Intérêt des solutés hydro-alcooliques

Par Philippe Reinert Pédiatre, Créteil, France

Publié le

Situation du problème
Les infections nosocomiales constituent une priorité en santé publique par la morbidité, la mortalité et les coûts importants qu’elles entraînent :

  • la majorité d’entre elles se transmettent directement par le contact des mains : plusieurs études ont montré que 80% des infections nosocomiales sont manuportées
  • certaines infections, virales ou bactériennes, sont aussi transmises par les surfaces : sols des crèches par exemple pour le cytomégalovirus.

Il a été bien démontré qu’un renforcement dans la rigueur du lavage des mains associé à la désinfection des surfaces freinait la plupart des infections nosocomiales.

En pratique, les solutions hydro-alcooliques utilisées comme antiseptique cutané, et de façon plus récente comme désinfectant pour les surfaces, sont de plus en plus employées, du fait de leur efficacité et de la simplification qu’elles entraînent par rapport aux méthodes classiques de désinfection.

Leur usage est maintenant recommandé par l’OMS, dans le plan de lutte contre les infections nosocomiales.
Commercialisées depuis plus de 30 ans dans de nombreux pays, leur efficacité et leur tolérance ont été démontrées.

Activité

Les actions antivirale et antibactérienne des solutés hydro-alcooliques ont été évaluées vis-à-vis de principaux micro-organismes responsables d’infections nosocomiales.

Rotavirus

C’est le principal virus responsable de diarrhée grave du nourrisson : il provoque plus de 111 millions d’épisodes de gastro-entérites (étude de Parashar et coll. 2003) par an, entraînant la mort de 300 000 à 600 000 enfants de moins de 5 ans. L’épisode infectieux dure environ 4 jours, mais l’élimination du virus peut durer plus de 30 jours. La transmission du rotavirus est facilitée par la promiscuité, comme c’est le cas dans les crèches et les collectivités de petits enfants : le virus est retrouvé dans les couches, sur les jouets, sur les surfaces. Il peut en effet survivre de plusieurs jours à plusieurs semaines sur les matières inertes, et il reste viable sur les mains pendant au moins 4 heures.

Les taux d’incidence des gastro-entérites à rotavirus sont comparables dans les pays industrialisés et dans les pays en développement. Ce virus est résistant, il est difficile d’en débarrasser les mains et les surfaces. L’amélioration des conditions d’hygiène et l’accès à l’eau potable n’ont pas fait nettement diminuer l’incidence des diarrhées à rotavirus. Ce n’est qu’avec la généralisation des solutés hydro-alcooliques pour l’antisepsie des mains, couplée à la désinfection des surfaces au moyen de sprays, que la contagion a diminué dans les pays industrialisés.

En effet, il a été montré, par des études effectuées en laboratoire sur des cultures de cellules infectées par ce virus, que la solution hydro-alcoolique utilisée en pulvérisation pendant quelques secondes inactivait complètement le rotavirus en moins d’une minute. On conçoit l’intérêt d’un tel antiseptique pour prévenir les épidémies de crèche ainsi que la diffusion du virus au domicile quand un enfant est atteint.

Virus respiratoire syncytial (VRS)

Le VRS est la principale cause d’infection respiratoire basse, provoquant la majorité de bronchiolites. De plus, tout particulièrement en France, on observe un synchronisme entre les pics épidémiologiques des gastro-entérites à rotavirus et les bronchiolites à VRS, chaque infection aggravant l’autre.

La contagiosité du VRS est extrême, à la fois par contact direct (contagion manuportée) et par l’air entourant l’enfant malade. Comme pour le rotavirus, des études effectuées sur des cultures de cellules infectées par le VRS montrent une inactivation de ses effets destructeurs en moins d’une minute, confirmant ainsi l’efficacité des solutés tant sur les mains que sur les surfaces.

Autres virus

L’inactivation a été montrée de la même manière sur de nombreux virus épidémiques : hépatite A, rhinovirus, virus influenzae H1N1, norovirus, calicivirus, adenovirus type 5, poliovirus type 1.

Bactéries

Pour ce type de germe, la transmission se fait essentiellement par contact direct : mains, surfaces, objets.
La particularité est que souvent ces germes sont devenus multirésistants aux antibiotiques, surtout en milieu hospitalier.
Surinfection postopératoire par Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa et Enterococcus : dans ces cas-là aussi, l’emploi des solutés hydro-alcooliques donne de bons résultats, y compris lorsque l’hygiène de l’eau est problématique.
Des études de bactéricidie ont montré l’efficacité des solutés hydro-alcooliques sur les germes les plus souvent rencontrés en milieu hospitalier, notamment : Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa, Enterococcus, Escherichia coli, ainsi que sur Salmonella enterica. La destruction des germes a été obtenue après quelques minutes de contact.

Tolérance

La tolérance cutanée est bonne. Elle a été évaluée chez des adultes, par la technique des patchs semi-occlusifs appliqués pendant 48 heures : les lectures effectuées à 48 et 72 heures n’ont pas montré de différence par rapport aux témoins (érythèmes ou œdèmes n’étaient pas plus fréquents).

Conclusion

Ces solutés hydro-alcooliques ont un large spectre d’activité sur les micro-organismes, une grande rapidité d’action et une excellente tolérance.
Utilisés pour l’antisepsie des mains et plus récemment pour la désinfection des surfaces, ils constituent un moyen puissant pour lutter contre les infections nosocomiales. Seul leur prix reste un obstacle. Souhaitons qu’il diminue pour permettre une plus large diffusion, car leur intérêt est encore plus important dans les pays où l’accès à l’eau est difficile.