Petite histoire du SIDA
Module SIDA - Annexe 1 Petite histoire du VIH/SIDA " Découverte " du SIDA Certains ont voulu faire remonter les premiers cas de Sida à l'époque des pharaons avec la maladie appelée " âaâ " ou au temps de Moïse avec la " maggepha ", contractée par les israélites avec les filles moabites dans des unions impures. Pour d'autres, il aurait été rapporté des Amériques au 15° siècle par les caravelles de Christophe Colomb, mais ces faits ont tous été rapportés antérieurement pour la syphilis. Quant aux principales maladies opportunistes elles sont de découverte plus récente : le sarcome de Kaposi en 1872, la pneumocystose en 1909. Dès les années 1977-79, des médecins de New York (NY) avaient remarqué chez les homosexuels que des affections rares apparaissaient telles qu'hépatites virales, herpès génital, parasitoses, infections à CMV, accompagnées de fièvres, sueurs, hypertrophie ganglionnaire, tous signes d'une diminution des défenses immunitaires. En 1981, le " Center of Disease Control " (CDC) à Atlanta, est alerté par la soudaine demande accrue de pentamidine, médicament surtout utilisé dans la maladie du sommeil, les leishmanioses et les rares pneumocystoses. En juin 1981 la revue du CDC publie, sous le titre " cas de pneumocystoses à L.A. ", la première publication sur le SIDA. Une deuxième alerte apparaît aux USA à propos d'une tumeur rare (500 cas depuis 1872), le sarcome de Kaposi. Celle-ci ne s'était rencontrée qu'en Afrique ou autour du bassin méditerranéen chez des sujets âgés. Le CDC, fait paraître le 04/07/81 une seconde publication dans son bulletin " Sarcome de Kaposi et pneumocystose chez des homosexuels à N.Y. et en Californie ". Une notion nouvelle apparaît en mars 1982 après le constat de cas de pneumocystoses chez des hémophiles et chez des utilisateurs de drogues par IV ; les gays ne seraient donc pas les seuls concernés, ce qui amena à changer le nom de la maladie (GRID) en AIDS ou " Acquired Immuno Deficiency Syndrome " ou SIDA en français. Fin 1982, les sujets d'origine haïtienne sont trouvés comme nouveau groupe à risques (maladie des 3 H). En Afrique, à la même époque, on connaissait 5 cas de toxoplasmose évacués en Belgique en 1982 et on remarquait une augmentation des cas de cryptococcose à Kinshasa. Histoire de virus On sait actuellement que le VIH est un virus de singe (SV 40 pour HIV2 et SV cpz pour HIV1) qui aurait franchi la barrière d'espèce en Afrique, à une date non déterminée, il y a environ 150 ans. Mais en 1982 l'étiologie n'était pas évidente même si l'hypothèse infectieuse était la plus probable. L'analogie remarquée rapidement avec l'hépatite B fait rechercher un virus lent ou un virus oncogène. A Bethesda (USA), Robert Gallo avait en 1980 isolé le 1° rétrovirus, qu'il a appelé " Human T.cell Leukemia Virus " ou HTLV (HTLV-1 et 2), transmis par le sang et les relations sexuelles, donnant une leucémie particulière. Gallo pense que le nouveau virus est un virus oncogène de la famille des HTLV, d'où le nom de HTLV 3. A Paris, l'équipe de Montagnier met en culture avec de l'interleukine 2, en janvier 1983, du tissu de ganglion prélevé chez un patient atteint de diarrhée et de pneumocystose. La nature rétrovirale est déterminée fin janvier par la présence de transcriptase inverse dans la culture, les lymphocytes sont détruits, montrant que le virus est différent du HTLV qui provoque au contraire une multiplication des lymphocytes. Ce virus fut appelé LAV ou " Lymphadenopathy Associated Virus ". La même année était mis au point un test ELISA permettant de déceler la présence d'anticorps contre ce virus. En 1985 était découvert à Paris le VIH-2 chez un sujet ayant vécu en Guinée Bissau. En 1986 était démontré que HTLV3 et LAV était un seul et même virus qui fut appelé VIH. A posteriori des sérums anciens ont été testés avec ELISA et des séropositivités ont été confirmées sur des prélèvements de 1969 aux USA, de 1959 en Angleterre, de 1966 en Norvège, de 1978 au Portugal, plus 2 sérums positifs à VIH-1 sur 800 prélevés lors de la première épidémie de Ebola en 1970 au Zaïre. Pourquoi cette émergence ? L'émergence d'une maladie est un phénomène très hétérogène. Il s'agit de l'apparition dans la communauté humaine d'une maladie inhabituelle. En fait cette nouvelle maladie peut être soit :
une maladie effectivement due à un nouveau virus, bactérie ou parasite ; tous les jours se créent de tels événements ;
une maladie nouvelle à cause d'une définition nouvelle ce qui est le cas de nombreux cancers mais aussi des pneumonies interstitielles qui se révèlent être des pneumocystoses ou de l'urétrite non gonococcique qui est en fait une urétrite à chlamydia, germe connu depuis environ 40 ans ou,
d'une maladie apparaissant comme nouvelle à cause de son expression (rougeole de l'adulte par exemple).
