Les diarrhées aiguës bactériennes

Par Catherine Dupeyron

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Les diarrhées aiguës bactériennes : causes et mécanismes

par Catherine Dupeyron

Biologiste, Hôpital Albert-Chenevier, Créteil.

Les diarrhées aiguës infectieuses représentent un problème de santé majeur dans le monde, surtout dans les pays en développement où elles sévissent à l'état endémique. L'on évalue à 5 à 10 millions par an le nombre de morts par diarrhée infantile. La gravité de ces affections est surtout liée à la déshydratation qui les accompagne. C'est en partie par une plus grande rapidité dans le diagnostic et la mise en oeuvre des thérapeutiques que l'on pourra diminuer l'incidence de ces infections.

Trois groupes d'agents peuvent être responsables des diarrhées aiguës infectieuses : virus, bactéries, parasites. Il faut savoir qu'ils peuvent se trouver associés dans une même selle au cours d'épisodes diarrhéiques. L'objet de cet article sera les diarrhées aiguës bactériennes.

Les diarrhées aiguës bactériennes peuvent être limitées et spontanément résolutives, ne justifiant alors ni exploration microbiologique ni traitement antibiotique. Elles peuvent prendre aussi un caractère gravissime, nécessitant alors une coproculture, c'est-à-dire un ensemencement de la selle sur des milieux de culture appropriés pour rechercher des bactéries pathogènes, et un traitement antibiotique qui devra être instauré sans méconnaître les problèmes actuels de résistance des bactéries.

Les diarrhées aiguës bactériennes peuvent être classées en trois catégories :

  • Les diarrhées aiguës bactériennes, dont les manifestations sont dues à l'implantation de la bactérie au sein de l'écosystème digestif.,

  • Les intoxications alimentaires. La diarrhée n'est dans ce cas que la conséquence de l'absorption d'une toxine préformée au sein d'un aliment souillé, la bactérie ne jouant quant à elle aucun rôle direct.

  • Les diarrhées consécutives aux traitements antibiotiques.

I. Les diarrhées aiguës bactériennes

1. Généralités

Ces diarrhées sont dues à l'implantation de bactéries pathogènes dans l'intestin. L'intestin de l'homme est dès la naissance colonisé par de nombreuses espèces bactériennes dont la plupart sont des bactéries commensales, certaines étant indispensables au bon fonctionnement de l'appareil digestif. Un petit nombre d'espèces sont capables de déclencher des maladies intestinales lorsqu'elles s'implantent et prolifèrent dans l'intestin humain. Ce sont principalement des bactéries des genres Salmonella, Shigella, Escherichia, Yersinia, Campylobacter et Vibrio.

2. Définition

La définition d'une diarrhée aiguë est la survenue brutale de plus de trois émissions fécales, molles ou liquides, par jour. Ces émissions peuvent être soit glaireuses et plus ou moins sanglantes, soit se présenter sous forme de diarrhée hydrique. Ces caractères sont un premier élément de diagnostic vers une infection à germe invasif ou à germe toxinogène.

3. Rappel physiopathologique

En effet plusieurs types de bactéries interviennent dans les diarrhées avec des mécanismes différents que l'on classe en deux groupes principaux :

  • les bactéries entérotoxinogènes qui colonisent la muqueuse de l'intestin grêle sans l'envahir grâce à des facteurs d'attachement. Elles élaborent des toxines qui se fixent spécifiquement sur les cellules de la muqueuse et stimulent l'hypersécrétion d'eau et d'électrolytes. La diarrhée est essentiellement aqueuse, sans leucocytes ni mucus. Le plus souvent ces diarrhées sont sans fièvre mais peuvent être graves par la déshydratation qu'elles entrainent. On trouve dans ce groupe Vibrio cholerae et les Escherichia coli entérotoxinogènes

  • les bactéries entéropathogènes invasives qui pénètrent la muqueuse au niveau du côlon, provoquant une diarrhée infectieuse aiguë. Les matières fécales contiennent alors du pus, du sang et du mucus. Il s'agit d'une diarrhée dysentérique, invasive, douloureuse et fébrile. Les Shigella et les Escherichia coli entéro-invasifs appartiennent à ce groupe.

