Le diabète, qu'est-ce que c'est ?
C'est devant une jeune femme de vingt-cinq ans, grabataire, se mourant d'un diabète insulino-dépendant, qu'en 1986, des infirmiers tchadiens et une amie française médecin cherchèrent les moyens de la sauver.
L'insuline et le matériel d'injection, envoyés de France par une amie diabétologue, permirent d'obtenir un effet bénéfique rapide sur cette malade.
Dix ans après, la jeune femme est responsable d'un jardin d'enfants et mère de famille.
Actuellement, en 1996, dix diabétiques insulino-dépendants sont pris en charge par le Centre de santé de Békamba (district sanitaire de Koumra). À partir de cette expérience clinique et humaine, nous nous proposons de rédiger deux articles pour répondre à l'attente de ceux qui, comme nous, pensent que le diabète n'aboutit pas fatalement à la mort en Afrique.
Le premier article sera un rappel sur le métabolisme du glucose et sur les dérèglements de ce métabolisme, entraînant les diabètes.
Le deuxième article relatera la prise en charge concrète de quelques diabétiques insulino-dépendants dans le Centre de santé de Békamba (Moyen Chari, Tchad).
I. Définition du diabète
Le diabète se définit par son symptôme essentiel : l'hyperglycémie chronique, c'est à dire un excès permanent de sucre dans le sang.
Cet excès est une véritable intoxication chronique des cellules de l'organisme, surtout celles du rein, de la rétine et des artères. De cette intoxication découlent les principales complications diabétiques. Hyperglycémie chronique et complications font l'unité autour de la maladie diabétique dont les causes sont variées.
II. Rappel sur le métabolisme du glucose
1. La glycémie normale et sa régulation
La glycémie est le taux du glucose dans le sang.
a) Taux normal du glucose dans le sang
Il est stable entre 0,80 g/l et 1,20 g/l.
b) Source et rôle du glucose
Le glucose est élaboré dans notre organisme à partir des glucides ou sucres apportés par l'alimentation. Ce sont les aliments d'énergie.
Le glucose est indispensable à la vie de toutes nos cellules. La stabilité de son taux à une valeur normale est indispensable au bon fonctionnement de certains de nos tissus : reins, rétine, artères.
c) Régulation du taux de glucose
La glycémie est le résultat de l'équilibre entre la production et la consommation du glucose. À nos phases de nourriture (repas) et à celles du jeûne (nuit), notre organisme répond par des périodes de stockage et des périodes de libération du glucose.
C'est essentiellement l'insuline, produite par les cellules bêta des îlots de Langherans du pancréas, qui règle le métabolisme du glucose.
- L'insuline réduit la production de glucose par le foie en freinant la transformation du glycogène (forme de stockage du glucose) en glucose et en favorisant, au contraire, le stockage du glucose en glycogène. Le glucose stocké dans le foie est une réserve pour les urgences, car il est immédiatement libéré et rapidement disponible en cas d'hypoglycémie.
- L'insuline stimule le transport du glucose dans le muscle. Le muscle est le deuxième lieu de stockage du glucose sous forme de glycogène. Cette réserve est plus lentement mobilisable que celle du foie. Elle sera sollicitée dans des demandes importantes, lors d'activités physiques très prolongées, par exemple.
- L'insuline favorise le transport du glucose par les transporteurs du glucose à travers la membrane cellulaire.
En résumé, l'insuline est hypoglycémiante. Elle contribue à empêcher la glycémie d'augmenter en :
favorisant le stockage du glucose et sa consommation,
bloquant la production du glucose à partir des graisses et des acides aminés.
À l'opposé de l'insuline, le glucagon sécrété par les cellules A du pancréas est hyperglycémiant :
- il favorise la glycogénolyse ou transformation du glycogène en glucose ;
- il favorise la production de glucose à partir des graisses ;
- de même que le glucagon, les catécholamines sécrétées par la glande médullo-surrénale sont hyperglycémiantes. Leur sécrétion est sous la stimulation de l'hypothalamus.
2. L'hyperglycémie chronique
L'hyperglycémie chronique est l'augmentation permanente du taux de glucose dans le sang.
Taux du glucose dans l'hyperglycémie
Pour rester simple, nous écrirons que dans le diabète, la glycémie est égale ou supérieure à 2 g/l.
Dans certains cas, l'hyperglycémie ne sera détectée que si on multiplie les glycémies dans la journée.
L'épreuve d'hyperglycémie provoquée orale n'est plus pratiquée.
