Mutilations génitales féminines : la prise en soin infirmière
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les mutilations sexuelles sont des interventions qui ne présentent aucun avantage pour la santé. Elles sont surtout pratiquées chez les jeunes filles entre l’enfance et l’âge de 15 ans. C’est une pratique ayant des conséquences notoires tant sur le plan physique, que psychologique et social. Les mutilations génitales féminines (MGF) consistent notamment en l’ablation de la partie externe du clitoris et de son capuchon. Dans certaines régions, elle est complétée par l'ablation des petites lèvres et de la suture des grandes lèvres.
Cette "opération", qui se pratique souvent avec la complicité des familles et des proches, parce que considérée comme meilleure pratique pour faire un bon mariage, n’est pas anodine et comporte d'énormes risques pour la santé du patient, de la famille et de la communauté
Dans ce contexte, l’infirmière, dans ses fonctions régaliennes, a le devoir d’une prise en soin intégrale, du physique au psychosocial, de toute personne expérimentant une situation de santé particulière et singulière, en utilisant la démarche scientifique de résolution des problèmes.
I. La prise en soin infirmière
Le but de la prise en soin visera à pallier les conséquences et à prévenir les complications physiques et psychologiques de l’excision sur la jeune fille ou la femme. Les objectifs de cette prise en soins sont notamment :
- Lutter contre le saignement, et les infections ;
- Gérer la douleur physique ;
- Soulager la souffrance psychologique ;
- Éduquer la personne soignée et sa famille ;
- Initier un plaidoyer en faveur de la santé des populations dans ce contexte, notamment l'éradication de la pratique des MGF.
Plus concrètement, la prise en soin infirmière consistera à :
- collecter des données pertinentes englobant non seulement l’aspect physique de la personne, mais ses aspects socio culturels et psychologiques.
- poser un diagnostic infirmier pertinent selon la situation.
- mettre en pratique des interventions infirmières.
- évaluer ces interventions par la suite.
1. Collecte de données
Données socio-démographiques | Âge, ethnie, statut matrimonial, niveau d’instruction, profession |
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Données physiques |
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Données psychologiques et émotionnelles | Agitation, anxiété, agressivité, torpeur, résignation, sérénité, état dépressif, insomnie, sentiment de culpabilité, faible estime de soi, pensée récurrentes de suicide. |
Données culturelles |
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2. Diagnostics infirmiers possibles
Diagnostics (liste non exhaustive) | Faceurs relatifs |
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Risque de choc hypovolémique | Hémorragie |
Douleur | Inflammation, blessure aux mouvements |
Altération des interactions sociales | Peur du rejet |
Risque d'infection | Traumatisme des tissus, brèche cutanée |
Isolement social | Perturbation de l'estime de soi |
Altération de l'élimination des urines | Hypovolémie, traumatisme, douleur, infection des voies urinaires |
Perturbation du sommeil | Anxiété, douleur |
Risque potentiel d'automutilation | Colère, révolte, impuissance, déni |
Peur | Douleur, perte d'une partie et d'une fonction du corps |
3. Interventions infirmières
Dans les conséquences immédiates
a. L'hémorragie
- Allonger la victime.
- Réaliser l’hémostase par compression des vaisseaux saignant, si nécessaire.
- Ouvrir une voie veineuse pour prévenir un éventuel choc hypovolémique.
- Prendre et surveiller les paramètres vitaux : TA, fréquence cardiaque, température.
- Prélever du sang pour numération de formule sanguine (NFS), taux d’hémoglobine, groupage sanguin et facteur rhésus (GSRH).
- Arrêter le traitement anticoagulant s’il est en cours.
- Administrer des bains du siège à l’eau tiède salée.
- Administrer le traitement médicamenteux prescrit et surveiller les effets non désirables.
- Expliquer leurs effets secondaires des médicaments et les interventions de soin à la personne soignée et à sa famille
b. La douleur et l'inflammation
- Évaluer la douleur selon l’échelle disponible, ainsi que le degré d’inflammation
- Utiliser le chaud et le froid :
- le chaud : bouillottes, compresses chaudes, bains de siège à l’eau tiède salée;
- le froid : appliquer des compresses froides, la vessie de glace ou le brumisateur.
Dans les deux cas, éviter les contacts trop prolongés et directs qui peuvent occasionner des brûlures.
- Recommander la position antalgique: celle où elle sent le moins mal.
- Éviter les mobilisations brutales et inutiles qui peuvent exacerber la douleur.
- Administrer le traitement médicamenteux tels que prescrit, et surveiller les effets non désirés des médicaments.
- Expliquer à la personne soignée et à sa famille les effets secondaires des médicaments et les interventions de soin.
- Favoriser la relaxation: éviter le bruit et les lumières trop vives.
- Conseiller d’éviter de longs trajets en voiture, surtout en saison chaude, ainsi que la position assise prolongée sans mobilisation, avant guérison complète.
Dans les conséquences à moyen terme
Le risque infectieux : lutter contre l’infection
- Éviter les phénomènes de macération par une hygiène stricte :
- bains de sièges à l’eau tiède salée ;
- séchage soigné de la zone blessée et des plis ;
- port de sous-vêtements en coton non serrés.
