Les faux médicaments
I. Définitions
Les définitions des « faux médicaments » sont multiples et parfois contradictoires ; certaines entretiennent la confusion avec les génériques, plus ou moins volontairement. Une copie illégale d’un médicament doit être considérée comme un faux médicament mais en aucun cas un générique ou une copie légale (après licence obligatoire*).
Pour l'OMS, les FM sont des produits médicaux de qualité inférieure / faux / faussement étiquetés / falsifiés / contrefaits.
Nous retiendrons la conception de l'OMS qui, bien que compliquée, met l'accent sur le problème de fond que sont les dangers pour la santé des patients que représente un médicament de mauvaise qualité.
Il faut se rappeler que les faux médicaments peuvent être considérés comme un acte illégal contrevenant aux lois du commerce ou de la propriété intellectuelle (réprimé par les services douaniers ou policiers) et/ou comme un acte qui porte atteinte à la santé (réprimé par les services sanitaires).
II. Position du problème et histoire
La question des faux médicaments est apparue dans les années 1970 où le problème d'une disponibilité insuffisante des médicaments s'est fait jour. Parallèlement, on a assisté à une transformation de l’industrie pharmaceutique avec des regroupements massifs des laboratoires sous la pression des places financières.
Dans les années 1980, les premiers circuits illicites apparaissent (médicaments de la rue, médicaments trottoirs).
Parallèlement, les coûts de recherche et développement pour mettre sur le marché un nouveau médicament augmentent de façon drastique alors que l'industrie des génériques se développe.
Les années 1990 sont marquées par les politiques d'ajustement structurel qui provoquent des difficultés majeures de disponibilité en médicaments, et le circuit illicite supplée temporairement au manque de ressources des patients. Dans la zone monétaire du franc, s'ajoute la dévaluation du CFA (1994) entraînant une augmentation du prix des médicaments (importés).
Les institutions internationales et les aides publiques créent et font la promotion des « Médicaments essentiels ». Les premières enquêtes sur la qualité des médicaments sont réalisées par ReMeD en 1995 et 1997.
Dans les années 2000, le nombre et l'origine des génériques se multiplient (médicaments multisources). Le nombre de fabricants croit, ils se diversifient avec une prééminence de l'Inde et de la Chine. L'OMC, à laquelle adhèrent maintenant tous les pays, promeut des règles de défense de la propriété intellectuelle et commerciale. Désormais, un médicament nouveau est protégé dans le monde entier pour des durées de 20 ans ou plus. La lutte contre les contrefaçons se développe (OMS, Interpole, fondations, industries du médicament).
Depuis 2010 on assiste à la mise en place d’un trafic international de « faux médicaments » croissant chaque année, et remplaçant pour les maffias les autres trafics plus risqués (une condamnation pour trafic d'armes peut valoir 10 ou 20 ans ; pour trafic de médicaments on ne risque que quelques mois de prison, et encore...) Ces trafics sont favorisés par la mauvaise gouvernance venant souvent de très haut. Ainsi par exemple, les accords sur la santé avec la Chine sont presque toujours hors la loi (soignants et médicaments ne répondant pas aux réglementations nationales).
Ces faux médicaments constituent un problème gravissime : en 2003, des études ont montré que, en Asie du Sud-Est, 40 % à 60 % des dérivés d’artemisinine dans les combinaisons antipaludiques étaient falsifiés et de qualité insuffisante : il n’est pas nécessaire d’avoir davantage de données pour apprécier les effets dramatiques sur la santé des populations.
Le vrai problème actuel est la prolifération des médicaments sous standards, les états n’ont pas les moyens humains et financiers de contrôler la qualité des produits de santé qu’ils importent.
Souvent est évoquée l’inefficacité des services douaniers et policiers dans l’application les lois, mais sont oubliées la multiplication des infirmeries non autorisées, l’introduction de services de médecine traditionnelle chinoise (ou autre) et l’importation directe de médicaments traditionnels chinois qui sont en complète illégalité.
III. Que faire?
Au niveau des états
Il faut assurer la qualité des approvisionnements, et pour cela il est nécessaire de renforcer les services étatiques de contrôle et d'assurance qualité. Les moyens humains et matériels des services de contrôle et de régulation sont insuffisants (d'après l'OMS, 80 % des états n'ont pas les moyens de contrôler la qualité de leurs approvisionnements).
Cette démarche nécessite aussi une collaboration inter pays au niveau régional, car la circulation des médicaments ne connaît pas les frontières.
En tant que citoyens, nous devons demander aux représentants politiques de défendre ces initiatives soit par l'intermédiaire des politiques, soit avec l'aide d'associations de consommateurs.
La répression contre les fraudeurs est importante mais il faut que l'ensemble des citoyens respecte et défende les lois.
Dans les structures de santé
Il faut améliorer la disponibilité des médicaments et traitements. Les circuits illégaux de médicaments se multiplient quand les patients ont des difficultés pour acquérir ceux dont ils ont besoin. Pour limiter ce problème de mauvaise accessibilité, le rôle des soignants est primordial. Il faut :
- que le diagnostic soit correct pour que le traitement soir adéquat ;
- que la prescription médicamenteuse soit de qualité : « le bon médicament, pour le bon malade et pour sa maladie » ;
- que l'ordonnance tienne compte des impératifs financiers : elle doit comporter moins de 3 ou 4 produits, sous forme générique et en privilégiant les formes orales simples (à partir de 3 médicaments, il existe des risques d'interactions) ;
- éviter les médicaments de confort qui ils augmentent le coût du traitement et les risques d'interactions.
Enfin, le prescripteur doit tenir compte des médicaments disponibles au niveau de son hôpital, du dispensaire ou de l'officine la plus proche, il doit donc constamment s'informer de cette disponibilité.
Auprès du public
Il est nécessaire de faire la promotion des génériques et médicaments essentiels.
Il est important de vérifier que l'accès aux médicaments soit équitable. La gratuité pourrait être une solution, mais il est connu que l'accessibilité est non seulement financière mais aussi géographique et sociologique. De plus, la gratuité entraîne une centralisation vers l'état et la dépossession des communautés de leurs pouvoirs sur leur santé. Il serait plus utile que les aides aillent dans un « pot commun » pour assurer soit une mutualisation des dépenses, soit la prise en charge des plus démunis.
Toute la population doit refuser le recours aux médicaments de la rue, aux vendeurs trottoirs et autres circuits illicites. Ces médicaments présentent des risques d'inefficacité ou de toxicité et renforcent les trafics, même si les médicaments de mauvaise qualité peuvent aussi se trouver dans les circuits légaux.
En principe, un médicament acquis dans un circuit légal est de bonne qualité ; il a suivi un circuit officiel « traçable ».
Mais, comme le montre le dessin ci-dessous, la prolifération des médicaments sous standards est un compromis entre besoins, faiblesses de gouvernance et intérêts individuels.