III. Causes de l'hyperglycémie chronique
L'étude des facteurs de la régulation de la glycémie nous permet de dire que l'hyperglycémie est en rapport avec :
- soit un déficit plus ou moins profond du facteur hypoglycémiant : l'insuline. Exemples : ablation du pancréas, pancréatite diabète idiopathique (cause inconnue) de type I (diabète insulino-dépendant ou DID).
- soit, exceptionnellement, une augmentation de l'action des facteurs hyperglycémiants. Exemples : hypersécrétion de cortisol (syndrome de Cushing) ; ingestion abusive de certains médicaments tels que les corticoïdes, le salbutamol ; accessoirement : diurétiques thiazidiques, oestrogènes de synthèse.
- soit une modification des récepteurs : alors qu'ils devraient être sensibles à l'insuline, ils sont devenus résistants (insulino-résistance). Il ne s'agit donc pas, au moins dans les premières années de la maladie, d'une insuffisance en insuline mais d'un blocage de l'action de l'insuline. C'est le cas du diabète de type Il non insulino-dépendant qui se voit chez tous les patients obèses.
IV. Traduction clinique de l'hyperglycémie chronique
1. Signes cliniques
- la polyurie, conséquence de l'hyperglycémie, est gênante et elle amène le malade à consulter ;
- elle s'accompagne de polydypsie (soif) avec augmentation des boissons, conséquence de la polyurie ;
- l'augmentation du métabolisme de base et la déperdition énergétique sont responsables de l'amaigrissement ;
- dans le diabète non insulino-dépendant (DNID), dit encore diabète gras de l'adulte, les facteurs d'insulino-résistance sont : l'obésité, la répartition abdominale des graisses, la sédentarité et l'âge. Il faut tenir compte que 80 % des sujets avec diabète non insulino-dépendant sont obèses.
2. Les complications de l'hyperglycémie chronique
L'hyperglycémie chronique et ses complications sont le point commun des différents diabètes. Quelles que soient leurs causes, les diabètes partagent les mêmes complications. La complication est fréquemment la raison d'une première consultation.
a) Complications métaboliques
- coma acido-cétosique, dit coma diabétique
- hypoglycémies, conséquences de l'insulinothérapie et de certains antidiabétiques oraux. Elles vont du simple malaise au coma mortel.
b) Complications infectieuses
tuberculose ;
infections cutanées (peau, pieds...
infections urinaires et génitales.
c) Complications dégénératives
- altérations rénales (atteinte du gloménule) - altérations rétiniennes allant jusqu'à la cécité ;
- altérations nerveuses (polynévrite)
- altérations cardiovasculaires avec l'insuffisance coronaire (angine de poitrine, infarctus), artérite des membres inférieurs et accident vasculaire cérébral.
3. Les signes biologiques
L'hyperglycémie est mise en évidence, selon les possibilités locales, dans un laboratoire ou sur place en utilisant des bandelettes de lecture de glycémie à partir du sang capillaire recueilli au bout du doigt.
Il existe des appareils automatiques de lecture, chacun utilisant une bandelette spécifique (appareil One Touch, ou Accu Check, ou encore Glucometer, etc.).
La glucosurie est pratiquement toujours mise en évidence par des bandelettes réactives (les dosages chimiques au laboratoire sont abandonnés). Citons pour mémoire les bandelettes Ketodiabut Test et Keto Diastix.
Le cétonurie est dépistée et dosée sur les mêmes bandelettes que la glucosurie.
V. Traitement de l'hyperglycémie chronique
1. Le diabète insulino-dépendant
a) L'insulinothérapie
Les insulines commerciales : nous les présentons sous forme d'un tableau. Elles proviennent des quatre laboratoires suivants Hoechst, Lilly, Novo Nordisk, Organon.
Présentation de l'insuline
- flacons (10 ml) à 40 unités UI/mI,
- cartouches (1,5 à 3 ml) à 100 unités Ul/ml,
- soit avec stylo rechargeable,
- soit avec stylo non rechargeable,
- sous forme de seringue pré-remplie. Bien noter la différence de concentration entre les flacons et les cartouches (40 UI/ml et 100 UI/ml).
Les flacons ne sont vidés qu'avec des seringues et les cartouches ne seront utilisées qu'avec les stylos, jamais avec des seringues.
Conservation de l'insuline
Contrairement à toutes les idées véhiculées jusqu'à maintenant, le maintien de l'insuline dans un réfrigérateur n'est plus obligatoire. Les insulines actuelles peuvent être conservées à domicile à une température ambiante en recherchant les coins les moins chauds de son habitation jarre ou canari d'eau fraîche, enfouissement dans le sable mouillé, etc.).
