Les anti-inflammatoires non stéroïdiens

Par Gorette Dos Santos Médecin généraliste

Publié le

Tous les AINS ont des propriétés anti-inflammatoires, antalgiques et antipyrétiques.
Ils ont tous, à des degrés divers, des effets secondaires quelle que soit la voie d'administration.
Les AINS sont utilisés :

  • au long cours comme traitement symptomatique de rhumatismes inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde…), de certaines arthroses douloureuses et invalidantes,
  • en traitement de courte durée en rhumatologie (arthrites microcristallines, affections abarticulaires : tendinites…, pathologie rachidienne : lombalgies…, poussées aiguës d'arthrose), en traumatologie, en urologie (colique néphrétique), en gynécologie (dysménorrhée).

Quand ils sont utilisés en thérapeutique d'appoint, notamment en ORL (otites, sinusites..), en stomatologie, leurs risques, en particulier lorsqu'il existe un processus infectieux concomitant, doivent être évalués par rapport au bénéfice attendu.

Les AINS peuvent être divisés en plusieurs familles.
Le choix d'un médicament doit faire intervenir l'indication, l'efficacité, la tolérance et les risques.

I. Généralités, en prenant l'aspirine pour type de description

1. Propriétés antalgique et anti-inflammatoire

L'aspirine est dès 1g par jour (et 300mg par prise), un bon antalgique sur des douleurs d'intensité faible ou modérée. Après une dose unique et analgésique, son effet dure 2 à 6 heures, selon les sujets. La composante anti-inflammatoire de l'aspirine n'apparaît qu'à partir de 3g/j et est nette à partir de 4 à 5 g/j.

Les AINS n'ont pas d'action curative, en rhumatologie, ils permettent une nette amélioration de la fonction altérée et globalement la qualité de vie du malade mais ils ne limitent pas la progression des lésions articulaires.

2. Effet antipyrétique

Chez les enfants, la dose efficace utilisée est de 10mg/kg (par voie orale) toutes les 4 à 6 heures. L'effet antipyrétique apparaît au bout d'une heure et dure en moyenne quatre heures.

3. Effet sur l'hémostase

L'administration d'aspirine allonge le temps de saignement par inhibition de l'aggrégation plaquettaire. Cet effet est modéré parfois nul chez des sujets normaux alors qu'il peut être intense chez les hémophiles et les sujets atteints de la maladie de Willebrand. L'acide salicylique, par lui-même, ne modifie pas le temps de saignement et semble donc pouvoir être utilisé chez les malades précédemment cités. L'effet de l'aspirine est patent dès la dose de 150 mg/j par voie orale, 50 mg par voie intraveineuse. Après une prise orale, l'effet apparaît dès la deuxième heure et dure de 2 à 7 jours. Ce temps correspond approximativement à la durée de vie des plaquettes. Les autres AINS, à des degrés divers, inhibent l'agrégation plaquettaire, par inhibition réversible de la cycloxygénase. Par conséquent, leur durée d'effet dépend essentiellement de la vitesse à laquelle l'AINS est éliminé de l'organisme

Autres AINS :

  • dérivés salicylés : diflunisal

  • dérivés indoliques : indométacine, sulindac

  • pyrazolés (phénylbutazone, oxyphenbutazone…) : très efficaces mais effets indésirables fréquents (rétention hydrosodée, réactions d'hypersensibilité en particulier cutanée) et graves (toxicité hématologique)

  • oxicams : piroxicam : une seule prise quotidienne mais ininterresssant dans les douleurs aiguës et transitoires, ténoxicam : utilisé à la dose quotidienne unique de 20 mg, isoxicam (syndrome de Lyell)

  • propioniques : bonne tolérance digestive, effets secondaires graves rares, efficacité dans la polyarthrite rhumatoïde et dans la spondylarthrite ankylosante.

