Ponction d'ascite

Par Olivier Bismuth Médecin généraliste

Publié le

I. Rappel clinique sur l'ascite

La ponction d'ascite consiste à retirer du liqui­de d'ascite, c'est-à-dire d'un épanchement liquidien dans le péritoine dans le but soit diagnostique, soit thérapeutique.

Normalement la cavité péritonéale ne doit pas être remplie de liquide. Le diagnostic clinique de cet épanchement se porte :

  • A l'inspection : devant un gros abdomen qui retombe en besace, avec parfois l'ombilic déplissé.
  • Sur la percussion qui montre une matité dif­fuse, franche, et on ne perçoit plus les sono­rités normales de l'estomac et des intestins.
  • Sur la palpation en cas de gros épanche­ment avec le signe du flot: une chiquenaude lancée sur un des flancs de l'abdomen est ressentie par une main posée sur l'autre flanc comme un mouvement de vague.

Le diagnostic clinique est généralement aisé devant un gros épanchement. Il peut être difficile si l'épanchement est petit, l'abdomen est à peine augmenté de volume et le principal signe clinique consiste en une matité des flancs. Mieux vaut dans ce cas s'abstenir de pratiquer la ponction si ce geste n'est pas indispensable et que l'on est hors d'un hôpital. Le principal problème est de déterminer la cause et dans ce but, la ponction devient indispensable.

II. Indications de la ponction

1. La ponction d'ascite peut être pratiquée dans un but diagnostique

  • Pour affirmer la présence de liquide dans le péritoine, ce qui est anormal.
  • Pour déterminer une étiologie, selon l'aspect et la composition du liquide : cancéreuse, tuberculeuse, infectieuse à germes banals, par hyperpression veineuse chez le cirrho­tique, inflammatoire, etc.

Pour cela, il faut observer le type de liquide.

On peut se trouver devant les situations suivantes :

a) Un patient a une ascite, une altéra­tion de l'état général (asthénie, anorexie, amaigrissement) et éventuellement un syndrome tumoral (masse abdominale anormale, dure; saignements, douleurs, etc.). La ponction ramène un liquide san­glant qui confirme l'extension du processus cancéreux au péritoine. A l'inverse, un liquide d'ascite sanglant, en dehors d'un traumatisme abdominal responsable d'une hémorragie interne, est un argument en faveur d'une ascite carcinomateuse.

b) Un patient tuberculeux a une ascite. La ponction ramène un liquide citrin jaune-brun. L'analyse biologique du liqui­de, si elle est possible dans le dispensaire, montre qu'il est riche en cellules, en parti­culier en lymphocytes et en protéines, plus de 30 g/1. La culture sur milieu de Löwenstein, si elle est pratiquée, mettra en évi­dence des BK. Le liquide est dit exsudatif, et d'origine inflammatoire. Inversement, un patient avec une ascite au liquide citrin riche en cellules et protéines, a probable­ment une ascite turberculeuse.

c) Un patient cirrhotique, ancien alcoolique chronique, a,une volumineuse ascite avec des oedèmes des membres inférieurs. La ponction ramène un liquide jaune ­clair, pauvre en cellules et en protéines avec moins de 30 g/1. Il s'agit d'un trans­sudat, c'est-à-dire que le mécanisme est dû non pas à une inflammation comme dans le cas précédent, mais à une hyperpression veineuse. Le foie étant dur et scléreux, joue le rôle d'un barrage. Les veines portes qui y afférent, se dilatent à tel point que le plasma sanguin traverse les parois des vaisseaux pour retomber dans la cavité péritonéale.

On peut avoir un liquide pareillement trans­sudatif chez un malade en grande insuffi­sance cardiaque.

