale (huile de mécanique, produit pour la peau, produit de rasage).
  • Dérouler le condom dans le mauvais sens et forcer le déroulement.

L'allergie au latex oblige la personne à utiliser des préservatifs en matière plastique, difficiles à trouver en Afrique.

c. La fidélité

Elle consiste à avoir des rapports sexuels uniquement avec le même partenaire (ou les mêmes pour les ménages polygames).
Les deux partenaires doivent avoir le même statut sérologique : tous les deux négatifs, à la rigueur tous les deux positifs.
La fidélité doit être réciproque, et chacun doit avoir confiance en l'autre.
Dans les couples sérodiscordants (l'un positif, l'autre négatif), la fidélité seule ne protège pas. Actuellement, c'est dans ces couples que la transmission est la plus fréquente en Afrique.

d. Le préservatif féminin

Il s'agit d'un étui en plastique que la femme introduit dans son vagin avant le rapport sexuel. La mise en place est similaire à celle d'un tampon périodique.

Avantages

  • Il permet à chaque femme de gérer elle-même sa double protection (IST et grossesse non désirée). C'est la décision de la femme et son autonomie.
  • Il se place à l'intérieur du vagin avant chaque rapport sexuel.
  • Il peut être placé juste avant le rapport sexuel ou quelques heures plus tôt.
  • Il doit être jeté après chaque rapport, il n'est pas réutilisable.
  • Il peut rester dans le vagin après le rapport sexuel.
  • Il est en plastique (polyuréthane) et non en latex. ; il est donc utilisable même en cas d'allergie au latex.
  • Le polyuréthane est plus robuste que le latex.
  • Il peut être utilisé avec n'importe quel type de lubrifiant.
  • Il convient à toute femme, même si elle porte un stérilet.
  • Il se place en position assise, couchée, ou debout un pied posé sur une chaise, comme un tampon périodique.

Inconvénients

  • Sa mise en place nécessite un petit apprentissage. Il est recommandé de s'entraîner tranquillement à le placer.
  • Il est plus cher que le préservatif masculin.
  • Au moment du rapport, il faut s'assurer que le pénis entre bien dans le préservatif et non à côté
  • Il ne doit pas être utilisé avec un préservatif masculin (frottement),
Toutes ces méthodes protègent également des aut res IST et évitent les grossesses non désirées.

e. Les autres modes de prévention actuels

Diagnostic et traitement des IST : voir fiche IST. On sait que toutes les IST favorisent localement la contamination par le VIH. Aussi, les programmes de lutte contre le VIH/SIDA comportent un volet IST avec administration d'un traitement, systématique ou après diagnostic d'IST.
Ainsi, en Ouganda, il a pu être démontré que cette stratégie permettait de diminuer le nombre des nouvelles infections par le VIH.

Circoncision des garçons.
Elle est envisagée selon les indications de l'OMS :

  • si la séroprévalence VIH est supérieure à 5 % ;
  • si la fréquence de la circoncision traditionnelle est inférieure à 70 %.
    Il a été démontré que, si la séroprévalence à VIH est basse ou si la fréquence naturelle de la circoncision est élevée, un programme de promotion de ce moyen ne serait pas utile.
    Le lien entre circoncision et séroprévalence basse est connu depuis longtemps (1986), mais on a dû attendre les résultats des essais « thérapeutiques » menés en République sud-africaine), en Ouganda et au Kenya pour que soit reconnu le rôle protecteur de la circoncision masculine (la circoncision diminue d'environ 50 % le risque de séroconversion chez l'homme). La circoncision n'a pas d'effet favorable chez la femme, comme cela vient d'être démontré en Ouganda.

Elle ne protège pas individuellement à 100 % et ne remplace donc pas les comportements préventifs, le port de préservatif en particulier. Mais dans des programmes de lutte contre le VIH, la diffusion de la circoncision masculine est un moyen supplémentaire qui joue un rôle non négligeable.

Concrètement, la circoncision, si elle n'est pas faite traditionnellement avant, peut être proposée aux garçons vers l'âge de 14 ans, ou plus tôt si l'âge moyen du premier rapport est plus bas. Elle se fera dans des conditions d'hygiène et de soins de bonne qualité, c'est-à-dire dans des structures de santé reconnues, par des personnes formées et avec des moyens spécifiques.

Les « microbicides » ou « virucides »
Les premiers microbicides ou virucides visaient une large gamme d'agents pathogènes viraux et bactériens (microbes) et pas seulement le VIH, ils étaient aussi utilisés comme contraceptifs. Aucun de ces microbicides n'a démontré son innocuité et son efficacité contre le VIH. Actuellement, les recherches s'orientent vers des microbicides à base d'antiretroviraux, dont un gel vaginal qui contient le ténofovir.