  • autres : diclofénac, tolmétine (sodique), fenbufène

II. Interactions

  • Anticoagulants : les anti-inflammatoires, et en premier lieu l'aspirine, augmentent le risque de saignement sous traitement par héparine ou anticoagulant oral. De plus, tout anticoagulant peut favoriser les saignements digestifs secondaires aux lésions muqueuses provoquées par les AINS. Les interactions les plus connues concernent la potentialisation des effets des antivitamines K par certains AINS. (sous héparine, l'aspirine est interdite, les AINS à demi-vie longue à éviter, sous antivitamine K : certaines associations sont interdites, telles la phénylbutazone et la warfarine, d'autres associations ont été étudiées et semblent envisageables. Quoi qu'il en soit, la surveillance biologique sera accrue à l'institution et à l'arrêt de l'AINS)
  • Sulfamides hypoglycémiants : hypoglycémie
  • Diurétiques et autres antihypertenseurs : les AINS peuvent antagoniser les effets des diurétiques et des antihypertenseurs (bêta-bloquants, captopril, bumétanide, prazosine…)
  • Pansements digestifs, cimétidine, alimentation : les interactions avec un pansement digestif ou un antihistaminique dépend de l'anti-acide et de l'AINS utilisé. L'alimentation est fréquemment associée à une diminution de la biodisponibilité des AINS, dans les traitements en aiguë, l'effet antalgique risque souvent d'être moins précoce et moins marqué.
  • Dispositifs intra-utérins : la prise d'aspirine (et d'autres AINS) semble diminuer l'efficacité des dispositifs intra-utérins.
  • Autres interactions : lithium, digitaliques, halopéridol, méthotrexate, phénytoïne, probénécide. Les concentrations plasmatiques de nombreux AINS sont modestement diminuées par l'aspirine, l'association de l'aspirine à un autre AINS peut accroître la toxicité digestive, de toute façon, il n'y a pas de raison pharmacologique à associer deux AINS.

III. Incidents et toxicité

1. Toxicité digestive

La toxicité des AINS et de l'aspirine peut être représentée par des signes fonctionnels banals (brûlures épigastriques, douleurs, nausées...), une atteinte de la muqueuse gastrique (pétéchies, érosions, ulcères), un microsaignement, voire une hémorragie digestive (basse ou haute) extériorisée. Il n'y a pas de corrélation entre signes subjectifs et signes organiques.

Les formes rectales d'AINS sont fréquemment responsables d'irritation, d'inflammation de la muqueuse, de ténesme et parfois de saignements. Les AINS semblent également, par un effet systémique, favoriser la survenue d'ulcération colique.

Il n'y a pas de relation évidente entre l'augmentation des effets indésirables et la durée du traitement alors que l'accroissement de la toxicité digestive est liée de façon constante à celui de la posologie pour un AINS donné. Les lésions de la muqueuse digestive sont particulièrement fréquentes après administration en aiguë d'aspirine (jusqu'à 100% des malades dans certaines études ne comportant pas plus de 1 g d'aspirine par prise).

D'une manière générale, l'endoscopie montre que les " nouveaux " AINS sont mieux tolérés que les anciens telles l'indométacine, la phénylbutazone et l'aspirine.

La survenue d'hémorragies digestives n'est pas limitée aux adultes, elle s'observe aussi chez les enfants. Enfin, l'aspirine peut être, à tort, tenue pour responsable d'hémorragie car certains sujets prennent de l'aspirine parce qu'ils souffrent de signes associés à une hémorragie.

Ces médicaments agissent par la conjonction d'une action systémique, indépendante de la voie d'administration, et d'une action locale

2. Toxicité rénale

La fonction rénale peut être altérée chez les malades ayant une fonction au préalable diminuée ou maintenue avec précarité :

  • néphropathie aux analgésiques : due à l'abus d'antalgiques (fortes doses, pendant des mois ou des années, de plus d'un antaIgique), peut se manifester par une hématurie, une anurie, une hypertension artérielle.
  • insuffisance rénale oligurique : terrain particulier : âge avancé, cirrhose avec ascite, insuffisance cardiaque, déplétion hydrique et sodique (notamment due aux diurétiques), chirurgie lourde, atteinte rénale préexistante (lupus, diabète, goutte). Elle est d'apparition précoce après le début du traitement (quelques jours).
  • néphrite interstitielle d'origine immuno-allergique : un mois après le début du traitement, guérison sans séquelle que dans 60 % des cas
  • néphrite interstitielle avec syndrome néphrotique : la fonction rénale se normalise lentement mais constamment à l'arrêt de l'anti-inflammatoire.

En l'absence d'atteinte rénale, les AINS peuvent entraîner une rétention hydrosodée (avec hyponatrémie). La rétention peut être à l'origine d'une hypertension artérielle ou d'une décompensation cardiaque, chez des sujets prédisposés, en particulier les enfants atteints de rhumatisme articulaire aigu avec atteinte cardiaque. La rétention hydrique peut, à tort, faire croire à un saignement du fait de l'hémodilution qui en résulte.