A noter encore, chez un malade cirrhotique dont le liquide avait été analysé et considé­ré transsudatif, et dont le même liquide devient riche en cellules et en protéines, donc exsudatif, que cette transformation du liquide traduit souvent une surinfection tuberculeuse récente.

d) Il faut suspecter une ascite infectée à germes banals chez un malade avec un syndrome infectieux (fièvre, mauvais état général) associé à une ascite et à un foyer infectieux régional, possible porte d'entrée. La ponction ramène un liquide trouble, parfois citrin ou légèrement verdâtre, riche en polynucléaires, ou contenant du pus (la mise en culture tachera d'identi­fier des germes responsables). Il faudra très rapidement déterminer l'origine de cette ascite infectée, tout en débutant un trai­tement antibiotique énergique.

e) D'autres causes, rares, sont possibles mais nous ne nous y attarderons pas.

2. La ponction d'ascite peut être pratiquée dans un but thérapeutique

Il s'agit d'un cirrhotique souffrant d'un énorme épanchement de dix à vingt litres, comprimant le thorax et gênant la respiration et la pompe cardiaque. Des ponctions vont soulager le patient mais sans le guérir et avec le risque de le priver d'eau et d'électrolytes contenus dans le liquide.

a) En fait, avant de pratiquer une ponc­tion d'ascite, il faut bien réfléchir sur l'utilité et la nécessité de ce geste, car ce geste simple n'est pas anodin.

Il comporte des risques :

  • surinfection du liquide par la ponction,
  • fistulisation par l'orifice de ponction,
  • blessure de l'intestin ou de la rate par l'aiguille,
  • déperdition de protides et d'électrolytes par des ponctions fréquentes et trop répétées,
  • malaise ou choc par une évacuation de liquide trop rapide.

b) Par ailleurs, chez certains malades dont le diagnostic est fait et s'avère de mauvais pronostic et dépourvu de ressources théra­peutiques réelles, il faut se demander si ce geste est vraiment indispensable et ne serait pas plutôt nuisible.

III.Technique

1. Matériel

  • Compresses stériles, coton, alcool iodé.
  • Trocard stérile, de préférence à usage unique, ou alors stérilisé à l'autoclave à 180° pendant trois quarts d'heure. Rappelons que la poissonnière, fréquemment utilisée, sert à faire cuire les poissons comme son nom l'indique, mais ne peut stériliser les aiguilles. A défaut de trocard, on peut utiliser une aiguille IM longue et large, d'usage unique.
  • Seringue stérile de 10 ou 20 cc.
  • Deux tubes pour analyse cytochimique.
  • En cas de ponction évacuatrice, une tubulure de perfusion et un bocal gradué.

2. Technique

Le patient est en décubitus dorsal, couché sur le dos. Avant tout, on palpe l'abdomen et on s'assure qu'il n'a pas une grosse rate qui des­cend jusqu'à l'ombilic ou plus bas, comme c'est souvent le cas en milieu tropical. La ponction devient contre-indiquée du côté gauche dans ce cas.

On repère le point de ponction. Sur le flanc gauche, on trace une ligne entre l'ombilic et l'épine iliaque antéro-supérieure. Cette ligne est partagée en trois tiers et le point de ponc­tion se situe entre le tiers externe et le tiers moyen toujours en pleine zone de matité. Après s'être lavé et désinfecté les mains et avoir désinfecté le point de ponction, on pique perpendiculairement la paroi. L'anes­thésie locale est inutile. On retire le mandrin et on recueille le liquide dans les tubes à essai. En cas de ponction évacuatrice, on installe la tubulure et on règle le débit d'écoulement selon la tolérance du malade. En général, on évacue deux litres en une heure. Si le liqui­de ne vient pas, on demande au malade de se pencher légèrement sur le côté gauche et on bouge un peu l'aiguille. Si le liquide ne vient toujours pas, on n'insiste pas trop et on conclut à une ponction blanche. A la fin, on retire l'aiguille, on aseptise la plaie et on place un pansement stérile, en demandant au malade de se pencher sur le côté droit.

Développement et Santé, n°183, 2006