Technique d'injection
- l'injection est sous-cutanée;
- la peau doit être propre mais les produits "désinfectants" sont inutiles;
- il est, par contre, très important de varier les sites d'injection : bras droit, bras gauche, cuisse droite, cuisse gauche, abdomen;
- la même aiguille peut servir plusieurs fois (3 à 5 jours) à condition qu'elle soit chaque fois bien recapuchonnée.
Calcul des doses à injecter et nombre d'injections
Les méthodes sont multiples, selon les conditions de vie. En Europe, le diabétique peut pratiquer plusieurs contrôles de glycémie par jour et se faire plusieurs injections d'insuline par jour. Dans l'expérience que nous menons à Békamba, nous utilisons les croix de glucosurie. Nous détaillerons la méthode dans l'article concernant notre activité sur le terrain.
c) La diététique
Son but théorique est de limiter les fluctuations de la glycémie (en hypo et en hyper). En réalité, vu les nombreuses contraintes auxquelles sont soumis les malades, il convient de s'adapter aux habitudes, à l'évolution pondérale avec l'objectif d'obtenir un poids normal pour la taille et à l'évolution glycémique.
Il existe toutefois des impératifs :
- faire au moins trois repas par jour auxquels s'ajoutent éventuellement des collations ;
- limiter les graisses saturées (viandes grasses, beurre, fromages gras) ;
- les apports en glucides doivent représenter 50 à 60 % de la ration calorique journalière, sous forme de sucres lents : riz, mil, sorgho, pâtes, pain, semoule de blé (couscous). Ces aliments doivent être répartis en quantité équivalente aux principaux repas ;
- apport normal en protéines (viande maigre, poisson, oeuf, lait demi-écrémé). Pas de régime hyperprotidique, en général.
2. Le diabète non insulino-dépendant
a) La diététique est l'élément essentiel
Il faut mettre en place le régime permettant d'obtenir une perte de poids. L'obèse doit maigrir. Il n'est pas très difficile de se procurer des tables de régime hypocalorique ou de teneur en glucides des aliments les plus courants.
b) Les activités physiques
On a vu plus haut que la sédentarité était un facteur favorisant l'insulino-résistance. Il faut donc recommander l'exercice physique. Celui-ci sera, de préférence, d'intensité modérée mais prolongée (marche...).
c) Les antidiabétiques oraux
Les biguanides (metformine)
Stagid® ; Glucophage® et Glucophage® 850; Glucinan® ;
- la metformine améliore la sensibilité des tissus à l'insuline. Elle diminue l'insulino-résistance ;
- la metformine ne stimule pas la sécrétion d'insuline. Elle ne donne pas de risque d'hypoglycémie ;
- en cas d'insuffisance rénale, d'altérations de l'état général et au-delà de soixante ans, il est déconseillé d'utiliser la metformine (risque d'acidose lactique).
Les sulfamides hypoglycémiants (par ordre croissant d'efficacité, nous citerons)
Diamicron® (gliclazide) ; Glibénèse® (glipizide), Diabinèse® (Chlorpropamide) ; Daonil® (glibenclamide), Glucidoral® (carbutamide).
- Ils sont insulino-sécréteurs, il faut donc savoir qu'en cas de surdosage, il y a un risque d'hypoglycémie.
- Il existe des interférences médicamenteuses avec les sulfamides hypoglycémiants, dans le sens d'une majoration de l'effet hypoglycémiant : Cotrimazole®, les salicylés, Probénécil®, Cirnétidine®.
VI. Éducation et responsabilisation du diabétique
Prendre en charge un diabétique et en particulier un diabétique insulino-dépendant, c'est vouloir :
1) prévenir les complications graves de la maladie ;
2) permettre au malade de mener une vie aussi normale que possible.
Ce double objectif sera obtenu si le malade est informé de sa maladie de telle sorte qu'il gère lui-même le dilemme : accepter les contraintes du traitement tout en préservant une qualité de vie suffisante.
Le soignant sera donc un éducateur de l'autonomie : le diabétique ne sera pas un patient passif mais un malade actif qui s'autonomise. Cela sous-entend que le soignant doit se former à la prise en charge d'un diabétique.
Conclusion
Cet article n'est pas une revue exhaustive de tout ce que l'on sait sur le diabète Il s'adresse essentiellement à des infirmiers qui doivent savoir que le diabète existe en Afrique et dans les autres continents en voie de développement. Ces infirmiers doivent chercher à comprendre la maladie diabétique et savoir qu'il n'est pas impossible d'aider un diabétique à vivre.
Références bibliographiques
Les diabètes. A Grimaldi, C. Sachon, F. Bosquet - EMInter.
Diabète et maladies métaboliques. Abrégés, Masson.
Le diabète sucré, OMS, Rapports techniques (727), 1985.
Développement et Santé, n°125, octobre 1996