Hommage au professeur Philippe Reinert

Par Toute l'équipe de Développement et Santé

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Il y a tout juste un an, le professeur Philippe Reinert (1938-2017) nous quittait.
Externe des Hôpitaux de Paris (1960-1963,) interne des Hôpitaux de Paris (1965-1969), Chef de Clinique Assistant (1969-1975), il a été le chef du service de pédiatrie du Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil (CHIC) de 1977 à 2004.
Philippe Reinert était un médecin hors pair, de par sa curiosité qui l’a conduit vers des domaines d’intérêt extrêmement variés.

L’immunologie et l’infectiologie étaient ses domaines de prédilection

Très tôt, il s’est intéressé à la virologie et a participé à de nombreux essais sur la vidarabine, puis l’aciclovir dans les varicelles et zonas de l’immunodéprimé. Son service a reçu pendant des années toutes les maladies virales chez l’immunodéprimé provenant des services d’hématologie et d’oncologie pédiatrique de Paris et parfois de province.
La rougeole a été l’un de ses pôles d’intérêt, avec une attention particulière pour l’encéphalopathie de Von Bogaert (ou leucoencéphalite subaigüe sclérosante). Il recevait des enfants de toute l’Europe, en particulier de Grèce. Inlassablement, il combattait et espérait gagner sur cette maladie en leur donnant des immunostimulants. Il portait les parents avec un soin peu commun.
Il est également devenu membre du Groupe d’Etude et de Recherche sur les Herpès Virus (GERH).
Sur le plan de la bactériologie, il a été président du Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique (GPIP) et vice-président de la Société française de pathologie infectieuse pédiatrique, membre fondateur, puis président d’honneur, de l’Association Clinique et Thérapeutique Infantile du Val-de-Marne (ACTIV).
Il a travaillé sur le pneumocoque puis sur l'Haemophilus B, réussissant à faire diffuser le vaccin conjugué sur l'ensemble du Val-de-Marne, initiant ainsi la diffusion nationale.

Un interniste

Interne en médecine interne adulte, il en parlait comme d’une expérience décisive. Il pensait qu’il était bon pour un pédiatre de faire un peu de médecine adulte.
Il s’est intéressé aux maladies périodiques, à la maladie de Wegener, à la maladie de Behçet, au lupus, et pour finir à la drépanocytose, faisant de son service un centre de référence avec l’une des plus importantes files actives de France.
Il a connu la mucoviscidose alors qu’il était interne et, comme il aimait développer tout ce qui l’intéressait, son service est devenu référent de la fibrose kystique du pancréas (FKP) plusieurs années plus tard avec un accompagnement de certains patients jusqu’à la greffe pulmonaire, et une ouverture précoce vers les problèmes de la transition enfant-adulte des maladies chroniques, grâce à la présence dans son service d’une unité de médecine de l’adolescent de douze lits et à sa collaboration avec la pneumologie adulte. Il était intéressé par la « transition » avant l’heure.
Il a milité dans les associations de parents.

Un enseignant

À Créteil, alors qu’il n’y avait pas de service de pédiatrie universitaire, il a été chargé d’organiser cet enseignement. Coordinateur du département de pédiatrie de la Faculté de Médecine de Créteil dès 1979, il a rapidement supprimé les cours magistraux pour les remplacer par des travaux dirigés. Il a été nommé professeur associé des Universités en 1981.
Ses externes et ses internes l’adoraient : pas de discours, mais l’exemple de son comportement.
Il a noué très tôt des liens forts avec les médecins généralistes, d’où est né un cycle de pédiatrie en formation médicale continue qui a duré des années. Il se laissait « déranger » par tout collègue en difficulté ; il écoutait, conseillait et ne jugeait jamais. Il sillonnait la France et parfois l’Afrique pour enseigner là où on le sollicitait.
Une fois par semaine, dans son service, se tenait « un échange de connaissances » où chacun essayait d’apporter quelque chose de nouveau au « maître », en vain !

Des centres d’intérêt éclectiques

En témoignent ses appartenances à de multiples sociétés savantes : il a été vice-président de la Société Française de Pédiatrie (SFP), membre du conseil scientifique et de l’association Vaincre les maladies lysosomiales, membre du Conseil Scientifique de l’association Maladie de Williams Beuren.
Il a été rédacteur en chef puis directeur scientifique de la revue Médecine et Thérapeutique Pédiatrique (MTP).
Philippe Reinert a fréquenté le Ministère de la Santé où il a été vice-président du Comité Technique des Vaccinations au sein du Haut Conseil de Santé Publique (HCSP), membre du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (CSHPF), expert à la Commission d’Autorisation de Mise sur le Marché, en particulier pour les immunostimulants en pédiatrie, les surfactants exogènes en réanimation néonatale, la DNase recombinante dans la mucoviscidose, etc. Enfin, il est resté membre permanent de la Commission Ministérielle de règlement à l’amiable des Accidents Vaccinaux depuis 1987.
Enfin, il a assuré des fonctions administratives : président de la Commission Médicale d’Etablissement (CME) du CHIC, président du Collège des Pédiatres Hospitaliers d’Ile-de-France (COPHI), président du Comité d’Ethique du CHIC de 1986 à 1990 ; il avait à cœur toutes ces responsabilités.

