L'eau potable

Par Par Catherine Dupeyron Biologiste, Hôpital Henri Mondor, Créteil.  

Publié le

Qu'est ce qu'une eau potable ?
C'est une eau qui peut être consommée sans risque pour la santé, car elle n'est ni toxique, ni infestée de parasites, de bactéries ou de virus pathogènes pour l'homme.
L'eau est indispensable à l'homme, mais boire de l'eau peut être un geste dangereux. Actuellement dans le monde, 1 milliard de personnes n'ont pas accès à une source d'eau potable. Ces chiffres sont terribles quand on considère toutes les pathologies liées à l'eau qui sont rappelées dans ce site.
Une faible partie des habitants des pays du sud dispose d'un robinet privé, une autre s'approvisionne à partir de bornes ou fontaines, le reste de la population se sert directement à la source : dans les puits, les fleuves, ou les réserves pluviales naturelles. C'est là que l'exposition à la consommation d'eaux souillées est la plus importante.
Cependant il ne faut pas s'imaginer que l'eau, parce qu'elle coule à travers un robinet, est toujours bonne à la consommation. Tout dépend de la façon dont elle est purifiée et acheminée, c'est-à-dire de la qualité des réseaux, de leur entretien de leur contrôle.

Quel que soit son mode d'acheminement, une eau, pour pouvoir être consommée sans danger, doit répondre à un certain nombre de critères stricts, appelés critères de potabilité :

  • La potabilité microbiologique, est l'absence de micro-organismes susceptibles de provoquer des maladies.
  • La potabilité chimique, est l'absence de substances toxiques.

Pour pouvoir être consommée agréablement l'eau doit être limpide, claire et ne doit présenter ni saveur, ni odeur désagréable. Cependant une eau qui ne satisfait pas pleinement à ces critères ne présente pas forcément de risque pour la santé.

I. Potabilité bactériologique

Le risque microbiologique majeur est l'ingestion d'une eau souillée par des matières fécales d'origine humaine ou animale, qui peuvent être des sources de bactéries pathogènes, de virus, de protozoaires ou d'helminthes. Comme il serait très lourd et pratiquement impossible de vérifier l'absence de tous ces micro-organismes, les analyses microbiologiques sont fondées sur la recherche de bactéries considérées comme des indicateurs de contamination fécale : ces bactéries ont été choisies parce qu'elles sont présentes en grand nombre dans les selles des animaux à sang chaud, qu'elles sont détectables facilement, et qu'elles ne se développent pas dans l'eau pure.

L'indicateur de choix est la recherche de Escherichia coli, ou celle des coliformes thermotolérants (bactéries du même genre que E. coli) et reste encore couramment employée. Les eaux potables ne doivent pas en contenir. C'est un bon indicateur de potabilité.

Cependant, comme certains pathogènes, protozoaires, les enterovirus sont plus résistants que E. coli à de nombreux désinfectants, y compris au chlore, et pourraient éventuellement subsister après désinfection, d'autres indicateurs sont ajoutés, comme la recherche des entérocoques, et celle des spores de Clostridium perfringens. L'eau de boisson n'est pas stérile, elle contient des bactéries de l'environnement, qui ne sont pas pathogènes. On dénombrera aussi sans les identifier, les bactéries de l'environnement, sous l'appellation de bactéries revivifiables à 37° C et 22° C, afin de vérifier que leur quantité reste cependant dans des limites acceptables.

L'étude d'indicateurs fécaux associée au dénombrement des bactéries revivifiables est une méthode sensible, mais non rapide. Elle nécessite un laboratoire équipé pour réaliser des cultures bactériologiques et un personnel entrainé. Le délai minimum pour l'obtention des résultats est de 3 jours. Par ailleurs la standardisation des procédures est d'une grande importance pour l'interprétation des résultats. La qualité du prélèvement est une étape essentielle pour une bonne analyse.

Le lecteur trouvera en annexe, une fiche technique avec les Normes Françaises pour la réalisation des recherches les plus fréquentes.

II. Potabilité chimique

Le risque chimique est différent du risque bactériologique. Il y a peu de circonstances, en dehors de contamination massive accidentelle d'une réserve d'eau, où une simple exposition conduise à des effets toxiques. Généralement l'eau devient alors imbuvable par son aspect, son goût ou son odeur.

