L'éducation thérapeutique
Depuis 1996, la prise en charge des patients infectés par le VIH a sensiblement évolué avec, une meilleure connaissance de la dynamique virale, le développement d'une nouvelle famille de molécules antirétrovirales (les antiprotéases) et leur utilisation dans des stratégies d'association de médicaments (trithérapie et multithérapie).
Ces progrès réalisés ont également eu pour conséquence de rendre plus complexe la prise en charge des patients infectés par le VIH. Par ailleurs, des résultats convergents se sont progressivement accumulés, montrant que cette efficacité était subordonnée à un suivi régulier des prises prescrites et des conditions de prises, faisant de l'observance l'un des facteurs déterminants de la prévention de l'émergence des résistances, et conséquemment, de la réussite du traitement.
Les patients et les soignants sont donc confrontés au même type de problématique que celle retrouvée dans d'autres maladies chroniques (diabète, asthme, HTA, insuffisance rénale etc.). Il s'agit en particulier des difficultés rencontrées par les patients dans la gestion de leur vie quotidienne avec un traitement au long cours. L'attention de nombreuses équipes s'est alors portée sur la recherche d'interventions susceptibles d'aider les personnes à faire face à cette situation. Depuis une vingtaine d'années, la formalisation de programmes d'éducation thérapeutique de patients atteints de maladie chronique a prouvé une certaine efficacité en termes de meilleure gestion du traitement par les patients, de réduction des conséquences à long terme de la maladie chronique et d'amélioration de la qualité de vie des patients. Dans le domaine du VIH, la prise en charge médicale des patients est souvent associée à des stratégies permettant d'accompagner les patients dans la gestion de leur maladie. Ces stratégies prennent la forme d'entretiens, de "counselling", de groupe de paroles, de consultation d'observance, etc. L'éducation thérapeutique est complémentaire de ces approches, puisqu'elle donne les moyens au patient, en termes de compétences, de mettre en application les conseils ou les décisions qu'il prend par rapport à sa santé. Cette approche nécessite de former les soignants à une démarche pédagogique spécifique.
Dans les pays à ressources limitées, les obstacles à l'observance thérapeutique dépendent souvent du contexte politique, économique et social. Cela signifie que la prise en charge médicale et la gestion par le patient de son traitement sont plus facilement perturbées par des événements de la vie ou des décisions prises à l'échelle d'une région ou d'un pays (notion de précarité).
Cette dimension éducative est particulièrement pertinente dans les régions du monde ou les personnes et les communautés touchées n'ont pu bénéficier d'aucune information préalable sur l'infection par le VIH du fait qu'elles vivaient loin des réseaux de prévention ou de soutien existants. Il s'avère donc essentiel de pouvoir proposer aux patients et à l'équipe soignante un programme d'éducation thérapeutique afin de leur permettre de trouver ensemble les moyens de surmonter ces obstacles. Cela explique que certains pays, comme la Thaïlande, considèrent que l'éducation thérapeutique du patient et de son entourage est une composante indissociable de la prise en charge médicale, et qu'ils l'aient pleinement intégrée dans leur Plan National de Lutte contre le SIDA.
Dans de très nombreux pays, nous n'en sommes qu'au début du développement d'une offre de soins et d'éducation adaptée en regard de l'enjeu que constitue l'épidémie et, en corollaire, la prise en charge des personnes atteintes. Il n'y a pas d'intervention "miracle" et chacun des acquis obtenus ici devra être critiqué, réévalué et, le cas échéant, redéfini pour être reproduit là. Il revient donc à chacun d'expérimenter sa propre méthode d'intervention basée sur les acquis des recherches dans les domaines de la pédagogie et de la psychologie de la santé, puis d'en communiquer les résultats afin de contribuer à l'optimisation des pratiques de prise en charge. En l'état de l'offre thérapeutique disponible, la qualité des prescriptions et du suivi des traitements est un enjeu majeur, tant du point de vue individuel que collectif : il est de notre responsabilité de le gagner.