Les brûlures

Par Jacques Nafziger, Médecin généraliste, Paris, France

Publié le

Définition
La brûlure est la lésion produite par la chaleur sous toutes ses formes et détruisant tout ou partie du recouvrement cutané.

I. Généralités

De la profondeur dépendront les difficultés de cicatrisation.

Aux problèmes de cicatrisation, on répondra par le pansement et la greffe éventuellement. De l'étendue dépendront les manifestations générales : chocs et maladies des brûlés qui mettent en jeu la vie.

Au choc des brûlés, on répondra par la réanima­tion.

1. Ce qu'il faut savoir de la profondeur de la brûlure

La profondeur s'exprime en degré

Brûlures du premier degré

  • Cliniquement :
    • sensation de cuisson,
    • le contact est douloureux,
    • il existe un peu d'oedème.
  • C'est une destruction de la couche cornée de l'épiderme.

Brûlures du deuxième degré

  • Cliniquement :
    • bulle translucide remplie de liquide clair (plasma),
    • très souvent ces bulles éclatent, le liquide s'écoule et laisse une surface rouge vif,
    • douleur très vive, atroce au contact (les ter­minaisons nerveuses de la peau sont à vif).
  • C'est un décollement entre l'épiderme détruit et sa couche basale.

Brûlures du troisième degré

  • Cliniquement c'est l'escarre : plaque brune épaisse, dure, insensible.
  • C'est une destruction complète de l'épiderme et du derme.

Remarques

  • Il est très difficile de faire le diagnostic du degré de la brûlure au premier examen du malade.
  • C'est au 10ème jour que ce diagnostic se fera avec exactitude.
  • Au niveau d'une même surface de brûlure, on rencontre presque toujours des lésions de degrés différents.
  • Il existe des brûlures intermédiaires où la destruction du derme est partielle.
  • Plus le contact avec la chaleur est prolongé, plus la brûlure sera profonde. Les vêtements peuvent jouer un rôle protecteur ou au contraire un rôle aggravant, s'ils s'enflamment ou s'imprègnent de liquide bouillant.

2. Ce qu'il faut savoir sur l'étendue de la brûlure

Elle s'exprime en pourcentage de la surface corporelle.

Devant tout brûlé, il faudra d'emblée apprécier la gravité des lésions, et cette gravité est proportionel­le à la surface brûlée.

Certains brûlés seront traités sur place, d'autres devront être évacués. On évalue très facilement le pourcentage des surfaces brûlées grâce à la règle des neuf. On fera un schéma.

Tête et cou : 9 % pour chacun d'entre eux
Membres supérieurs : 9 % pour chacun d'entre eux
Membres inférieurs : 18 % pour chacun d'entre eux
Abdomen et thorax : 18% de surface corporelle
Dos et région fessière : 18% de surface corporelle

C'est ce chiffre de pourcentage qui règle direc­tement la quantité de liquide à perfuser.

II. Signes généraux et leur évolution

Le retentissement sur l'état général apparaît dès que l'étendue dépasse 15 % de surface corporelle chez l'adulte et 10 % chez l'enfant.

Au-delà des 50 % de surface brûlée, les chances de survie sont très réduites.

Les signes généraux d'une brûlure étendue évo­luent en 3 périodes.

1. Période initiale : ­les 2 premiers jours

On assiste, au niveau des zones brûlées, à une fuite considérable du plasma hors des capillaires, infil­trant les tissus, d'où la formation d'oedème.

C'est une perte d'eau, d'albumine, de sels, au détri­ment du volume circulatoire et responsable du choc des brûlés :

  • la tension artérielle s'éffondre,
  • la conscience peut s'obscurcir,
  • le brûlé a soif,
  • il n'urine presque plus (oligo-anurie) : d'urgence il faut abondamment le perfuser pour prévenir le choc.

2. Période de résorption des oedèmes : les 3ème et 4ème jours

Grâce au traitement de remplacement liquidien, le brûlé franchit ce premier cap critique. Les 3ème et 4ème jours, on assiste an phénomène inverse. Le plasma rentre dans les capillaires sanguins. En pratique, on assiste à une augmentation considérable du volume des urines (polyurie).

3. Période secondaire : à partir du 5ème jour environ

Maintenant, le brûlé est menacé par l'infection et la dénutrition.

  • L'infection, quasi-inévitable dans les brûlures très étendues, se manifeste par une élévation de la température à 38°-39° avec des clochers à 41°, et s'accompagnant de frissons (décharges micro­hiennes dans le sang).
  • La dénutrition est en rapport avec la fuite des protéines au niveau des surfaces à vif. Le brûlé maigrit, il est très fatigué, n'a plus aucun appétit. Il perd ses protéines (nécessaires à la cicatrisation) et n'en absorbe plus.

L'infection retarde la cicatrisation. L'absence (le cicatrisation aggrave la dénutrition. Celle-ci à son tour compromet la cicatrisation. Il faut rapidement rompre ce cercle vicieux.

Sinon, on assiste à une détérioration progressive de toute les grandes fonctions (poumon, foie, reins) qui conduit à la mort des brûlés qui avaient cependant bien surmonté le cap critique des premiers jours.

