Les infections chez l'enfant malnutri
I. Pourquoi tant d'infections ?
La carence alimentaire, et plus particulièrement en protéines, entraîne de graves perturbations du système immunitaire.
- Les surfaces muqueuses et cutanées sont les premières touchées : les études effectuées sur la muqueuse respiratoire mettent en évidence de fréquentes brèches par où pénètrent les germes. Ces brèches sont aussi plus longues à cicatriser.
- Les anticorps (immunoglobulines) sont plus faiblement synthétisés : cela est surtout net pour les IgA qui tapissent les muqueuses respiratoires et digestives.
- Les lymphocytes sont souvent diminués et réagissent mal devant l'agent infectieux (c'est aussi le cas du SIDA).
- Enfin les polynucléaires deviennent "paresseux" et phagocytent mal les bactéries.
1. Tout aussi important est l'environnement
En effet, la malnutrition est bien souvent liée à :
- la guerre,
- l'ignorance,
- la pauvreté,
- l'absence d'hygiène.
L'absorption d'eau non potable peut avoir des effets redoutables : l'OMS recommande l'utilisation d'une eau contenant moins de 10 coliformes par décilitre et sans coliformes fécaux.
Toutes les études récentes effectuées dans les camps de réfugiés et certains bidonvilles donnent des chiffres très élevés.
Les principaux germes isolés ont été le colibacille et les salmonelles (provenant d'une contamination par les matières fécales).
2. Les carences associées à la malnutrition protéique
Elles sont dominées par les carences en fer, en vitamine A et en zinc, qui viennent encore aggraver le déficit de l'immunité.
II. Les pathologies
1. La diarrhée
Extrêmement fréquente chez le malnutri, elle est plus sévère et plus prolongée que chez l'enfant non carencé.
L'ingestion d'eau polluée en est la cause majeure : en effet, la présence de coliformes dans le pharynx est un bon témoin d'une infection par l'eau. Les coliformes ont été mis en évidence chez 50 % des enfants diarrhéiques malnutris (5 % chez les témoins).
Après le colibacille, les salmonelles sont souvent isolées, responsables d'infections tout aussi graves et prolongées.
Les autres germes, en revanche - shigelle, campylobacter, rotavirus - ont la même incidence et la même gravité que chez l'enfant bien nourri.
2. Les pneumonies
Responsables annuellement de la mort de quatre millions d'enfants de moins de 5 ans, les pneumonies frappent surtout le dénutri (atteignant 26 % à 50 % de ces enfants).
Les germes responsables sont surtout :
- le pneumocoque
- l'Hæmophilus influenzæ
Le staphylocoque (souvent témoin d'une mauvaise hygiène) est paradoxalement plus rare.
La tuberculose est, elle aussi, très fréquente (sa fréquence est encore augmentée dans les zones à forte prévalence de SIDA).
Son diagnostic est ici plus difficile car la malnutrition négative les tests cutanés tuberculiniques. La radiographie et la recherche du BK dans les tubages prennent alors toute leur importance.
Quel que soit le germe infectant les poumons, la maladie est :
- plus brutale,
- et plus sévère, imposant un taitement urgent.
3. Les infections urinaires
Sous-estimées, elles se rencontrent chez 10 à 25 % des malnutris (2 % chez des enfants sains).
Le principal germe rencontré est le colibacille. L'examen des urines doit donc être un impératif chez le malnutri fébrile.
4. Les septicémies
Forme la plus sévère des infections, elles ne sont pas rares ici.
Deux germes dominent :
- salmonelle
- colibacille
Il faut rappeler que le drépanocytaire est aussi sujet aux septicémies à salmonelle et ) pneumocoque (que de risques donc pour le drépanocytaire dénutri !).
5. Les infections nosocomiales
L'enfant dénutri est souvent hospitalisé. Les infections hospitalières sont alors pour lui une menace permanente (le touchant dans 20 % des cas).
Il s'agit de diarrhées, de pneumonie, de rougeole, de surinfection sur cathéter.
Les germes les plus souvent rencontrés sont le pneumocoque, les salmonelles, le staphylocoque et, bien sûr, la rougeole.
Les règles d'hygiène doivent, pour cet enfant, être des plus strictes.
6. Les infections virales
Deux virus sont à redouter :
- La rougeole : si la mortalité de la rougeole peut atteindre 25 %, c'est en grande partie du fait de la malnutrition. De plus, la rougeole entraîne par elle-même anorexie et diarrhée, elle aggrave encore la dénutrition. L'atteinte pulmonaire demeure la cause majeure des formes mortelles.
- L'herpès : il peut provoquer une atteinte buccale sévère (stomatite herpétique ou cutanée) : le même risque menace l'enfant HIV+.
7. Les maladies parasitaires
Si les parasitoses sont fréquentes chez le malnutri, elles ne révèlent pas de caractère de gravité particulière. Certes, les parasitoses digestives peuvent aggraver la malnutrition mais leur évolutivité n'est pas modifiée.
A l'extrême, le paludisme semble moins grave chez le dénutri à l'immunité déficiente (il en est de même pour la dengue).
III. Conclusion
L'enfant dénutri est d'une grande fragilité. Les impératifs sont donc, outre la renutrition :
- une hygiène rigoureuse,
- l'utilisation d'une eau potable,
- le traitement précoce des infections,
- la hantise de l'infection hospitalière,
- enfin, l'utilisation large des vaccins (contrairement à une idée reçue, l'enfant dénutri est capable de s'immuniser).