Le débit-mètre de pointe

Par Étienne Bidat* * Pédiatre, Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-sur-Seine.

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Le dépistage de l'hypertension est facile par la mesure systématique, lors de chaque consultation, de la pression artérielle: après confirmation du diagnostic par des explorations cardio-vasculaires, un traitement adapté est prescrit.

De même, pour dépister les maladies respiratoires, s'il existe une toux, des sifflements, une gêne à l'effort, un souffle court, une pesanteur thoracique, une expectoration ou une rhinite, il faut mesurer le souffle avec le débit-mètre de pointe; si les valeurs du débit de pointe sont abaissées, et après confirmation du diagnostic par des explorations respiratoires, un traitement adapté est prescrit.

Les maladies respiratoires, et tout particulièrement l'asthme, sont trop rarement diagnostiquées; seul un enfant sur trois qui présente dans l'année douze épisodes de " sifflements " est considéré comme asthmatique. De même, chez l'adulte, le diagnostic d'asthme n'est porté qu'une fois sur trois.

I. Le débit expiratoire de pointe

Le débit expiratoire de pointe (DEP) est une mesure objective du degré d'obstruction bronchique. Elle permet la surveillance du patient asthmatique en ambulatoire et doit aussi faire partie de l'examen clinique de tous les malades au même titre que la tension artérielle et la fréquence cardiaque. Ceci n'exclut pas des contrôles des fonctions respiratoires (une à deux par an) chez tous les asthmatiques.

Le DEP est le débit maximal obtenu lors d'une expiration effectuée après le gonflement maximal de la poitrine. La valeur normale du DEP varie selon l'âge, la taille et le sexe (normes fournies avec les appareils), autour de 450 I/min pour les femmes, et de 600 I/min pour les hommes. Sa valeur dépend du degré d'obstruction bronchique, de l'air qui est dans la cage thoracique. Si le patient n'a pas assez gonflé sa poitrine, le débit expiratoire de pointe sera diminué. Il dépend aussi de l'effort musculaire déployé lors de l'expiration.

II. Comment souffler dans le débit-mètre

Avant de commencer, le curseur doit être placé sur le zéro de l'échelle graduée, les doigts et la langue du patient ne doivent pas être appliqués où il ne faut pas... sinon le curseur est bloqué, l'embout est obstrué et la mesure du DEP est fausse.

Pour souffler:

  • inspirer au maximum bouche ouverte,

  • aussitôt application intime des lèvres sur l'embout, et

  • souffler le plus fort et le plus vite possible.

Trois mesures consécutives sont nécessaires mais seule la meilleure valeur est notée sur le carnet de surveillance avec la date et l'heure.

Tous ces points sont expliqués au patient avant de prescrire un débit-mètre.

Patient bien éduqué:
résultats exploitables

Il faut expliquer au patient que ce petit appareil va lui permettre de connaître l'état de ses bronches. C'est un peu comme un baromètre, s'il est en haut de l'échelle et stable, tout va bien, le ciel est bleu; s'il est en bas: danger, crise aiguë, c'est la dépression dans les bronches. En position intermédiaire: alerte, il faut retrouver une zone plus calme en modifiant le traitement, ce qui permet de prévenir une crise grave.

III. Débit-mètre et crise d'asthme

Chez un asthmatique adulte, en crise sévère avec un débit expiratoire de pointe inférieur à 120-150 I/min, l'attitude est pilotée, en plus de la clinique, par l'évolution du DEP sous bêta-2 mimétiques (sous-cutanés et/ou nébulisations. Quinze à vingt minutes après ce traitement, le débit expiratoire de pointe est contrôlé. Deux cas sont possibles:

a. Le DEP remonte à une valeur proche de 200 I/min: un traitement bronchodilatateur est poursuivi à domicile avec surveillance du débit-mètre. Toute rechute précise nécessite une consultation d'urgence.

b. Le DEP ne s'améliore pas: " alerte rouge ", réinjecter des bêta-2 mimétiques, adjoindre des corticoïdes et évacuer immédiatement le patient pour une hospitalisation d'urgence car le risque d'évolution mortelle est élevé. A la sortie de l'hôpital, un débitmètre est confié au patient pour une surveillance à domicile.

IV. Débit-mètre et surveillance de l'asthme

Il permet de s'assurer que l'asthme est bien équilibré, le débit expiratoire de pointe (DEP) est alors stable, proche des valeurs normales

Un débit expiratoire de pointe avec des chutes matinales importantes nécessite l'institution ou la modification d'un traitement quotidien.

Une évolution de la courbe du débit expiratoire de pointe en dents de scies irrégulières témoigne d'une hyperréactivité bronchique importante, mal contrôlée, et nécessite aussi la mise en route ou la modification d'un traitement quotidien.

Au travail, en enregistrant le DEP pendant la semaine sur le lieu de travail, lors des dimanches et les jours de congés, l'origine professionnelle de l'asthme peut être fortement suspectée. Le DEP diminue la semaine et remonte les jours de congés.

Conclusion

Le débit-mètre de pointe doit faire partie de la trousse médicale de tout soignant au même titre que le tensiomètre ou le thermomètre, mesures objectives et non subjectives.

Il doit aussi accompagner tout asthmatique afin de lui apprendre à mieux connaître son affection et son traitement.

Il existe actuellement un petit nombre de débitmètres commercialisés :

  • Mini-Wight (peak flow meter)
    Laboratoire ISOTEC: 10, av. Ampère, ZA Bois d'Arcy Nord - 78180 Montigny-le-Bretoneux.

  • Vitalographe (peak flow standard)
    DISTRIMAPI: 2 bis, rue Riboux - 69003 Lyon.

Développement et Santé, n°114, décembre 1994