Le diabète sucré
Le diabète sucré : Un nouveau défi Par Olivier Bismuth Médecin généraliste, Thiais, France. Article rédigé en juillet 2009 La forte progression du diabète sucré dans le monde au cours des dernières années a conduit l'OMS à considérer cette affection comme faisant partie des cinq principales maladies chroniques nécessitant une prise en charge à plusieurs niveaux. Déjà, en 1992, Développement et Santé, dans son numéro 97, publiait un article de Thomas Oshotayo Jonhson, médecin nigérian, signalant l'augmentation de la prévalence de la maladie dans les années 1980 : un à deux adultes sur 40 en Amérique latine, de 2 à 5 % en Asie du sud-est. Une prévalence de 3 % signifie qu'un pays de 10 à 15 millions d'habitants comptera environ 300 000 diabétiques. L'auteur invitait à "entreprendre des activités de prévention,... la collaboration intersectorielle des divers intervenants... l'éducation pour la santé" et il concluait par cette phrase : "faire ce premier pas devrait permettre d'en éviter beaucoup d'autres à l'avenir". L'autre particularité, surprenante pour beaucoup, est l'émergence et la découverte de cette pathologie dans les pays de faible niveau économique. Habituellement, on considérait que cela concernait les pays riches, avec une population suralimentée, mais très peu les pays du Sud. On parlait de maladie de pléthore, c'està-dire atteignant des patients gros ou obèses, sédentaires et vivant dans des pays riches. Or, voici que l'on constate des cas fréquents, non seulement dans des pays dit émergents, comme l'Afrique du nord, où la prévalence de la maladie est plus que préoccupante, mais aussi dans des pays d'Afrique subsaharienne, des îles du Pacifique ou d'autres pays tropicaux. De plus, la classification habituelle - diabète insulino-dépendant (DID) du sujet maigre et jeune versus diabète non insulinodépendant (DNID) du sujet en surpoids et âgé - est remise en question par les faits, puisque l'on observe un nombre croissant de DNID chez des sujets maigres. On verra, dans ce numéro thématique, que le diabète peut être découvert de façon insidieuse, le patient ne se plaignant de rien, ou à l'occasion d'une complication, parfois sévère. Il est grave, retentit sur la qualité de vie, et ses complications peuvent être fatales. Il est chronique et dure toute la vie. Comme d'autres affections chroniques, il est un défi pour les soignants, remettant en question les convictions, les pratiques et la façon de travailler. En effet, l'endémie diabétique impose un travail en réseau, et si celui-ci n'existe pas, de le créer. On peut retenir, parmi les diverses définitions d'un réseau : un carnet d'adresses opérationnel (je connais untel qui peut me conseiller sur le diabète), ou une équipe de soignants de compétences différentes travaillant ensemble autour d'un malade ou de cette maladie. Cela signifie qu'au lieu de soigner seul le patient diabétique, une équipe pluridisciplinaire le prend en charge : médecins spécialistes (cardiologue, ophtalmologiste, diabétologue etc.), infirmiers, paramédicaux si possible (diététicien, podologue), mais aussi et surtout les associatifs, si efficaces pour l'éducation, la sensibilisation et l'aide à l'observance. Cela signifie aussi que la prise en charge du diabète n'est pas seulement une question de diagnostic et de médicaments, mais aussi de modification des comportements alimentaires et de pratique d'une activité physique. Cela impose de penser à tout moment à l'accessibilité aux soins, en tout premier lieu financière (coût des bandelettes, des examens, du traitement), et de rechercher la meilleure efficience de nos actions (c'est-à-dire le meilleur rapport coîit/efficacité). En outre, il importe d'avoir, dans chaque région ou pays, un bilan plus précis de la situation, afin d'adapter la formation initiale et continue de tous les acteurs de santé. Enfin se pose la question de l'élaboration de stratégies adaptées au niveau d'intervention (selon l'importance du dispensaire ou le degré de compétence professionnelle). Ce numéro thématique se divise en deux parties. La première décrit de façon générale la clinique et la thérapeutique du diabète. Certes, parmi les propositions d'examens, de suivi et de traitements, beaucoup ne sont pas réalisables dans les conditions réelles de pratique de plusieurs pays. Mais il nous a semblé important de les exposer, en insistant toutefois sur l'essentiel. Dans la seconde partie, grâce à PONG Santé Diabète Mali, que nous remercions chaleureusement pour sa collaboration, nous publions une série d'articles présentant les difficultés rencontrées "sur le terrain" : un pays du sud, aux ressources limitées et à l'accessibilité aux soins difficile. Nous verrons parallèlement les efforts réalisés pour adapter des programmes de soins à ces réalités. Développement et Santé n°193, 2009