III. Traitement local de la brûlure

1. Deux techniques : le pansement et l'exposition à l'air

Le pansement

  • Le plus propre possible et le moins douloureux possible.
    • au dispensaire : lavage des mains, pansement et linge le plus propre, antalgiques majeurs,
    • à l'hôpital : anesthésie générale, salle d'opération, stérilité.
  • Il est utilisé pour le tronc et les membres, ces derniers seront en extension pour éviter les rétractions.

Technique

  • Nettoyer au cétrimide dilué, ou à l'eau bouillie les surfaces brûlées et la peau autour.
  • Exciser les phlyctènes encore intactes ou déjà ouvertes.
  • Faire un pansement occlusif, gras et humide :
    • une couche de gaze vaselinée (biogaze, ou tulle gras),
    • une couche de compresses humides (sérum salé, eau bouillie),
    • une couche de coton hydrophile stérile,
    • une couche de coton cardé,
    • une bande velpeau (ou de gaze).

Ce pansement dépasse largement les surfaces brûlées. Il est légèrement compressif.

L'exposition à l'air

  • Pour les brûlures du visage, du périnée, des organes génitaux, de la racine des cuisses, on pourra préférer au pansement la technique de l'exposition à l'air.
  • On ne touche pas aux brûlures qui se dessèchent et se couvrent d'une croûte plus ou moins épaisse.
  • Le brûlé est allongé sur un drap propre. Aucun pansement, aucun vêtement, aucun appui sur les zones brûlées (donc à plat ventre pour les brû­lures de la région fessière par exerriple).
  • Cela suppose un lit avec moustiquaire dans une pièce climatisée...

2. Evolution : le 10ème jour

  • Théoriquement, on ne touche plus aux brûlures ni au pansement jusqu'au 10ème jour.
  • C'est à ce stade que le diagnostic exact de pro­fondeur est fait. Tous les intermédiaires existent entre :
    • les brûlures superficielles qui sont cicatrisées et guéries,
    • l'escarre : plaque dure insensible qui nécessitera une excision sous anesthésie générale et une greffe.

Le traitement de ces brûlures intermédiaires sera alors affaire de pansement, de chirurgie et d'expérience.

  • Mais si l'infection se manifeste avant le 10ème jour :
    • fièvre,
    • pansement souillé et
    • sentant mauvais,

il faut l'enlever sans hésiter, pratiquer un nouveau nettoyage très soigneux au cétrimide et faire un nouveau pansement.

### Témoignage Soeur Blanca Azucena Guzmàn Infirmière diplômée de l'Université de la Sabana, Bogota, Colombie. Dispensaire de la maison d'Abraham à Jérusalem Est, Secours Catholique Caritas France.Au terme de deux années de travail dans le dispensaire de la Maison d'Abraham, à Jérusalem Est, je oudrais vous faire part des résultats obtenus dans la prise en charge de patients ayant des brûlures du premier et du second degré superficiel ou profond, indépendamment de leur cause, physique ou chimique. Le dispensaire assure les soins à la population locale résidant à Jérusalem. L'équipe est composée de deux médecins, d'une secrétaire et d'une infirmière. La plupart des brûlés arrivant au dispensaire sont soignés en ambulatoire, alors que la majorité d'entre eux devrait être hospitalisés. La population infantile est la plus affectée du fait de plusieurs facteurs de risque, parmi lesquels on peut citer les systèmes rudimentaires de chauffage et de cuisson. Les familles sont généralement nombreuses et beaucoup vivent entassées. Parfois, on prend ses repas à même le sol. Il peut exister une certaine négligence, mais également des violences intrafamiliales. L'augmentation du nombre de brûlés de tous les âges, souvent non satisfaits de la prise en charge et des traitements reçus dans certaines institutions hospitalières, m'a incitée à aménager un dispensaire où ils trouveraient accueil, confort et sécurité et recevraient un traitement adéquat. J'ai essayé divers médicaments existant à Jérusalem pour ce type de blessure. Après plusieurs essais, j'ai découvert les avantages de la crème nystatine-néomycine-gentamycine et de la trolamine pour le traite­ment des brûlures. La guérison est rapide, la cicatrisation satisfaisante. Aujourd'hui, nous sommes reconnus et appréciés par la population pour notre professionnalisme et la qualité de l'accueil et des soins. Traitement
  1. Nettoyage avec du sérum physiologique, de la povidone iodée ou un autre désinfectant.
  2. Ablation des tissus dévitalisés en cas de brûlure du second degré.
  3. Application de povidone iodée puis de nystatine-néomycine-gentamycine.
  4. Pansement avec une gaze vaselinée et bandage.
  5. En cas de brûlure du premier degré; application de trolamine seule.
  6. Lorsque la zone brûlée n'est plus infectée et est en cours de cicatrisation, renouveler les soins tous les trois jours, mais quotidiennement dans les cas contraires;
Recommandations Ce traitement est applicable :
  • Sur toutes parties du corps, y compris : le visage, les paumes des mains, les plantes des pieds et les parties génitales.
  • Quelle que soit la cause de la brûlure: physique ou chimique.
  • A tout âge.
La présence de bourgeonnements témoigne de l'évolution vers la cicatrisation. On poursuit alors l'applic­ation de trolamine. Médicaments
  1. Nystatine-néomycine-gentamycine crème, tube de 10 g.
  2. Trolamine émulsion, tube de 93 g.

Développement et Santé, n°194, 2009