Les agents pathogènes nouveaux sont dus soit :
au passage d'un animal à l'homme c'est le cas de Ebola, grippe et aussi du SIDA
à l'apparition d'un virus nouveau comme Lassa ou Marburg (forêts primaires d'Afrique ou d'Amérique)
à une modification de l'agent pathogène par mutation due à une pression extérieure (méningococcie A puis C puis W 135 puis X)
un agent saprophyte qui devient pathogène (sélection de germes résistants, choléra)
à la réapparition d'une maladie qui avait disparu ou une maladie qui vient d'un autre continent (SRAS)
à l'apparition d'une maladie dans une zone où elle n'existait pas avant, telles les maladies exotiques comme Chikungunya à la Réunion mais très fréquente en Afrique
à l'apparition relative d'une nouvelle maladie reconnue grâce aux progrès des techniques biologiques comme hépatite C ou E
à des bactéries infectées par phages (virus) et qui deviennent pathogènes (scarlatine, diphtérie, choléra)
aux changements sociaux ou sanitaires créant une épidémiologie nouvelle (légionelloses, FHV, HIV, rougeole ou coqueluche chez adultes).
= pathocénose (Ch. Nicolle) Histoire du SIDA Gmerk dit que le SIDA est apparu après que tous les facteurs favorisants se soient multipliés dans les années 50, en effet c'est après la guerre que les transfusions se sont multipliées comme l'usage intraveineux des drogues, tout ceci accompagné d'une formidable libéralisation des comportements sexuels. Il est vraisemblable que le virus est passé chez l'homme il y a environ 150 ans dans la forêt primaire de la boucle du Congo. Il passait d'un individu à l'autre sans que cela paraisse anormal compte tenu de la fréquence des autres maladies cachectisantes et il s'est maintenu dans ces régions très peu peuplées jusque dans les années 70. A cette époque un malade ou un porteur infecté a du le transporter dans une grande ville comme Mombassa où il est devenu épidémique. De là il a rayonné dans tout le monde en passant par l'Amérique du nord puis l'Europe et l'Inde. Restait maintenant à découvrir un traitement pour cette maladie. Dès 1985, M. Gottlieb incita la filiale américaine d'un grand laboratoire pharmaceutique anglais Wellcome, déjà engagée contre les maladies virales (acyclovir), à s'intéresser aux anti-VIH. ; 50 dérivés de nucléosides trouvés dans la chimiothèque du laboratoire furent d'abord étudiés sans succès. Un nucléoside dérivé " 509 " ou composé " S " ( AZT ou zidovudine) montra une activité intéressante in vitro, en inhibant à faible concentration l'action cytolytique du virus VIH. La FDA donna en une semaine l'autorisation d'essais cliniques de tolérance avec la zidovudine sur 19 patients, puis un essai à grande échelle en double aveugle fut programmé sur 281 malades (144 à l'AZT et 137 au placebo). Il devait durer 6 mois. Les effets furent si spectaculaires que l'essai fut arrêté le 11 septembre 1986, les résultats se révélèrent très positifs : 19 décès dans le groupe placebo, un seul chez les traités par l'AZT. Ainsi naissait le premier médicament du Sida, tête de file des Inhibiteurs Nucléosidiques de Reverse Transcriptase ou INRT, bientôt suivis par les Inhibiteurs de Protéase (IP). Mais le prix des trithérapie atteignaient des sommes énormes, les premiers traitements utilisés au Cameroun coûtaient en 1998, 500 000 Cfa par mois et par malade, les premiers traitements financés en Côte d'Ivoire par la France revenaient à 400 000 Cfa par mois. Le Brésil avait lancé dès 1998 un programme de production d'anti-rétroviraux (ARV), après avoir mis en demeure les laboratoires pharmaceutiques d'octroyer des licences gratuites. Les prix ont baissé très rapidement et sensiblement avec l'utilisation de copies fabriqués par l'Inde ou la Chine qui ne faisaient pas partie de l'OMC. Depuis ces pays ont rejoint l'OMC et ne peuvent plus fabriquer de copies. Heureusement quelques ARV sont tombés dans le domaine public et différentes réunions de l'OMC (Doha) ont autorisé les PED à utiliser des copies si la santé publique était gravement en cause. Actuellement, le prix des ARV a considérablement baissé ; un traitement pour certaine trithérapie par ARV peut maintenant descendre à environ 8 000 Cfa /mois/patient. L' OMC au sommet de Cancun (septembre 2003) a accordé aux pays pauvres et émergents une dérogation leur permettant d'obtenir des médicaments provenant du Brésil, d'Inde ou autres pays occidentaux, avec des licences obligatoires gratuites. Mais les accords actuels ne sont valables que jusqu'en 2016 ?