3. Toxicité hépatique

Pratiquement tous les AINS peuvent entraîner des altérations des fonctions hépatiques. La fréquence des atteintes est en moyenne faible mais varie avec le médicament considéré ; le type de l'atteinte dépend également de l'AINS.

Les atteintes hépatiques dues à l'aspirine relèvent de dosage excessif, à l'exception du cas particulier représenté par le syndrome de Reye. Ce syndrome survient chez les enfants au décours d'une infection virale (grippe, varicelle) et associe notamment une hépatomégalie, une encéphalopathie, une hypoglycémie. Il est d'étiologie obscure et d'évolution souvent mortelle.

4. Grossesse et allaitement

Les études sur l'animal ont mis en évidence un effet tératogène de l'acide acétylsalicylique. Chez l'homme , au cours du 1er et 2ème trimestre, les résultats des études épidémiologiques semblent exclure un effet malformatif de l'acide acétylsalicylique. Il n'existe pas actuellement de données en nombre suffisant pour évaluer un éventuel effet malformatif de l'acide acétylsalicylique lorsqu'il est administré en traitement chronique au delà de 150mg/j.

En conséquence

  • pendant les 5 premiers mois : l'aspirine peut être prescrit en traitement ponctuel en cas de besoin. Par mesure de précaution, il est préférable de ne pas l'utiliser en traitement chronique au delà de 150mg/j
  • à partir du 6ème mois : tout médicament à base d'aspirine est contre-indiqué

Dans l'espèce humaine, aucun effet malformatif n'a été signalé avec les AINS. Cependant, des études épidémiologiques complémentaires sont nécessaire afin de confirmer l'absence de risque. Au cours du troisième trimestre, tous les inhibiteurs de synthèse des prostaglandines peuvent exposer :

  • le fœtus à une toxicité cardiopulmonaire (hypertension artérielle pulmonaire avec fermeture prématurée du canal artériel) et à un dysfonctionnement rénal pouvant aller jusqu'à l'insuffisance rénale avec oligoamnios.
  • la mère et l'enfant en fin de grossesse, à un allongement éventuel du temps de saignement.

En conséquence , la prescription d'AINS ne doit être envisagée que si nécessaire pendant les cinq premiers mois de la grossesse. En dehors d'utilisations obstétricales extrêmement limitées, et qui justifient une surveillance spécialisée, la prescription d'AINS est contre-indiquée à partir du 6ème mois.

Les AINS et l'acide acétylsalicylique passant dans le lait maternel, par mesure de précaution, il convient d'éviter de les administrer chez la femme qui allaite.

5. Effets cutanés

Tous les AINS peuvent être à l'origine de toxidermies, de gravité et de fréquence variables. Globalement, au moins 1 à 3 % des malades traités par ces médicaments ont des effets cutanés. Les éruptions, polymorphes ou monomorphes, constituent la forme la plus fréquente, observable avec tous les AINS. Pour certains des AINS, les éruptions ont une composante phototoxique. L'urticaire est la plus fréquente des atteintes cutanées dues à l'acide acétylsalicylique. La réaction peut être associée à d'autres manifestations évocatrices d'un mécanisme immuno-allergique (asthme, angiœdème) mais elle est croisée entre divers AINS de classes chimiques distinctes et survient en particulier chez les malades ayant un " asthme à l'aspirine ".

Les AINS peuvent, beaucoup plus rarement, être à l'origine de dermatoses bulleuses : érythème polymorphe, syndrome de Stevens-Johnson, voire syndrome de Lyell. Tous les AINS semblent pouvoir en être la cause (des demi-vies d'élimination particulièrement longues pourraient être un facteur favorisant)

L'érythème pigmenté fixe, dont l'origine est toujours " médicamenteuse " a été décrit avec les pyrazolés, le sulindac, les salicylés.

Les très rares cas de vascularite dues aux AINS associent des lésions cutanées et des lésions viscérales (rein, foie...). Le pronostic peut être mauvais, en dépit de l'arrêt de l'AINS et de l'institution d'une corticothérapie.

Enfin, l'indométacine aggrave les lésions des malades atteints de dermatite herpétiforme.

6. Toxicité hématologique

Atteintes médullaires d'une ou des trois lignées.