Cette classification opposant la diarrhée sécrétoire et le syndrome dysentérique reste valable dans son ensemble, mais les travaux scientifiques réalisés ces dernières années ont montré que de nombreux germes possèdent à la fois un pouvoir d'invasion et un pouvoir toxinogène. L'on assistera dans un futur proche à d'importantes modifications dans les méthodes de diagnostic des bactéries responsables des diarrhées.

4. Aspects cliniques

Dans les diarrhées à germes entérotoxinogènes, le tableau est celui d'une diarrhée hydrique abondante avec parfois des vomissements. La fièvre est inhabituelle. Le risque de déshydratation est au premier plan et il est fonction du volume de la diarrhée. Il est majeur aux âges extrêmes de la vie.

Les diarrhées à germes invasifs sont plus volontiers fébriles. Elles s'associent à un syndrome dysentérique avec des selles glaireuses et/ou sanglantes, peu abondantes, accompagnées de douleurs abdominales. Il existe des signes infectieux avec hyperleucocytose. Les hémocultures peuvent être positives. On peut observer des complications graves de type collapsus, hémorragie digestive, ou mégacôIon toxique.

5. Bactéries responsables

Salmonella

Les Salmonelles sont des bacilles à Gram négatif appartenant au groupe des entérobactéries. La détermination de leurs antigènes

somatiques (O), flagellaires (H) ou d'enveloppe (Vi) permet de les classer en 2000 sérotypes différents.

Sur le plan clinique, on distingue deux grands groupes d'affections à Salmonella.

Les salmonelloses dites "Typhiques" dues à quelques sérotypes, Salmonella enterica sérotype Typhi, Salmonella enterica sérotype Paratyphi A, Salmonella enterica sérotype Paratyphi B, Salmonella enterica sérotype Paratyphi C qui sont les agents de la typhoïde et des paratyphoïdes. Il s'agit d'affections humaines. Là contamination se fait par l'eau et les aliments contaminés. Elles se manifestent par un tableau septicémique. Elles ne seront pas abordées dans cet article.

Les salmonelloses dites "mineures" ou "non typhiques". Ce sont des gastroentérites aiguës. Leur incubation est brève, 24 à 48 heures. La diarrhée est peu caractéristique, le plus souvent hydrique. Elle est souvent précédée de douleurs abdominales, de fièvre, de malaise général. Ces symptômes disparaissent spontanément et rapidement dans la plupart des cas. Des bactériémies sont présentes dans 8 à 15 % des cas et peuvent être à l'origine de complications telles que méningites, ostéomyélites, endocardites. Les porteurs de prothèses valvulaires, les sujets atteints de drépanocytose, les immunodéprimés sont particulièrement exposés au risque de septicémie.

Un des problèmes posés par les salmonelloses est le portage chronique. En l'absence de traitement, l'excrétion des salmonelles peut durer jusqu'à cinq semaines. Dans 20 % des cas, le germe peut persister au-delà de six mois, le réservoir privilégié se situant dans les macrophages ainsi que dans les voies biliaires. Le portage chronique, lorsqu'il se produit au sein d'une collectivité, nécessite des mesures préventives strictes.

Shigella

Les Shigella sont des bacilles à Gram négatif appartenant également au groupe des entérobactéries. Le genre Shigella comprend quatre espèces : Shigella dysenteriae, Shigella flexneri, Shigella boydii, Shigella sonnei.

Présentes uniquement chez l'homme, les Shigelles sont une des premières causes de diarrhée infectieuse dans le monde. Il s'agit de bactéries particulièrement virulentes et la présence de seulement quelques dizaines de germes vivants peut provoquer la maladie chez un adulte sain.