Le risque chimique est le plus souvent un risque de toxicité chronique par une ingestion répétée. Un dépassement ponctuel n'a pas de conséquence sur la santé, mais les dépassements quotidiens peuvent être préjudiciables, en particulier pour les personnes fragiles (nourrissons, personnes âgées, malades). Les substances chimiques autres que les sels minéraux font l'objet de normes très sévères. On distingue :

  • Les substances indésirables, leur présence est tolérée tant qu'elle reste inférieure à un certain seuil (le fluor et les nitrates par exemple).
  • Les substances aux effets toxiques, le plomb et le chrome, l'arsenic, le cadmium en font partie. Les teneurs tolérées sont extrêmement faibles, parfois de l'ordre du millionième de gramme par litre.

Ces analyses relèvent de laboratoires spécialisés.

Pour toutes les recommandations concernant l'eau de boisson nous renvoyons le lecteur aux travaux de L'Organisation Mondiale de la Santé (WHO), entre autre à ses récentes publications de 2004 : Guidelines for drinking-water quality, third edition. L'eau pour la Santé. Directiues de l'OMS pour la qualité de l'Eau de Boisson. www.who.int/

FICHE TECHNIQUE : ANALYSE BACTERIOLOGIQUE DE L'EAU

Normes de potabilité*

(Normes de qualité françaises fixées par le décret 89-3 du 3 janvier 1989, modifié par le décret 90330 du 10 avril 1990, par le décret 91-257 du 7 mars 1991 et par le décret 95-363 du 5 avril 1995.)

Micro-organismes aérobies à 37° C Micro-organismes aérobies à 22° C Coliformes à 37° C Coliformes thermotolérants à 44°C Streptocoques fécaux < 10 UFC\*/ml < 100 UFC/ml < 1 UFC/ml < 1 UFC/ml < 1 UFC/ml

\UFC : unité formant colonie*

Analyse

Matériel

  • Bec Bunsen

  • Rampe à filtration

  • Entonnoirs stériles (5 par point d'eau)

  • Membranes filtrantes stériles à usage unique de porosité 0,45µ (5 par point d'eau).

Milieux de culture

Deux géloses TTC + Tergitol

1 gélose Slanetz

2 géloses trypticase soja (en flacons de 20 ml)

Méthodes

Dénombrement des micro-organismes revivifiables

Technique par incorporation en gélose (NFR 90-401 et NFT 90-402)

  • Déposer dans 2 boites de Pétri (90 mm de diamètre), 1 ml d'eau et y ajouter la gélose trypticase en surfusion à 56°C.
  • Agiter les boites par rotation pour répartir uniformément l'eau au sein de la gélose et laisser reprendre en masse.
  • Incuber une boite à 37°C pendant 24 heures et l'autre à 22°C pendant 72 heures.

Recherche et dénombrement de coliformes et coliformes thermotolérants

Technique par filtration sur membrane (NFT 90-414), membranes filtrantes stériles de porosité 0,45µm et de diamètre 47 mm.

  • Filtrer deux fois 100 ml d'eau sur deux membranes millipores et les déposer sur les géloses TTC+Tergitol.
  • Incuber les boites 24 à 48 heures, l'une à 37°C pour la recherche des coliformes totaux et l'autre à 44°C pour la recherche des coliformes fécaux.
  • Dénombrer les colonies lactose + (jaunes).
  • Identifier selon les méthodes bactériologiques classiques, les colonies lactose + et oxydase.

Recherche et dénombrement des streptocoques fécaux

Technique par filtration sur membrane (NFT 90-416)

  • Filtrer 100 ml d'eau et déposer la membrane sur un milieu de Slanetz et Bartley. - Incuber 48 h à 37°C.
  • Dénombrer et identifier les colonies rouges avec un halo blanc.

Interprétation des résultats

Les résultats sont exprimés en nombre d'unités formant colonies (UFC) :

  • par ml pour les micro-organismes aérobies à 37°C et à 22°C
  • par 100 ml pour les coliformes à 37°C, les coliformes thermotolérants et les streptocoques fécaux.

Les résultats doivent être conformes aux normes ci-dessus.

Développement et Santé, n°177, juin 2005