Protéines d’insectes et biscuits fortifiés pour les enfants souffrant de malnutrition en Afrique

Par Séverin Tchibozo*, Jocelyne Meura* et Patricia Mergen** *Centre de Recherche pour la Gestion de la Biodiversité (CRGB), 04 B.p. 0385 Cotonou, Bénin** Muséum Royal de l’Afrique Centrale (MRAC), Leuvensesteenweg 13, 3080 Tervuren, Belgique

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La faim recule dans le monde, mais 805 millions de personnes souffrent encore de sous-alimentation chronique (http://www.fao.org/news/story/fr/item/243863/icode/) [1]. En République du Bénin, la consommation d’aliments riches en fer, en protéines et en vitamine A est insuffisante dans les ménages, avec une alimentation pauvre et limitée. Environ 69 % des ménages ne consomment pas d’aliments riches en fer, 37 %, en protéines et 18 % en vitamine A (PAM, 2014)2. Au Bénin, 43 % des enfants souffrent de malnutrition chronique. Ce pourcentage est supérieur à la moyenne de 39 % observée en Afrique subsaharienne (http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2013/12/19/world-bank-benin-malnutrition-motherschildren) [3]. Un apport nutritionnel adapté est primordial pour assurer une meilleure santé à tout âge, mais surtout une croissance normale chez l’enfant. Lutter contre la sous-nutrition est essentiel pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD 1).

Dans de nombreux pays africains (Bénin, Niger, Burkina Faso, Mali, Cameroun, etc.), les insectes comestibles et les céréales font partie de l'alimentation traditionnelle. La transformation de ces ressources peut contribuer aux carences alimentaires. Surtout les protéines deviennent de plus en plus rares dans l’alimentation de l’homme. Cette déficience est très marquée dans le monde et particulièrement en Afrique. La fabrication de biscuits fortifiés contenant des protéines et des éléments énergétiques contribuerait à réduire ces déficiences, et permettrait particulièrement aux enfants malnutris de les combler.
​Une bonne nutrition est la pierre angulaire de la survie, de la santé et du développement de l’enfant.

I. Matériel et méthodes

Des farines de criquets et de chenilles ébouillantées et séchées, du sorgho, du mil et d’autres ingrédients (sel, sucre, poivre, huile d’arachide, sucre roux, levure, œuf) sont utilisés pour fabriquer les biscuits. L’ensemble a été mélangé et cuit dans un four.
Les méthodes utilisées pour les analyses (norme TVN2 - Règlements CE 2073/2005 et 1441/2007, valeurs directrices AFSCA) de protéines totales brutes de la farine des insectes alimentaires, et les caractéristiques gustatives des biscuits sont :

Protéines

Référence normative : NF V04-407 - Viandes, produits à base de viandes et produits de la pêche - Détermination de la teneur en azote total et calcul de la teneur en protéines - Méthode Kjeldahl avec le principe prise d’essai minéralisée dans un bloc de minéralisation. La teneur en protéines brutes est obtenue en multipliant le résultat par le facteur conventionnel de 6,25.

Sodium

Références normatives : Dérivée de XP V18-116 : Aliments des animaux - Dosage des cendres brutes et mise en solution des éléments minéraux. ISO 11885 : Qualité de l'eau - Dosage d'éléments choisis par spectroscopie d'émission optique avec plasma induit par haute fréquence (ICP-OES) avec le principe de calcination de 2g d’échantillon prédesséché dans un four à moufle à 450°C pendant 24h (montée en température suivant une rampe progressive). Dosage à l’ICP.

Glucides assimilables

Pourcentage de glucides assimilables : 100% - (% H2O + % MGT + % MMT + % PBT + % fibres).

Valeur énergétique

Référence : Règlement (UE) 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires avec le principe de coefficients.

II. Résultats

Les protéines totales brutes de la farine des chenilles est de 38,8% et de 31,8% pour les criquets. Le tableau 1 montre l’étiquetage nutritionnel des biscuits fortifiés fabriqués.

Tableau 1. Étiquetage nutritionnel ou composition des biscuits fortifiés
Etiquetage nutritionnel ou composition Biscuit A Biscuit B
Valeur énergétique (kcal/100 g) 446 390
Valeur énergétique (kj/100 g) 1866 1640
Protéines brutes totales (100 g) 8,88 10,6
Sodium total (mg/100 g) 192 174
Glucides assimilables (100 g) 50,9 53,8

Le biscuit A est constitué de farines de mil et de chenille et le B du sorgho et criquet y compris les ingrédients pour fabriquer des biscuits.

III. Discussion

Aucun biscuit fabriqué à base des céréales locales et de farine d’insectes n’existe sur le marché du Bénin, et probablement en Afrique. Les produits similaires qui existent au Bénin sont des farines pour enfants et quelques biscuits fabriqués à base de farine de blé provenant du Nigeria. Nous avons choisi spontanément le biscuit d’une marque sur l’emballage duquel figure en grand format un enfant pour faire une comparaison avec les biscuits fortifiés A et B fabriqués pour les enfants malnutris d’Afrique. Ce produit commercial est fabriqué au Nigeria et vendu un peu partout au Bénin.

