Les sites d'injection des vaccins : avantages et inconvénients

Par Philippe Reinert, Pédiatre, Créteil, France

Publié le

La voie d'administration des vaccins - intramusculaire, sous-cutanée, intradermique ou orale - a une influence importante tant sur la qualité de la protection induite (taux d'anticorps le plus souvent) que sur la fréquence et l'intensité des effets secondaires locaux éventuels. Ces effets dépendent néanmoins de la nature des vaccins.

I. Quelle voie utiliser ?

La voie intramusculaire (IM) est recommandée pour les vaccins adsorbés (tués), c'est-à-dire les vaccins contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la poliomyélite, le pneumocoque, la typhoïde, les hépatites B et A, les infections à méningocoque AC C conjugué, ACW135Y, la rage et les infections à papillomavirus.

La voie sous-cutanée (SC) est possible, mais la réponse immunitaire est moins bonne. Les vaccins viraux, vivants ou tués, peuvent être administrés par voie IM ou SC. En pratique, on utilise la voie sous-cutanée pour les vaccins contre la fièvre jaune, la grippe, la rougeole, les oreillons, la rubéole, la poliomyélite et la varicelle.

La voie intradermique n'est réservée qu'au vaccin antituberculeux : le BCG.

Les autres voies sont formellement interdites, car non seulement elles n'entraînent pas de réponse immunitaire, mais elles peuvent provoquer de graves accidents.
La voie orale est la seule possible pour le vaccin polio oral vivant (Sahin) et, plus récemment, les vaccins anti-rotavirus et anticholérique. La voie nasale est utilisée pour un vaccin antigrippal vivant : le spray dépose le virus grippal sur la muqueuse, ce qui entraîne une bonne immunité dans l'arbre respiratoire. Malheureusement, ce vaccin n'est pas toujours bien toléré chez l'enfant.

II. Injection intramusculaire

1. Site d'injection

Le choix du site influence directement la probabilité de réaliser une injection réellement intramusculaire et donc l'immunogénicité et la tolérance vacci¬nale. Les sites privilégiés sont :

  • La face antéro-externe de la cuisse, au 1/3 moyen, avant l'âge de un an. Dans cette région, il n'y a ni nerf ni artère que l'on pourrait blesser.
  • Après un an, le deltoïde, zone aussi sans danger et facilement accessible pour l'adulte, i'adolescent et le grand enfant. Chez le nourrisson, il n'est pas assez développé : on risque donc de traverser le muscle !
  • L'injection dans la fesse n'est plus recommandée pour plusieurs raisons :
    • Risque d'embrocher le nerf sciatique, voire d'entraîner des lésions à distance, même si l'injection a bien été effectuée dans le quadrant supéro-externe (on se rappelle les paralysies sciatiques provoquées par les injections de quinine dans la fesse).
    • Risque de fautes d'asepsie chez le nourrisson (proximité des selles !).
    • Faible masse musculaire chez le nourrisson, d'où un risque d'injection trop profonde.
    • A l'inverse, chez l'adulte, l'épaisseur du tissu graisseux peut aboutir à une injection sous-cutanée ! Ce qui entraîne une moins bonne immunisation.

2. Technique

Matériel à usage unique +++ : seringue auto-bloquante

Aiguille en acier inoxydable ou en nickel à biseau long (moins douloureux) de 7 cm (verte), ou de 4 cm (noire) pour les personnes de faible poids ou les enfants. Diamètre variant de 0,7 à 0,9 mm.

En pratique

  • Après lavage des mains et désinfection par un antiseptique, désinfecter la zone d'injection choisie en un seul passage de compresse imbibée d'alcool.
  • Piquer perpendiculairement au plan d'injection. Introduire rapidement l'aiguille jusqu'à la garde, vérifier l'absence de retour veineux en aspirant légèrement et régulièrement.
  • Observer les réactions du patient dès les premiers millilitres injectés et ralentir le débit si le vaccin est douloureux.
  • Retirer rapidement l'aiguille et la seringue à la fin de l'injection, et désinfecter le point d'injection en massant légèrement et latéralement.
  • Eliminer l'aiguille, sans la recapuchonner, dans le collecteur à aiguilles utilisées.