- Administrer le traitement tel que prescrit, surveiller les effets non désirables des médicaments et expliquer les effets secondaires à la personne malade et à sa famille.
- Risque d’infection VIH/sida : réaliser le test de départ, surveillance épidémiologique, et traitement d’urgence.
- Risque de tétanos : administrer le sérum antitétanique, et procéder plus tard à la vaccination si la femme n'est pas complètement ou pas du tout immunisée.
Dans les conséquences à plus ou moins long terme
Les conséquences émotionnelles et psychologiques
L’infirmière s’engagera dans une relation d’aide à travers :
- Une écoute attentive pour déterminer l’état psychique et émotionnel de la femme excisée et la mettra en confiance en vue de lui permettre d’exprimer librement son ressenti social, psychologique et culturel.
- La compassion par laquelle l’infirmière montrera son intérêt et son souci de partager la souffrance de la femme, et la comprendra.
- Le soutien psychologique en encourageant la femme à transcender sa situation, et en favorisant la socialisation, l’aidera à rester positive. Elle l’aidera à retrouver le plaisir des petites choses, à apprendre à pardonner, à se reposer régulièrement.
- Conseils contributifs à la réduction des manifestations psychologiques de l'excision
Interventions possibles | Composantes utiles | Action et effet sur la réduction des conséquences psychiques de l'excision | |
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Nutrition : aliments à consommer | Céréales complètes | Oméga 3 | Augmentation de la sérotonine (induction du sommeil, calme les émotions et agit positivement sur l'humeur |
Vitamines du groupe B acides aminés | Précurseurs de la sérotonine | ||
Fruits et légumes Eau | Acide folique Constituant majoritaire de l'organisme | Entretien et régénération du tissu nerveux Aide à éliminer les toxines | |
Jus de fruits naturels | Apport important de vitamines et d'acides aminés | Lutte contre l'asthénie et effet désintoxiquant | |
Phytothérapie : tisanes | Effet relaxant de certaines tisanes sur le système nerveux | ||
Physiothérapie : exercice physique avec modération après guérison physique | Libération des endomorphines par diminution de la tension musculaire | Amélioration de l'humeur | |
Héliothérapie : exposition aux rayons doux du soleil | Rayons UVB | Augmentation de la circulation périphérique et de la sudation, conduisant à une action sur l'humeur ; combat la mélancolie |
Autres interventions possibles
- Troubles mictionnels : référer à un urologue.
- Troubles psychiques : référer à un psychologue.
- Référer aux groupes de soutien s’il en existe.
- Éduquer les familles et les proches sur les risques et les complications liés à la pratique de l’excision.
- Faire valoir le rôle d’avocat et d’agent de relations de l’infirmière : en dénonçant les situations critiques et de non consentement (cf: conventions internationales des droits de l’homme, de la femme, de l’enfant (CIDE) sur l’élimination de toute forme de discriminations).
- Accompagner la famille en cas de décès de la victime.
Conclusion
Finalement, les infirmières et infirmiers ont un important rôle de plaidoyer à jouer dans la prise en soin des communautés face à la problématique des mutilations génitales féminines. C'est pourquoi, le SIDIIEF (2013) « encourage l’infirmière et l’infirmier, à titre de professionnel et de citoyen, à participer à des campagnes sur les conséquences dangereuses des MGF auprès des fillettes, des femmes, des familles et des communautés; à initier et soutenir l’action communautaire destinée à favoriser l’accès aux soins et à des services de santé adaptés aux besoins des femmes, et à participer aux initiatives permettant de réduire les inégalités entre les genres ».
Le SIDIIEF dénonce toute forme de pratique des MGF dans le monde et en appelle à la mobilisation de la communauté infirmière francophone pour agir ensemble contre ces pratiques. En ce sens, le SIDIIEF :
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Références bibliographiques
Gelabert R.C. (2008) Stress et anxiété. Vidasan. Sargasone p. 13-46.
Gelabert R.C. (2008), Dépression, traitements scientifiques et naturels. Vidasan. Sargasone p. 20-53
Samsout A. Toumia J. (2008): rôle de l’infirmière dans la prise en charge d’un patient polytraumatisé. Journée internationale de l’infirmière, Hammamet 2008.
Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l'espace francophone (SIDIIEF). (2013). «Agir ensemble contre les mutilations génitales féminines», Prise de position, [en ligne],http://www.sidiief.org/~/media/Files/3_0_APropos/3_6_PrisePosition/Prise-Position-Mutilations-genitales-feminines-TF.ashx.
Tick b., Lyer W.P., Bernocchi-Losey (1989), Nursing diagnosis and care planning. Saunders Philadelphia.
www. Fiche-de-soins.com : fiche de soins infirmiers: risques hémorragiques: signes, actes, et surveillance. Le 06 avril 2014.
OMS (2014), mutilations sexuelles féminines. Aide-mémoire n° 241, février 2014.
OMS Cameroun (2012). Statistiques sanitaires du Cameroun, 2012.