Dans les pays en développement, elles peuvent être à l'origine de grandes épidémies avec un risque élevé de mortalité. La transmission est interhumaine et féco-orale. Cliniquement, le début de l'infection est marqué par une diarrhée, d'abord aqueuse, à laquelle succède un syndrome dysentérique très marqué avec une fièvre élevée, des émissions de sang et de glaires.

L'évolution variable, le plus souvent bénigne en milieu tempéré, peut prendre un caractère de forte gravité en pays tropical. La maladie est alors associée à une mortalité importante (7 à 15 % selon les statistiques). Certaines complications redoutables peuvent survenir : mégacôlon toxique, convulsions, hypoglycémie. Les parts respectives de l'invasion bactérienne, de la vérotoxine, sécrétée surtout par Shigella dysenteriae de sérotype 1, des réactions de l'individu ne sont pas clairement définies dans la survenue de ces complications. On a, entre autres, incriminé la vérotoxine dans la survenue des phénomènes de thrombose capillaire qui caractérisent une complication grave, le syndrome hémolytique urémique.

Yersinia enterocolitica

C'est un bacille Gram négatif d'identification récente, appartenant aux entérobactéries, agent de gastroentérites. Des réactions biochimiques permettent de la différencier des autres Yersinia pathogènes (Yersinia pestis agent de la peste et Yersinia pseudotuberculosis, qui provoque plutôt des adénites mésentériques). Il est répandu dans l'environnement. L'infection a été rapportée dans toutes les parties du globe mais elle est surtout détectée dans les pays industrialisés.

La contamination est alimentaire et l'expansion de l'infection semble liée à l'évolution du conditionnement alimentaire et à la généralisation des techniques de conservation des aliments par le froid.

Cliniquement, Yersinia enterocolitica est responsable de gastroentérites brutales avec une diarrhée abondante, parfois sanglante, accompagnée de fièvre et de douleurs abdominales. La diarrhée peut avoir une évolution assez prolongée, souvent supérieure à deux semaines, et des manifestations extradigestives peuvent être observées : arthrites réactionnelles, érythème noueux.

Les bactériémies sont rares mais peuvent exister en cas d'immunodépression, de cirrhose ou de diabète et créer des foyers de suppuration à distance.

L'incidence réelle des Yersinioses est mal connue car seulement certains sérotypes sont pathogènes (0 : 3, 0 : 5, 0 : 8, 0 : 9).

Campylobacter

Les Campylobacter sont des bactéries à Gram négatif de forme incurvée et parmi elles Campylobacter jejuni et Campylobacter coli sont des agents de diarrhées aiguës infectieuses. La transmission est surtout d'origine

alimentaire, accessoirement de personne à personne, et liée à la présence d'animaux domestiques. Les enfants avant dix ans sont plus atteints. La dose infectante minimum serait de 102 bactéries. L'excrétion peut durer deux à trois semaines après l'infection et l'on signale des porteurs sains. Ils peuvent survivre assez longtemps dans le lait cru ou l'eau contaminée par des déjections.

Cliniquement, après une phase d'incubation de 1 à 3 jours, le tableau peut varier d'une diarrhée liquide peu marquée à un syndrome dysentérique, avec parfois de la fièvre et des vomissements. Les manifestations extradigestives sont rares. Des cas de syndrome de Guillain Barré ont été rapportés.

Escherichia coli

E. coli est un bacille à Gram négatif appartenant au groupe des entérobactéries. C'est un hôte normal de l'intestin. Il représente la plus grande partie de la flore aérobie du tube digestif. C'est pour cette raison qu'il est recherché comme germe témoin de la contamination bactérienne de l'eau et des aliments.

Il existe quelques variétés pathogènes, qui peuvent être à l'origine de diarrhées aiguës, et c'est là tout le problème du diagnostic différentiel.

L'analyse des facteurs de virulence des souches a permis de reconnaître cinq catégories d'Escherichia coli pathogènes, agissant par des mécanismes différents.