7. Effets broncho-pulmonaires

La fréquence de ces réactions est faible parmi la population générale mais la survenue d'un asthme à l'aspirine semble particulièrement élevée chez les sujets allergiques, et en particulier les asthmatiques. Jusqu'à 20%, selon les études, des asthmatiques sont intolérants à l'aspirine ou le deviennent, dans ce cas, l'intolérance à l'aspirine peut revêtir les formes précitées parmi lesquelles l'asthme représente la manifestation la plus fréquente. Chez les adultes sensibles à l'aspirine, on note la fréquence d'une polypose nasale associée. Il y a prédominance féminine, aussi bien chez les adultes que chez les enfants.

L'intolérance à l'aspirine est croisée avec tous les autres AINS à l'exception de l'acide salicylique. Cette intolérance peut aussi, bien que plus rarement, être croisée avec le paracétamol, et la tartrazine (ou E 102 : colorant présent dans de nombreux médicaments et aliments).

8. Effets sur le système nerveux et les organes sensoriels

  • atteinte auditive : les tintements d'oreille (et la baisse d'audition qui peut les suivre) sont régressifs avec la diminution de la posologie ou son arrêt, et sont associés à des concentrations plasmatiques d'acide salicylique supérieures à 200 µg/ml. Ce signe clinique d'appel d'intoxication serait inexistant chez les malades ayant une atteinte auditive préexistante. Les autres salicylés et de nombreux autres AINS peuvent entraîner des tintements d'oreille voire une baisse de l'audition.
  • atteintes oculaires :
    • conjonctivites allergiques à l'aspirine
    • le traitement prolongé par l'indométacine peut être responsable d'effets mineurs non rares (vision floue, sensation de tension oculaire, douleur conjonctivale) et exceptionnellement d'effets graves (rétinopathie)
    • l'ibuprofène, dans les premiers mois du traitement peut être responsable d'une amblyopie toxique
    • ces deux médicaments peuvent aussi modifier la perception des couleurs
    • conjonctivite, atteintes cornéenne, voire rétinienne ont été également rapportées avec la phénylbutazone
    • en revanche, le suivi ophtalmologique de malades traités en chronique pour des atteintes rhumatismales par le naproxène, le kétoprofène ou le flurbiprofène n'a pas mis en évidence d'atteintes oculaires.

9. Effets neurologiques

Pratiquement tous les AINS ont des effets centraux, dont les plus courants sont les céphalées et les vertiges.

D'autres troubles ont été décrits avec l'indométacine : vomissements, tremblements, troubles psychotiques, névrite périphérique. Par ailleurs, la rétention hydrosodée provoquée par les AINS peut, exceptionnellement, être responsable d'un tableau d'hypertension intracrânienne. La survenue de convulsions, principalement dans le cadre d'un surdosage, a été décrite pour la phénylbutazone, l'acide méfénamique, l'indométacine (nourrisson allaité).

Des troubles du comportement ont été décrits, rarement, avec des AINS autres que l'indométacine.

10. Effets sur les fonctions immunitaires et dans les infections

Quelques cas d'aggravation d'infections intercurrentes ont été rapportés chez des enfants recevant de l'indométacine, mais ce type de médicaments semble, expérimentalement, pouvoir améliorer l'expression de l'immunité cellulaire. Les AINS ne semblent pas aggraver le risque infectieux chez différentes espèces animales; compte tenu du large usage des AINS dans des pathologies infectieuses (otites, ...), des études confirmant cette inocuité en clinique humaine seraient bienvenues.

11. Enfin, il ne faut pas oublier deux points

  • l'aspirine, au décours de certaines infections virales bénignes, favoriserait la survenue du syndrome de Reye (voir toxicité hépatique) ;
  • l'action symptomatique antalgique et antipyrétique de tout AINS peut masquer les signes cliniques d'une infection.

IV. Intoxications aigües

1. L'intoxication aiguë par l'aspirine

Elle s'observe soit chez les enfants qui en ont pris de façon accidentelle soit chez les adultes dans un but d'autolyse. A côté de ces intoxications survenant généralement par voie orale, les pommades salicylées peuvent être à l'origine d'intoxications favorisées par la concentration élevée en acide salicylique de la pommade, la surface corporelle traitée et l'occlusion par des pansements. Les doses létales sont de l'ordre de 200 à 300 mg/kg (en une prise) chez les adultes, et 100 mg/kg chez les enfants.

Le début de l'intoxication se traduit par des troubles auditifs (tintements d'oreille, baisse de l'audition, voire surdité), troubles du système nerveux central (céphalées, somnolence ou parfois au contraire excitation), sueurs, nausées, vomissements, diarrhée et une hyperventilation qui entraîne une alcalose respiratoire (chez les enfants, le stade d'alcalose respiratoire peut être manquant). Il s'installe ensuite une acidose métabolique par augmentation de la pCO2 et une accumulation d'acides organiques.