Le taux de protéines des biscuits A et B est supérieur à celui du produit commercial dont aucun des ingrédients (farine de blé, sucre, huiles végétales comestibles, sirop inverti, sel, bicarbonate d’ammonium [E 503(ii)], lait écrémé en poudre, bicarbonate de soude [E 500(ii)], lécithine de soja [E 322], saveur artificielle de vanille et métabisulfite de sodium [E 223]) ne provient de céréales locales et de farine d’insectes.

Les biscuits fabriqués localement avec de la farine en provenance du Nigeria de deux marques différentes (ingrédients : riz, maïs, lait et sucre) et (ingrédients : maïs, sorgho, soja, sucre, complexe vitamines et fer, vanille) destinés aux enfants et fabriqués au Bénin s à partir de l'âge e 4 et 6 mois contiennent 14 % à 16 % de protides, 366 à 380 kcal/100g.
Les biscuits que la majorité des enfants consomment dans les zones rurales du Bénin et parfois en ville sont fabriqués au Nigeria et en Chine, et pour la plupart, aucune indication des taux de pourcentage des ingrédients ne figure sur l'emballage. Par exemple, l’une de ces marques a pour constituants sucre, sel, huile végétale, lait, glucose, lécithine, beurre, sodium bicarbonate, bicarbonate d’ammoniaque et farine de vanille. L’étiquetage nutritionnel ou composition des biscuits A (446 kcal/100 g et 8,88 de protéines/100 g) et B (390 kcal/100 g et 10,6 de protéines/100g) montrent qu’ils sont supérieurs en macronutriments (énergie kcal et protéines) par rapport aux farines et biscuits que les enfants consomment en période de croissance. Les biscuits fortifiés fabriqués peuvent aussi combattre ou diminuer les effets de la malnutrition protéino-énergétique sévère chez les enfants âgés de 6 mois et plus.

Le protocole national du Bénin de prise en charge de la malnutrition aigue recommande que la prise de 100kcal/kg/j à 130kcal/kg/j est suffisante pour permettre à l’enfant de prendre du poids (République du Bénin, 2011)4. Les biscuits fortifiés peuvent être aussi un substitut au BP-100 (équivalent au Lait F100 qui apporte 100 kcal pour 100 ml de lait) qui est un aliment thérapeutique prêt à l'emploi, sous forme de barre recommandé par le même protocole.

Conclusion

Les biscuits fortifiés pour les enfants malnutris vont améliorer les éléments nutritifs protéiniques et contribueraient à réduire ces déficiences chez les enfants malnutris.
Les biscuits sont prêts à la consommation tandis que les farines doivent être transformées avant la consommation. Ils sont moins exposés aux aléas hygiéniques (par exemple : la présence des charançons). La différence entre ces farines et ces biscuits est qu’ils sont fabriqués avec des produits locaux exceptionnels et complets, tels que les insectes alimentaires.
Des dégustations ont été faites chez les enfants et les adultes et la majorité a préféré le biscuit B au biscuit A compte tenu de son goût et moins farineux. Ces biscuits peuvent contribuer à assurer la sécurité nutritionnelle au Bénin et en Afrique.

La commercialisation de produits alimentaires à base d’insectes augmentera l’offre de produits alimentaires en zone rurale béninoise tout en proposant une diversification de l’offre existante. Cette action permettra d’apporter des protéines d’origine animale avec des acides aminés essentiels et des micronutriments dans l’alimentation de populations marginalisées (Lignet, 2012) [5].

Bibliographie

  1. FAO. http://www.fao.org/news/story/fr/item/243863/icode/. 2014.
  2. PAM. Rapport de l’Analyse Globale de la Vulnérabilité et de la Sécurité Alimentaire (AGVSA) de la République du Bénin. Programme Alimentaire Mondiale (PAM). 2014;142 p.
  3. World Bank. http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2013/12/19/world-bank-benin-malnutrition-motherschildren. 2014.
  4. République du Bénin. Protocole national de prise en charge de la malnutrition aigue. Ministère de la Santé, Direction de la Santé de la Mère et de l’Enfant, Unicef et Oms. 2011;193 p.
  5. Lignet, CH. Comment développer une filière d’insectes comestibles au Bénin pour lutter durablement contre la malnutrition infantile? Mémoire de fin d’études. Istom, Ecole d’ingénieur en agro-développement international. 2012; 64 p.

Remerciements: A Laurent Paternostre et Sabine Vico des Laboratoires d’analyses du CARAH à Ath en Belgique pour avoir réduit les coûts d’analyses biochimiques des biscuits et des farines d’insectes.