Vaccination et lutte contre l'herpès
Nous avons vu que la séroprévalence au virus Herpès 2 était très liée à la séroprévalence au VIH (voir rappels épidémiologiques plus haut). Des études sont en cours pour déterminer à quel moment et comment traiter préventivement l'herpès afin de diminuer le nombre des infections par VIH. Il faut définir l'âge de traitement par acyclovir (ou autre), et savoir s'il faut traiter tout le monde, ceux qui ont des signes ou seulement après sérodiagnostic.
D'autre part, de nombreux travaux sont actuellement développés dans le but de mettre au point un vaccin contre ce virus.

ARV en prophylaxie (ténofovir)
Un des nouveaux outils de prévention est, avec la circoncision et les microbicides, l'emploi par voie orale d'un antirétroviral, le ténofovir, en prophylaxie pré-exposition.
Des travaux réalisés en laboratoire ont montré qu'une souris traitée par ténofovir ne pouvait plus être infectée par le VIH. Des études menées chez l'homme ont montré une protection des sujets recevant du ténofovir. Des études sont en cours avec d'autres ARV.

NB : Pour tester une méthode préventive, il faut l'appliquer à des groupes de personnes ayant un risque élevé de contamination. En ce qui concerne le VIH, deux groupes sont dans cette situation : les prostitué(e)s de bas niveau économique ou les homosexuels masculins qui refusent les comportements préventifs (20 % environ des homosexuels).

III. Actions et suivi infirmiers

1. Sensibilisation

L'infirmier doit sensibiliser tous ses patients et ses connaissances et promouvoir des conduites de prévention.
Il doit savoir conseiller la meilleure méthode pour chaque personne, sans a priori.
Il peut s'aider de la stratégie de « La flottille de l'espoir », acceptée par la très grande majorité des religieux. Le principe en est le suivant : il existe 3 moyens de prévention et l'important est d'en choisir un. Et surtout, il est possible et recommandé, si les circonstances de la vie l'imposent, de changer de moyen, mais il ne faut en aucun cas s'abstenir d'un comportement préventif (voir annexe « Flottille de l'Espoir »).

2. Connaissance des produits et de leur disponibilité

L'infirmier doit connaître les modes d'emploi des préservatifs masculins et féminins et savoir répondre à la quasi-totalité des questions qui lui sont posées (il doit référer et savoir où référer en cas de situations particulières comme le désir d'enfant).
Il doit connaître les lieux où ces préservatifs sont disponibles, mieux il peut s'accorder avec les services de marketing social qui les vendent (PSI) ou les services qui les donnent (programme national SIDA, programme de SR) pour les distribuer dans son dispensaire.

3. Dépistage et traitement

L'infirmier doit dépister et traiter tous les patients ayant des IST, sans juger et sans oublier de traiter le(s) partenaire(s), puis conseiller un dépistage et revoir avec la personne les comportements de prévention.
Enfin, il doit sortir de son dispensaire et faire de l'information-sensibilisation dans sa communauté (réunions de quartier, dans les communautés villageoises, les écoles et collèges, les coopératives, etc.).

Quelques questions/réponses sur le préservatif

Questions Réponses
Le préservatif rend-il stérile ? Non, le port du préservatif n'influe pas sur la santé du porteur, même si un rapport sexuel avec préservatif est stérile (les spermatozoïdes ne passent pas)
Quand on utilise le préservatif, la femme ne risque-t-elle rien pour sa santé ? Il s'agit d'une croyance traditionnelle que le sperme est nécessaire à la santé de la femme. En fait le sperme reste dans le vagin et ne pénètre pas dans l'organisme féminin.
Les préservatifs envoyés en Afrique ne sont-ils pas trop petits ? En fait, il n'y a que 2 tailles et tous les préservatifs en Afrique sont de grande taille. Même s'il serre, un préservatif peut contenir plus de 30 litres de liquide alors qu'une éjaculation est 5 ou 6 cl.
Que faire si un préservatif se rompt ? Il faut tout de suite se retirer et les 2 partenaires doivent faire une toilette intime énergique. Dans certaines villes, il existe des services qui peuvent prendre en charge ces cas.
Et si le préservatif reste dans le vagin ? Ce n'est pas grave, la femme pourra l'enlever sans difficultés. Pour éviter cela, il faut se retirer quand le pénis est encore dur, et il est possible de serrer la base du pénis en se retirant.
Le port du préservatif retarde-t-il l'éjaculation ? C'est vrai, mais dans de petites proportions et le plaisir en est plus grand.
Avec le préservatif, les sensations sont-elles diminuées ? Le port du préservatif diminue un peu les sensations mais rapidement on n'en a plus conscience et les condoms récents sont très fins.
La femme peut-elle refuser un rapport sans préservatif ? Oui, elle peut et doit refuser et l'homme doit respecter ce droit. Elle a le droit de refuser tous rapports.