L'hyperthermie, parfois très prononcée chez les enfants, est un des signes de l'intoxication. Dans les formes sévères, les troubles hydro-électrolytiques sont majeurs : acidose métabolique (et respiratoire si le malade évolue vers le coma et la dépression respiratoire), déshydratation (due aux troubles digestifs et aux sueurs secondaires à l'hyperthermie), déplétion potassique (due aux sueurs et aux vomissements), hyperglycémie dont le mécanisme n'est pas clair ou au contraire hypoglycémie que les enfants seraient plus susceptibles d'avoir. Des hémorragies peuvent survenir, rarement. Dans les formes les plus graves, il y a possibilité d'encéphalopathie, de coma, de dépression centrale et cardiovasculaire avec évolution rapidement mortelle.

Le diagnostic différentiel principal est celui du coma hypoglycémique. La détermination de la salicylémie permet d'appréhender la gravité de l'intoxication (et d'en confirmer son origine).

Le traitement est symptomatique. A moins qu'il n'y ait des troubles de la conscience, le lavage gastrique doit toujours être pratiqué car l'estomac peut contenir des formes encore non délitées. La rééquilibration hydro-électrolytique est fondamentale : apport de potassium, de glucose (pour s'opposer à la cétose et à l'hypoglycémie), réhydratation, et alcalinisation des urines par perfusion lente de sel de bicarbonate. L'administration de vitamine K ou éventuellement de fraction plasmatique contenant les facteurs K-dépendants pourra être utile en cas d'hémorragie.

Le toxique est éliminé par la dialyse péritonéale ou l'hémodialyse. La dialyse est recommandée quand la salicylémie dépasse 800 mg/l si l'état du malade semble le nécessiter.

2. Autres intoxications aiguës

Dans l'ensemble, les formes graves d'intoxication aiguë par les AINS ont peu été décrites. Les pyrazolés sont les plus toxiques et peuvent entraîner des troubles centraux, cardiovasculaires et rénaux. Schématiquement, tous les autres AINS peuvent être responsables d'atteintes rénales, de troubles digestifs, céphalées et autres troubles centraux et d'hypoprothrombinémies. Le traitement est symptomatique et le recours à l'hémodialyse ou à la dialyse péritonéale serait généralement peu efficace.

V. Indications

Il semble qu'en clinique, à condition de donner des doses suffisamment élevées, l'effet anti-inflammatoire des différents AINS soit du même ordre (chez des malades atteints de polyarthrite rhumatoïde). Néanmoins, aux posologies légalement recommandées, l'indométacine, l'aspirine, la phénylbutazone et le piroxicam sont certainement les plus puissants. Les AINS diffèrent plus par la valeur du rapport efficacité anti-inflammatoire/efficacité antalgique. l'acide acétylsalicylique est "relativement" plus antalgique que le diclofénac et l'indométacine.

Du point de vue du rapport efficacité anti-inflammatoire/toxicité digestive, aucun AINS ne sort du rang. Donc actuellement, la toxicité digestive est, globalement, indissociable de l'efficacité anti-inflammatoire ; le choix d'un AINS est fondé sur d'autres critères : la fréquence et la gravité des autres effets indésirables, l'existence d'interactions médicamenteuses, la commodité d'emploi de l'AINS (fréquence des prises, nécessité ou non d'être à jeun), les pathologies aiguës ou chroniques à traiter et les terrains sur lesquels elles surviennent. Ces deux derniers aspects sont les plus importants.

1. Pathologies douloureuses et inflammatoires chroniques

a) Polyarthrite rhumatoïde

La majorité des AINS sont aussi efficaces que l'aspirine.Quand l'état du malade nécessite l'apport supplémentaire d'un antalgique à l'anti-inflammatoire non stéroïdien, c'est généralement le paracétamol qui est choisi.

b) Spondylarthrite ankylosante

La réponse des malades, atteints de spondylarthrite ankylosante, aux AINS est différente pour des raisons actuellement non connues, s'opposant en cela à la polyarthrite rhumatoïde. L'aspirine est active sur un faible pourcentage de malades et n'est donc pas indiquée. L'indométacine et la phénylbutazone sont, elles, actives sur un plus grand pourcentage de malades et constituent les AINS de référence dans cette pathologie. Différents essais cliniques indiquent que d'autres AINS, notamment naproxène, flurbiprofène, sulindac et diclofénac sont des agents efficaces dans la spondylarthrite sans avoir la toxicité hématologique des pyrazolés.

c) Arthrose

Maladie dégénérative comportant des douleurs et une limitation progressive des mouvements, souvent mieux soulagée par les anti-inflammatoires/antalgiques que par les antalgiques purs. Les AINS de choix sont l'aspirine ou un propionique.