III. Injection sous-cutanée

Il est possible d'utiliser cette voie, techniquement la plus facile, pour les vaccins adsorbés. Le risque est de provoquer des réactions locales importantes (oedème douloureux pendant quelques jours). De plus, la réponse immunitaire est souvent moins bonne que par voie IM.

1. Site d'injection

La face antérieure de la cuisse ou la région deltoïdienne du bras.

2. Technique

Matériel à usage unique +++ : seringue auto-bloquante

Aiguille en acier inoxydable ou en nickel à biseau long (moins douloureux) de 2,5 à 3 cm de longueur (orange). Diamètre variant de 0,6 à 0, 8 mm.

En pratique

  • Former un pli (pour éviter toute pénétration de l'aiguille. ,en intramusculaire) en pinçant la peau avec le pouce, l'index et le majeur, sans pincer le muscle (figure 1).
  • Piquer perpendiculairement ou latéralement (45°) au plan de ponction selon la corpulence de la personne et la taille de l'aiguille.
  • Ne lâcher le pli qu'au moment du retrait de l'aiguille.
  • Surveiller l'apparition d'un hématome ou de signes inflammatoires locaux (chaleur, rougeur, douleur).
  • Et bien sûr placer l'aiguille dans le collecteur à aiguilles souillées !

Figure 1 : injection sous-cutanée

IV. Injection intradermique BCG SSI

La voie intra-dermique n'est utilisée que pour le vaccin contre la tuberculose (BCG)." La vaccination par BCG est à effectuer si possible dans les premiers jours de la vie. Or la peau du nou¬veau-né est fine et fragile, ce qui rend cette vaccination techniquement délicate !

1. Site d'injection

Région deltoïdienne du bras (approximativement à 1/3 du haut du bras gauche).

2. Posologie

Enfant de moins de 12 mois : 0,01 ml de vaccin reconstitué.
Enfant de plus de 12 mois : 0,05 ml de vaccin reconstitué.

3. Technique

Matériel à usage unique +++

Petite seringue de 1 ml graduée au 1/10ème de ml. Aiguille fine et courte à biseau court n° 25 ou 26.

En pratique

  • Désinfecter la peau à l'alcool et non à la teinture d'iode.
  • Tendre la peau entre le pouce et l'index (figure 2).
  • L'aiguille doit être placée presque parallèlement à la surface de la peau, et être visible au travers de l'épiderme pendant l'injection.
  • Le biseau de l'aiguille doit être tourné vers le haut.
  • Insérer l'aiguille d'environ 2 mm dans la couche superficielle du derme et pousser lentement le piston. Une légère résistance s'exerce lors de la pression sur le piston.
  • Une papule "en peau d'orange" apparaît : c'est le signe d'une injection correcte. Elle peut persister plusieurs jours.
  • Enfin, il n'est pas nécessaire de mettre un pansement.

Figure 2 : injection intradermique

Echecs

Si l'injection est trop profonde, il ne se forme pas de papule. Il n'est pas recommandé de recommencer la vaccination.
Si elle est trop superficielle, la peau éclate et le vaccin s'écoule. Dans ce cas, une nouvelle injection intradermique doit être effectuée sur l'autre bras.

Kit anaphylaxie Tous les vaccins injectables sont susceptibles d'induire une éventuelle réaction anaphylactique immédiate pouvant menacer le pronostic vital ; il est donc recommandé de disposer d'un traitement médical IMMEDIATEMENT UTILISABLE. Devant la survenue brutale :
  • d'une gène respiratoire
  • d'une éruption urticarienne généralisée prurigineuse
  • d'un malaise intense
Il faut immédiatement :
  • étendre le patient sur le coté gauche
  • s'assurer de la perméabilité des voies respiratoires
  • injecter de l'ADRENALINE par voie sous-cutanée ou intramusculaire aux doses de 0,01 ml/kg d'une solution aqueuse d'adrénaline au 1/1000ème. Il est souhaitable de disposer de dispositifs prêts à l'emploi.
  • ATTENTION : l'adrénaline doit être conservée entre + 2° C et +6° C, à l'abri de la lumière.
  • L'adrénaline ne doit jamais être administrée par voie intraveineuse.

Développement et Santé, n°195/196, 2009