- Escherichia coli entérotoxinoqènes (ETEC)

Les ETEC sont transmis par l'ingestion d'eau et d'aliments contaminés. Ils sont la principale cause de diarrhée chez l'enfant, surtout avant cinq ans, dans les pays en développement. Ils représentent aussi une des causes les plus importantes de diarrhée du voyageur.

Les bactéries ingérées adhèrent aux entérocytes (cellules de l'intestin) par un facteur d'attachement et sécrètent des entérotoxines (une toxine thermostable ST, et une toxine thermolabile LT) qui vont être responsables d'une diarrhée aqueuse, s'accompagnant de nausées et vomissements, de douleurs abdominales, parfois de fièvre et de malaise général. L'évolution est brève, reliée seulement à l'élimination de la toxine car il n'y a pas de lésions histologiques. La déshydratation est l'élément principal du tableau clinique. Le traitement est une réhydratation, par voie orale ou parentérale selon la gravité du cas. Une malabsorption résiduelle peut ensuite être observée.

- Escherichia coli entéropathoqènes (EPEC)

Ces bactéries sont responsables de diarrhées surtout chez l'enfant. Elles peuvent être responsables d'épidémies dans les collectivités notamment en milieu néonatal, favorisées par le manque d'hygiène. Les germes responsables appartiennent en général à des sérotypes particuliers. La transmission est interhumaine. La diarrhée peut être sévère et prolongée : selles aqueuses accompagnées d'une grande quantité de mucus, fièvre, vomissements. Elle peut favoriser l'apparition ou l'aggravation d'une dénutrition. Le pouvoir pathogène est lié à l'adhésion aux entérocytes, créant une destruction progressive de ceux-ci, associée ou non à l'action d'une cytotoxine.

- Escherichia coli entéro-invasifs (EIEC)

Ces bactéries ont une parenté étroite avec les Shigelles, aussi bien morphologique que physiologique. Elles sécrètent la même vérotoxine et provoquent un tableau dysentérique voisin. On les rencontre surtout chez l'enfant de moins de dix ans dans les pays en développement.

- Escherichia coli entéroagréqants et entéroadhérents (EAAgg. DAEC)

Leurs caractéristiques sont voisines de celles des EPEC. Ils provoquent des diarrhées modérées chez les enfants et les voyageurs en milieu tropical.

- Escherichia coli entérohémorraqiques (EHEC)

Ces germes sont très étudiés actuellement. Ils sont responsables d'une diarrhée sanglante et de colites hémorragiques. La souche souvent incriminée est E. coli O157H7 mais d'autres sérotypes peuvent être également en cause. Les EHEC sécrètent une toxine proche de celle de Shigella dysenteriae type 1. L'incidence de cette infection est croissante surtout en Amérique du Nord, touchant particulièrement les enfants de moins de cinq ans et les adultes de plus de 65 ans. La viande sous forme de hamburger et le lait non pasteurisé seraient les principales sources d'infection. La gravité de l'infection vient de la possibilité de complications redoutables, syndrome urémique hémolytique et purpura thrombopénique.

Vibrio cholerae

Vibrio cholerae est l'agent du choléra, prototype des diarrhées par entérotoxine. C'est un bacille Gram négatif incurvé, très mobile, appartenant aux vibrionacées.

On distingue à l'intérieur de l'espèce deux biotypes, Vibrio cholerae et Vibrio El Tor. Les souches responsables du choléra sont toutes porteuses soit du sérotype 0, soit du sérotype 0139 (décrit en 1992). Responsable de grandes pandémies, le choléra existe actuellement à l'état endémique dans différentes régions (Amérique centrale, Asie du Sud-Est Extrême-Orient).

Le choléra est transmis par l'ingestion d'eau et d'aliments contaminés, survient dans le situations d'hygiène précaire, lorsque l'eau n peut être traitée avant sa consommation. L dose minimale infectante se situe en 106 et 109. Les germes ne pénètrent pas dans la paroi intestinale mais adhèrent à la surface des entérocytes et agissent par l'intermédiaire de leur toxine.