Un précurseur

Sur le plan de l’organisation : très tôt, vers les années 1975, il a doté son service de quelques lits d’hôpital de jour, tandis qu’en salle les lits mère-enfant apparaissaient, et qu’était créée une petite maison des parents interne à l’hôpital.
Sur le plan scientifique, Philippe Reinert a été à la base de la création d’ACTIV en 1988. Il a poussé les pédiatres libéraux à faire de la recherche en ville, ce qui n’existait pas du tout à cette époque.
Il a fait partie du GPIP, dès sa création. Quinolones en pédiatrie, azithromycine dans les mucoviscidoses, corticoïdes dans le syndrome de Marshal, étaient des sujets qui lui tenaient à cœur.
Pour InfoVac également, il a été parmi les membres fondateurs en 2001 et a participé aux gardes téléphoniques jusqu’à la fin de sa vie.
Grâce à lui, le CHIC a été le premier hôpital de France à avoir un référent « antibiotiques » pour l’ensemble de l’hôpital.
Il a créé un Service de soins et d’éducation spécialisés à domicile (SSESD) dans le cadre de l’APF (Association des paralysés de France). Il a créé à Créteil un Centre d’action médico-sociale précoce (CAMPS) dont il a été le directeur.
Il a effectué plusieurs mandats au conseil de famille du Val-de-Marne.

Un modèle

Patron unique, respectueux des pôles d’intérêt de ses collaborateurs, il les a aidés à réaliser leurs projets : prise en charge des leucémies aigües depuis la chimiothérapie jusqu’aux auto puis allogreffes de moelle osseuse ; développement de l’un des plus importants centres de référence de la drépanocytose en Ile-de-France : prise en charge globale, transfusions, échanges transfusionnels, traitement par l’hydroxyurée ; en allergologie, tests de réintroduction alimentaire ou médicamenteuse ; enfin création d’un secteur « adolescents » innovant.
Il était proche de tous les membres de son personnel. Il connaissait leurs prénoms, les appelait facilement la nuit pour prendre des nouvelles d’un enfant. Il faisait confiance à ses collaborateurs qui lui en seront toujours reconnaissants et qui, grâce à « l’esprit Créteil » qu’il a semé dans son service, restent liés par une fidélité mutuelle indestructible.

Un humanitaire

Philippe Reinert était un médecin ouvert à toutes les causes à défendre ou à protéger.
Dans les années 1970, il a participé à l’accueil des boat-people du Cambodge avec France Terre d’Asile, accueillant dans son service les enfants malades.
Jusqu’à la toute fin de sa vie, il a assuré la consultation pédiatrique de la Permanence d’accès aux soins de santé (PASS) de Créteil.
Dès le milieu des années 1970, il a créé, avec le Professeur Bernard Lagardère, une association dont la principale activité consistait en la rédaction d’une revue bimestrielle.
Celle-ci avait pour objectif de proposer des outils de formation aux soignants de première ligne, qu’ils soient infirmiers ou médecins, dans les pays francophones les plus démunis, notamment en Afrique francophone. Le titre de cette revue était déjà tout un programme : Développement et Santé.
Cette revue a été imprimée pendant plus de 30 ans. Elle a d’abord été une revue généraliste avec différentes rubriques (médecine, chirurgie, pédiatrie, labo-technique, santé publique et bien d’autres), ainsi que des actualités. Puis elle a évolué, avec la rédaction, en alternance, de revues à thèmes, une douzaine de numéros spéciaux ont ainsi été édités. Certains ont pu servir de support à des formations organisées en Afrique (le VIH, l’eau).
La diffusion de la formation et de l’information est maintenant essentiellement proposée sous forme informatique. Elle est relayée par un site internet qui propose une base documentaire de plusieurs centaines d’articles. Le site est https://devsante.org/
Philippe a su fédérer une équipe de professionnels issus d’horizons très variés : bien sûr des pédiatres mais aussi des infirmières, des anesthésistes, des chirurgiens, des généralistes, des biologistes, des médecins de santé publique et même des ingénieurs, des informaticiens et des artistes. Et surtout, il a réussi à faire travailler ensemble et bénévolement des personnes qui n'en avaient pas l’habitude. Des professionnels étrangers, le plus souvent africains, nous rejoignaient ponctuellement, participant également à la rédaction des articles.

Philippe Reinert a laissé un grand vide.
De par ses qualités exceptionnelles, professionnelles, humaines et relationnelles, sa curiosité et son enthousiasme permanent ainsi que ses capacités de travail impressionnantes dans des conditions parfois difficiles, et cela jusqu’à la fin de sa vie, il a forcé l’admiration de tous et reste un exemple.
Il nous manque toujours mais nous avons eu la chance de le connaître et de pouvoir travailler avec lui.