2. Pathologies douloureuses et inflammatoires aigües

Coliques hépatiques et néphrétiques…

3. Autres indications

  • Utilisation de l'aspirine pour ses propriétés anti-agrégantes plaquettaires et pour ses effets antipyrétiques.
  • Induction de la fermeture du canal artériel (indométacine).
  • Troubles biologiques du syndrome de Bartter, en particulier l'hypokaliémie (indométacine, aspirine, ibuprofène).
  • Symptômes de la dysménorrhée primaire, incluant la douleur (ibuprofène, naproxène).
  • Et aussi utilisation des AINS chez la femme enceinte (indométacine dans les menaces d'accouchement prématuré quand les autres traitements sont contre-indiqués), en cancérologie, dans le syndrome de sevrage en héroïne (il semble que l'administration intraveineuse d'aspirine sous forme d'acétylsalicylate de lysine à des doses assez élevées (80 mg /kg/j) puisse pratiquement supprimer les signes physiques du syndrome de sevrage chez des héroïnomanes au cours des 48 heures qui suivent l'arrêt de la drogue, dans l'hypotension orthostatique.
  • L'aspirine semble être efficace dans les gastro-entérites infantiles, elle permettrait de réduire les pertes liquidiennes intestinales avec une posologie équivalente à celle utilisée dans la fièvre.
  • L'acide 5-aminosalicylique semble efficace comme anti-inflammatoire dans la rectocolite hémorragique et la maladie de Crohn.
  • Action kératolytique : pommade à la vaseline (5 à 10 % d'acide salicylique).

VI. Contre-indications

1. L'ulcère gastrique ou duodénal évolutif

C'est la plus classique contre-indication pour tous les AINS. En cas de dyspepsie, de gastrite, d'œsophagite ou d'antécédent d'ulcère, les AINS seront employés avec précaution, si ce n'est contre-indiqués.

L'association à un pansement digestif ou à un antihistaminique H2 devra tenir compte de la possibilité d'une interaction avec les AINS.

Dans la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, il semblerait prudent d'éviter les formes suppositoires ainsi que les AINS par voie orale, telle l'indométacine, qui peuvent avoir une toxicité digestive basse en raison d'un cycle entéro-hépatique.

2. "Hypersensibilité" aux AINS

L'asthme à l'aspirine est une contre-indication classique à ce médicament et aux autres AINS, sauf peut-être les sels d'acide salicylique.

L'attitude à avoir devant d'autres accidents de caractère immuno-allergique dus à un AINS est beaucoup moins évidente. L'AINS en cause sera évité naturellement. La question est de savoir si les autres AINS deviennent interdits ou en d'autres termes, si le mécanisme est immuno-allergique ou pharmacologique.

L'existence d'une polypose nasale, même en l'absence de rhinite ou d'asthme connus, doit faire éviter l'aspirine et les autres AINS, en l'absence de la preuve de leur bonne tolérance.

3. Insuffisance hépatique grave

Tous les AINS couramment utilisés sont en grande majorité métabolisés avant d'être excrétés sauf l'acide salicylique aux posologies anti-inflammatoires d'aspirine. Par conséquent, ils risquent tous de s'accumuler chez l'insuffisant hépatique. En pratique, les problèmes sont peut-être plus liés au risque d'aggravation de troubles associés à l'insuffisance hépatique : troubles de la coagulation, neurologiques , et précarité de la fonction rénale dans la cirrhose décompensée.

4. Insuffisance rénale grave

Il faudra être vigilant chez les malades qui ont une fonction rénale un peu altérée ou maintenue de façon précaire. Ceci inclut les personnes âgées.

Conclusion

Toute prescription médicale nécessite une évaluation rigoureuse des avantages, inconvénients et risques éventuels à la prise de tout traitement. Et les AINS n'échappent pas à la règle. De nouvelles molécules mieux tolérées (AINS spécifique de la cyclo-oxygénase 2) ont vu le jour mais leurs indications sont limitées, de même que leur disponibilité , notamment du fait de leur coût.

Développement et Santé,n°161, octobre 2003