L'aspect clinique peut être celui d'un portage asymptomatique, celui d'une diarrhée simple d'évolution bénigne, mais peut aller aussi jusqu'à un état gravissime de déshydratation. L'incubation est de quelques heures à 5 jours, puis survient une diarrhée fécale et ensuite aqueuse, avec douleurs et vomissements. Les selles se présentent sous la forme d'un liquide blanchâtre "eau de riz" contenant du mucus, des cellules et des germes. La perte liquidienne peut aller jusqu'à 10 litres par vingt-quatre heures. À la déshydratation intense, s'ajoutent alors la chute thermique, l'insuffisance rénale et l'acidose avec collapsus. La convalescence est longue, avec une asthénie pendant plusieurs semaines.

6. Traitement antibiotique

Le traitement antibiotique n'est pas toujours nécessaire. Il doit être, si possible, guidé par la mise en évidence de l'agent pathogène. Il est indiqué dans certaines conditions, notamment un tableau clinique grave, un syndrome dysentérique, ou la présence de certaines pathologies. Son but est d'abréger l'évolution des symptômes, de limiter le risque de dissémination et d'éviter les complications en cas de bactériémie (cf. tableau).

Il. Les intoxications alimentaires

La contamination bactérienne des aliments peut donner des symptômes gastro-intestinaux ou des symptômes d'une maladie généralisée. Ces maladies sont dues à une toxine préformée ou sécrétée lorsque l'aliment est ingéré. La culture des selles ne permettra donc généralement pas les diagnostics. Les intoxications avec symptômes gastro-intestinaux les plus fréquentes sont dues à Staphylococcus aureus, Clostridium perfringens et Bacillus cereus.

Staphylococcus aureus

De nombreuses souches sont productrices d'entérotoxine. Cette toxine est partiellement thermostable dans les aliments (pâtisserie, mayonnaise, plats cuisinés contenant de la crème). Elle est produite dans les aliments lors de la croissance du germe. Les symptômes débutent entre 1 à 6 heures après le repas par des nausées, vomissements et une diarrhée. Dans les cas d'intoxications dans les collectivités, le diagnostic est effectué par la mise en évidence dans les laboratoires spécialisés de la toxinogenèse des bactéries isolées (ou de la présence de toxine dans l'aliment).

Indications de l'antibiothérapie

Bactérie Indications Antibiotiques
Salmonella Ne modifie pas l'évolution clinique Favorise le portage prolongé Indications : enfant < 1an, sujet âgé, déficit immunitaire, drépanocytose, prothèses (valvulaires et articulaires) Cotrimoxazole, ampicilline Fluoroquinolones
Shigella Amélioration rapide du syndrome Dysentérique Eradication rapide des selles Cotrimoxazole, ampicilline Acide nalidixique Fluoroquinolones
Campylobacter Si diarrhée sanglante, fébrile, douloureuses Amélioration rapide si précoce Ne propage pas le portage Erythromycine, tétracyclines Fluoroquinolones
Yersinia Formes sanglantes Cotrimoxazole, tétracyclines Fluoroquinolones
E. Coli Diarrhées invasives Cotrimoxazole, ampicilline
Vibrio cholerae Réduit les signes cliniques Elimination rapide des selles Tétracyclines, Cotrimoxazole Macrolides, aminopénicilline
C.difficile Formes graves Métronidazole, vancomycine

Clostridium perfringens type A

Il peut donner, à doses infectantes élevées, une diarrhée avec douleurs intestinales intenses, rarement des vomissements. La maladie est de courte durée et de bon pronostic. Le germe doit, pour le diagnostic, être recherché et dénombré dans l'aliment mis en cause.

Bacillus cereus

Il peut donner deux types d'affections.

Dans le premier cas, 1 à 5 heures après ingestion de riz contaminé surviennent des vomissements intenses puis une diarrhée sans fièvre. Une toxine thermostable en est responsable, présente dans l'aliment.

Dans le second cas les symptômes surviennent 10 à 12 heures après le repas contaminant. La toxine mise en cause ici est thermolabile.

Le diagnostic se fait par recherche quantitative du germe dans l'aliment (> 105 bactéries par gramme). La recherche isolée dans les selles n'a as assez de valeur diagnostique.

III. Les diarrhées infectieuses après traitement antibiotique

Des diarrhées sont observées dans 30 % des cas, au cours de traitements antibiotiques. La plupart du temps elles sont bénignes, mais dans certaines circonstances, les perturbations de l'écologie de la flore intestinale induites par l'antibiothérapie permettent l'émergence d'agents infectieux pathogènes dont le plus important est Clostridium difficile.

Épidémiologie

Clostridium difficile (C. difficile) est un bacille à Gram positif sporulé anaérobie strict. Il est connu depuis 1930, mais c'est seulement depuis 1970 que son rôle dans les colites pseudomembraneuses a été démontré. On sait maintenant qu'il est aussi responsable de 20 à 30 % des diarrhées survenant au décours d'une antibiothérapie et il est également reconnu comme étant responsable en milieu hospitalier d'infections nosocomiales sous la forme de cas groupés ou d'épidémies.

Il faut savoir qu'il peut aussi être retrouvé dans le tube digestif d'individus sains. Le

nombre de porteurs asymptomatiques varie entre 3 et 7 % chez les adultes et 20 et 70 % chez les nouveau-nés.

Physiopathologie

C. difficile exerce son rôle pathogène par la sécrétion de deux toxines (entérotoxine ou toxine A, cytotoxine ou toxine B). La toxine A exerce une action entérotoxique entraînant une altération importante de la muqueuse et des pertes liquidiennes. La toxine B est une puissante cytotoxine qui exerce une action pathogène après que l'altération de la muqueuse ait été induite par la toxine A. Les porteurs asymptomatiques (adultes ou nourrissons) de C. difficile hébergent des souches habituellement non toxinogènes.

La flore normale du sujet sain joue un rôle capital dans la protection d'une infection à C. difficile. En effet, dès que celle-ci est fortement perturbée, à l'occasion habituellement d'une antibiothérapie, ou plus rarement d'une chimiothérapie ou d'un cancer, les spores de C. difficile qui se trouvent dans l'intestin entrent en cycle végétatif et le colonisent rapidement. Presque tous les antibiotiques ont été incriminés, mais ce sont surtout les lincosamides (clindamycine) qui sont les inducteurs les plus puissants de colites pseudomembraneuses et de diarrhées après antibiothérapie.

Les infections à C. difficile surviennent de préférence chez les personnes fragilisées. Récemment, des épidémies de diarrhées à C. difficile ont été décrites chez des sujets atteints de sida, suggérant que ces patients présentaient un terrain particulièrement propice à ces infections.

Le diagnostic de l'infection peut être fait par l'isolement du germe et/ou par la mise en évidence de l'action de la toxine qui est plus rapide et plus significative. Dans les cas des diarrhées consécutives à l'antibiothérapie, les symptômes régressent en général par arrêt de celle-ci. Dans les cas de colite pseudomembraneuse, le traitement par le métronidazole ou la vancomycine est une urgence.

Conclusion

Quels que soient le mécanisme et l'agent bactérien en cause, le danger immédiat de la diarrhée aiguë bactérienne est celui de la déshydratation, surtout chez le nourrisson, l'enfant et le sujet âgé. L'émission fréquente de selles molles ou liquides entraîne une perte d'eau et d'électrolytes qui doit être rapidement compensée. Le maintien des apports hydrosodés par voie orale est généralement suffisant, la mise sous perfusion restant indiquée pour les cas gravissimes ou trop avancés. L'emploi rapide des solutions de réhydratation orale permet de réduire de façon considérable la morbidité et la mortalité des diarrhées infectieuses.

Développement et Santé, n° 128, avril 1997